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La figure 1.2 présente un schéma récapitulatif simplifié du processus de réalisation de l’inventaire UTCATF français. Il indique, pour les trois types de données sources nécessaires (surfaces annuelles de changements d’occupation du sol, taux de carbone dans le sol et biomasse pour ces différentes occupations). Les bases de données utilisées actuellement sont principalement TerUti, le RMQS et l’IFN; voir chapitre 2 et 4.).

Fig. 1.2. Etapes principales de la réalisation de l’inventaire UTCATF par le CITEPA

GES pris en compte

Parmi les différents GES impliqués, l’inventaire UTCATF estime uniquement les flux de CO2

liés aux changements d’occupation des sols. En outre, le méthane (CH4) émis par les rizières et le

dioxyde d’azote (N2O) émis lors du brûlage de bois sont aussi pris en compte. Les flux d’autres GES

liés aux changements d’occupation des sols (CH4, N2O, O3…), qui sont encore mal connus (voir

chapitre 2), ne sont pas estimés dans l’inventaire français. L’impact de cette non-comptabilisation n’a pas encore été estimé. C’est donc bien principalement un inventaire des flux de carbone qui est actuellement réalisé, mais il convient de toujours parler de flux de GES en général, quels que soient les choix méthodologiques appliqués à un moment donné par un pays donné.

Réservoirs de carbone pris en compte

Dans l’inventaire UTCATF français, tous les réservoirs possibles de carbone ne sont pas également estimés. D’une part, les règles actuelles de comptabilisation permettent de ne pas suivre de façon égale toutes les dynamiques : la forêt est particulièrement étudiée, mais d’autres terres présentent moins d’enjeux. La figure 1.3 ci-après présente, pour chaque conversion possible (chaque case de la matrice) ou chaque occupation stable (les cases en diagonales), les compartiments de carbone qui sont considérés. Outre les règles de comptabilisation, ces différences de prise en compte dépendent des données disponibles et des hypothèses sur l’importance relative de chaque réservoir et chaque occupation du sol.

Fig. 1.3. réservoirs de carbone pris en compte dans l’inventaire

Les surfaces forestières ont un statut à part dans les règles politiques liées aux inventaires UTCATF : leur suivi est ainsi bien plus complet que pour d’autres catégories, où des réservoirs de carbone sont estimés a minima ou ne sont pas estimés du tout. Réalisation : Robert, 2016

Pour les valeurs de carbone dans le sol et la biomasse

Comme la figure ci-dessus le montre, c’est principalement le compartiment sol qui est estimé. Le compartiment biomasse est estimé à part pour les surfaces concernées. Pour le compartiment sol, le CITEPA a fait le choix pour les changements de recourir à la méthode des différences de stock (stock de l’occupation finale – stock de l’occupation initiale), avec une dynamique linéaire sur 20 ans. Les valeurs de stocks sont issues du réseau de mesure RMQS (Réseau de la Mesure de la Qualité des Sols) fournie par l’Unité InfoSol de l’Inra. Une hypothèse, issue du Giec, indique que les sols dégradés ont la moitié du stock de carbone qu’ils auraient s’ils n’étaient pas dégradés. Ainsi, ce principe a été transcrit pour choisir une valeur du stock de carbone des sols de la catégorie « terres artificielles » (comprenant des sols imperméabilisés ou non, voir définition en 1.3) : la moitié du stock sous prairie.

Pour la biomasse, les données et hypothèses proviennent de l’IFN. La biomasse ligneuse intervient lors d’une conversion d’occupation (afforestation, déforestation, reforestation) mais aussi lorsque l’occupation forestière est stable. En effet, l’inventaire compare les prélèvements de bois à l’accroissement naturel (production), si la production dépasse les prélèvements, le stock forestier augmente. En France, la forêt gagne ainsi en superficie et en volume : en 2014, 46% de la production naturelle était prélevée, avec un taux maximum de 74% en Aquitaine et un taux minimum de 20% en Midi-Pyrénées (IGN, 2016). Il s’agit de la production en volume de bois « fort tige » c’est-à-dire excluant les branches et les arbres à un diamètre inférieur à 7.5 cm : la production réelle totale est plus élevée. Dès lors le Citepa utilise une autre source que l’estimation de la production en bois : il prend bien en compte les estimations de la totalité de la biomasse produite avec des équations allométriques1, ce qui est cohérent avec une approche carbone qui ne distingue pas différents types de bois.

Pour les surfaces de changement d’occupation

Le Citepa estime actuellement l’ensemble des changements d’occupation du sol en France métropolitaine avec une seule source, ce qui permet d’avoir une base cohérente, alors qu’il a la possibilité de recourir à différentes données, par exemple pour le déboisement. Cette base de données qui permet un suivi de l’ensemble du territoire est la base TerUti. Les résultats de cette enquête qui sont utilisés sont les données agrégées au niveau départemental, pour raison de secret statistique, fournies par le Service Statistique du Ministère de l’Agriculture. Nous reviendrons en détail dans la partie 4 sur les modalités techniques, statistique, sémantique, ontologique de cette enquête, sa construction et sur les particularités de l’information produite. Elles jouent un rôle de premier plan dans la construction de l’inventaire UTCATF par le Citepa.

TerUti est un choix hérité : c’est la source de données utilisée historiquement pour réaliser l’inventaire UTCATF. Il est plus simple, afin de respecter l’exigence de cohérence temporelle et au vu des ressources affectées à la réalisation de l’inventaire, de continuer à utiliser la même source de données. TerUti a été choisi car il est compatible avec les exigences de résolution spatiale (distinction des forêts des bosquets par le seuil de 0.5ha ; pas de temps annuel), de périmètre (il couvre de façon cohérente l’ensemble du territoire) et de résolution temporelle (il permet de remonter aux années 1980). Aujourd’hui, le Citepa considère cette donnée comme toute autre source : avec un regard critique et son utilisation comme source unique à l’avenir est compromise par de nombreux éléments (voir chapitres 4 et 6). Néanmoins, le contexte dans lequel s’inscrit l’inventaire nécessite de justifier solidement toute modification méthodologique importante.

Définition des terres gérées pour délimiter les surfaces à comptabiliser

La définition des terres « gérées » et des terres « non gérées », au sens du Giec ; constitue une hypothèse forte qui détermine une grande partie de l’inventaire, car seuls les flux des terres gérées sont considérés comme anthropiques et sont rapportés officiellement dans l’inventaire. Or, cette première hypothèse majeure ne fait pas l’objet d’autant d’attention que les questions de prise en compte de la forêt d’une part et que les dynamiques estimées d’autre part. Le Citepa pourrait utiliser les données TerUti qui renseignent, dans les catégories fonctionnelles (c’est-à-dire d’utilisation du sol), les classes « protection réelle du milieu » et « absence d’usage ou non utilisation temporaire » qui pourraient correspondre à une interprétation de l’expression « non géré ». Néanmoins, ces classes n’ont pas été définies avec ce principe et la catégorie « absence d’usage » correspond souvent à « absence d’usage identifié par l’enquêteur ». De plus, des terres pouvant ne pas être « gérées » au sens du GIEC pourraient être indiquées comme TerUti dans des classes d’utilisation différentes (par exemple « production ligneuse »). Dès lors, c’est une autre source qui est utilisée par le Citepa : l’IFN qui estime que 5 % des forêts ne sont pas gérées. Pour la France, une forêt est gérée au sens de la CCNUCC lorsqu’elle fait l’objet d’opérations de gestion forestière visant à administrer les fonctions écologiques, économiques et sociales de la forêt. Le terme « opération de gestion forestière » recouvre les actions de coupes ou de travaux forestiers mais également les actions de planification forestière, d’accueil du public en forêt ou de protection des écosystèmes forestiers. Seules les forêts exclusivement soumises aux processus naturels, en raison notamment d’une accessibilité limitée, sont considérées comme non gérées, elles sont estimées à partir des surfaces des « autres forêts » définies par l’IGN qui représentent environ 5 % des forêts métropolitaines (Citepa, 2016b) Toutes les autres terres, y compris les terres nues, les roches, glaciers, friches, zones humides, sont de fait considérées comme « gérées ». Ce postulat est certes erroné si on applique une définition stricte de la gestion. Il s’agit donc là d’un choix par défaut qui peut être amené à être revu, mais de nouveau l’exigence de cohérence temporelle de la méthode vise à conserver ce type d’hypothèse d’une année à l’autre. Les sous-catégories CITEPA

Les sous-catégories d’occupation du sol appliquées par le Citepa correspondent un choix national qui découle des données sources. Conformément aux bonnes pratiques, des sous-catégories nationales ont été définies, dépendantes des données sources. Elles reflètent la donnée source TerUti qui a des codes d’occupation très précis, comme la haie par exemple, alors que pour la plupart des systèmes de suivi, la haie est une composante d’une catégorie (par exemple « prairies bocagères »). Ici les sous-catégories sont définies par plusieurs critères, différemment selon les cas : critères morphologiques, agronomiques, fonctionnels.

Table 1.3. Nomenclatures de référence Giec et sous-catégories du Citepa

Code niveau 1 Catégorie Giec Sous-catégorie Citepa Code niveau 2

100 Forêts Feuillus 111 Conifères 112 Mixte 113 Peuplier 114 200 Prairies Prairie en herbe 212 bosquet 213 Haies 214 Végétation arbustive 215 300 Cultures Cultures 312 Vergers 313 Vignes 314

400 Zones humides Zones humides 400

500 Zones artificielles

Artificiel nu, bâti 511

Artificiel en herbe 512

Artificiel arboré 513

600 Autres terres Autres terres 600

La prise en compte de l’utilisation et de l’occupation du sol

Le Citepa considère l’utilisation du sol comme une information prépondérante dans les données TerUti, en complément de l’occupation, et ce pour plusieurs raisons :

- interprétation du Citepa des lignes directrices du Giec qui parlent de « land-use » mais en ont acceptation très large

- volonté de respecter l’esprit de l’inventaire qui vise les modifications anthropiques, non pas le couvert biophysique mais les usages par la société de ces surfaces ; ce qui est justifié aussi par catégorie « artificiel » qui recoupe des surfaces en herbe ou boisées mais à « usage » résidentiel ou récréatif par exemple.

- possibilité offerte par TerUti d’avoir des couples occupation-utilisation, ce qui permet a priori de conserver précision et complexité du territoire (par exemple quand l’occupation change mais l’usage est stable, et vice versa).

Nous proposerons, à la fin de l’état de l’art, de rediscuter chacun de ces trois arguments et de proposer, à chaque fois, une conclusion inverse en conservant cette même volonté de précision et de pertinence.

1.5.3 Traitements correctifs actuels de TerUti

Pourquoi corriger les données TerUti ?

Conformément aux bonnes pratiques, les méthodes utilisées pour la représentation des superficies terrestres doivent rapporter une évolution cohérente dans le temps et précise dans l’espace, depuis plus de 20ans (GIEC, 2003a). Les données TerUti, bien qu’elles répondent a priori aux exigences du GIEC, nécessitent, de fait, d’être corrigées afin de rapporter des dynamiques cohérentes et d’être intégrées à l’inventaire UTCATF.

Les données TerUti n’ont pas été conçues et mises en forme pour répondre au format des inventaires. TerUti a pour but de suivre les surfaces via une nomenclature marquée par des différences subtiles de gestion, là où l’inventaire vise à suivre les conversions d’occupation du sol entrainant des flux liés aux réservoirs de carbone. Actuellement, aucune source française de données statistiques sur l’occupation des terres n’a été spécifiquement conçue pour mesurer les flux de carbone anthropiques, donc ce problème se poserait aussi pour d’autres sources. Des données plus précises, notamment sur la biomasse et l’évolution des stocks de carbone dans les sols avec les changements d’affectation des terres, sont nécessaires pour mieux estimer ces flux. Mais c’est surtout la nomenclature des différentes utilisations des terres qui n’est pas directement adéquate avec l’estimation de ces flux. Le nécessaire travail de mise en correspondance des données source avec la nomenclature finale du GIEC amène d’une part une perte de précision dans un sens (on rassemble des classes d’occupation qui pouvaient être très détaillées) sans en gagner dans l’autre (les taux de carbone sont estimés pour des grandes catégories très générales et en négligeant les différences entre grandes régions bioclimatiques).

Les données brutes TerUti posent des problèmes d’ordre conceptuel, méthodologique, temporel (discontinuités, seuils) et spatial (échelle). La principale source de difficulté est due à l’existence de trois séries statistiques, construites avec des méthodes relativement différentes, empêchant tout suivi cohérent dans le temps des dynamiques du territoire. La modification de la nomenclature et du plan d’échantillonnage a créé des ruptures méthodologiques trop importantes (voir chap. 4). Certaines années ne sont pas enquêtées, ou ne le sont que partiellement. La cohérence générale étant nécessaire pour l’inventaire UTCATF, des traitements sont nécessaires et sont explicités ici. Ces données sources sont corrigées pour conserver une cohérence temporelle. Les inventaires de la France présentent, comme demandé, des matrices d’évolution des terres depuis 1990, avec un pas de temps de 20 ans. Les données fournies présentent donc une cohérence temporelle, c’est-à-dire une continuité des informations – sans donnée manquante affichée. Nous savons cependant que les données sources présentent trois facteurs d’incohérence temporelle : des années non enquêtées, ou partiellement ; des données bien au-dessus des tendances ; et des changements dans les nomenclatures entraînant des décrochements. Ces trois facteurs empêchent tout suivi des évolutions directement à partir des données brutes. La cohérence rapportée est donc une cohérence reconstruite a posteriori.

Ainsi, il n’y a pas « une » enquête TerUti cohérente mais des enquêtes différentes. Ces séries sont généralement considérées à part et les publications relatives à TerUti les séparent toujours en dressant le constat de leur incompatibilité (Agreste, 1993 ; 2004 ; 2009 ; 2014). Le CITEPA doit mettre bout à bout des séries qui n’ont pas été construites de la même façon. Il y a souvent méprise par les utilisateurs des données CITEPA car ils ne retrouvent pas exactement les mêmes tendances en terme de surfaces de changement. Les matrices recrées par le CITEPA sont une nouvelle donnée, basée sur TerUti mais qui en corrige les tendances pour en forcer la cohérence.

De plus, même au sein d’une série cohérente, la question de la plausibilité des flux bruts estimés est aussi posée. En effet, même prise séparément, chaque série présente des artefacts et des incertitudes qui interrogent la pertinence des changements annuels bruts estimés.

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