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Une approche systématique, ainsi que les approches modélisatrices, systémiques et narratives sont nécessaires pour quantifier les changements en prenant en compte la complexité des facteurs en jeu (Lambin et al. 2003). Il est d’abord nécessaire de disposer d’une définition complète des changements selon les caractéristiques définies plus haut: direction, magnitude, rythme, fréquence. Ces caractéristiques qualitatives et quantitatives, spatiales et temporelles, sont à la base des méthodes plus élaborées des analyses des changements. En effet, il est ensuite possible d’approfondir ces caractéristiques par une analyse statistique des flux de surface et par une analyse spatiale pour prendre en compte la localisation, la forme, et la taille du changement. L’analyse des changements d’occupation du sol doit toujours alterner entre vision analytique (étudier chaque conversion en particulier, chaque période et chaque dynamique spatiale) et une vision synthétique (considérer les dynamiques du territoire dans sa trajectoire globale, avec une approche intégrée, holistique). Caractériser les changements, c’est les décrire et donc les interpréter, les saisir sous un certain angle. Pour saisir le maximum d’informations, et en comprendre la complexité, de nombreux indicateurs sont autant d’angles d’approches qui permettent de caractériser les changements d’occupation du sol.

Outils

Zvoleff et An (2014) dressent une liste des principales méthodes intégrées utiles aux recherches sur les liens entre sociétés et paysages, qu’ils regroupent en quatre grands types : les méthodes statistiques (analyses de régression, fusion bayesienne, analyse de survie…), les méthodes d’analyse spatiale associées aux SIG (superposition, analyses spatio-temporelles, régression géographiquement pondérée…), les simulations (automates cellulaires, modélisation multi-agents…), et enfin les méthodes mixtes (modèles intrégrés).

L’analyse des changements passe nécessairement par plusieurs critères d’appréhension. Quelques indicateurs de base permettent d’en identifier les principales caractéristiques. Ils peuvent être résumés par des formules dont les termes1 sont :

I = classe d’occupation du sol initiale J = classe d’occupation du sol finale

S = Surface totale

Cij = tous les changements d’occupation du sol t = durée de la période (l’intervalle temporel) ;

T= durée totale de toutes les périodes N : Nombre

P= Persistance (I=J)

G= gain, surface gagnée par une catégorie lors d’un changement L = pertes (losses), surface perdue par une catégorie lors d’un changement

Un changement est défini par :

- une direction, définie par la catégorie de destination, différente de la catégorie d’origine. C’est généralement ce critère qui fait l’objet de l’attention première des analystes et des acteurs politiques, c’est surtout ce critère qui est seul directement et aisément perceptible sur le terrain. La direction s’exprime en catégorie qualitative :

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direction = J ≠I

- une amplitude, définie par la différence entre la surface maximale atteinte par un changement durant un intervalle de temps et la surface minimale atteinte dans un autre intervalle. L’amplitude s’exprime dans la même unité de surface1 que les changements :

amplitude = max Ci,j - min Ci,j

- une magnitude, définie par la surface concernée par un même type de changement (en général ayant la même direction), pour une période définie. Elle est égale la surface cumulée des changements similaires et s’exprime en surface pour une période :

magnitude = Ci,j,t

- une fréquence, définie par l’unicité ou la répétition du changement dans le temps. Une répétition du changement peut être analysée comme un cycle s’il s’agit d’un retour à l’état initial après perturbation, ce qui permet une itération du même schéma. La fréquence s’exprime en unité de temps, selon que le changement intervient une seule fois ou plusieurs fois dans la période totale étudiée. Elle se calcule en divisant le nombre de fois où changements intervient dans la période par la durée de la période :

fréquence = NCi,j T / T

- un rythme, c’est-à-dire une vitesse d’évolution, défini par la quantité de changements similaires (en général par leur direction) moyenne pour un pas temporel donné (en général par an). Le rythme est aussi appelé taux (Loveland, et al. 2002). C’est ce qui permet de résumer l’importance moyenne d’un changement durant toute la période étudiée, ou de comparer la vitesse d’un changement d’une période à une autre. Il s’exprime en surface par pas de temps :

rythme = Ci,j T / T

-un type (voir section 5.1), c’est-à-dire une qualification de la dynamique à l’œuvre par un terme plus large mais plus signifiant (ex : déprise, intensification, industrialisation…) (Foley, et al 2005).

Analyse statistique des flux : les matrices

La matrice brute de transition constitue une visualisation classique incontournable dans l’analyse des changements d’occupation du sol.

Tableau 3.1. Matrice d’occupation du sol I (classe 1) Classe 2 J Total t0 I (classe 1) PI CIJ SI

J (classe 2) CJI PJ SJ

Total t+n SI SJ S

Ce tableau est un outil central pour visualiser et comparer les données qui permettent de suivre les conversions. On lit en ligne l'utilisation en t1, en colonne l'utilisation en t2. A partir de ce tableau, on peut effectuer aisément trois analyses simples pour enrichir la compréhension des phénomènes étudiés. On retrouve en diagonale les surfaces étant restées les mêmes= la persistance (P). PI signifie surfaces dans la catégorie I au t0 et au t1. Les surfaces totales (S) se lisent à droite (t0) et en bas (t1).

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La matrice relative

Fig 3.6 Matrice relative et indicateurs de gains, de pertes et d’échanges

La matrice « brute », à gauche (exprimant les surfaces en absolu), et la matrice « relative » (exprimant les surfaces en proportion du territoire, en pourcentage), auxquelles sont ajoutées les « gains » et « pertes » pour chaque catégorie, peuvent être résumées par un ensemble de formules dont les termes sont :

Tout à droite, la colonne E (Echange ou swap en anglais) indique la quantité de surface échangée mutuellement entre deux catégories (changements bruts qui se compensent et qui n’apparaissent plus lorsqu’on considère le bilan net)

Le taux de changement

Il permet d’abord de repérer importance du changement en calculant la part du territoire qui change. La matrice brute permet d’abord de caractériser l’importance du changement en calculant la part du territoire concernée. Cet indice doit être ramené à un cadre temporel unique, en général à l’année. Ce taux de changement s’échelonne de 0 (stabilité totale) à 1 (instabilité totale) et se calcule simplement en considérant le rapport entre les surfaces de changement et la surface totale, le tout divisé par la durée (dans l’unité de temps souhaitée) :

Taux de changement

=

Avec de nouveau I = classe initiale J = classe finale

Cij = changements d’occupation du sol S : surface totale

T= durée totale de toutes les périodes

Cet indice peut servir à comparer la dynamique générale de différentes zones d’étude. Il permet aussi de confronter différentes bases de données : pour une même zone d’étude, c’est un

indicateur général de la sensibilité d’une technique à la détection du changement. Cet indicateur peut être calculé pour une catégorie particulière, notamment pour démontrer les différences d’appréciations de certains changements en particulier entre deux dispositifs de détection.

Changement brut et changement net.

Les synthèses traitant des changements d’utilisation et d’occupation des terres les expriment généralement comme changements nets, c’est-à-dire en comparant une surface de telle catégorie au temps t1 et au temps t2 et en calculant si cette catégorie a gagné, perdu ou stagné en surface. Il est bien plus intéressant de considérer les changements bruts car un territoire connait, pendant une même période, des changements opposés : c’est la direction du changement qui a la plus forte magnitude qui va déterminer la direction du changement net. Si les deux changements bruts sont de même magnitude, ils se compensent parfaitement, et l’apparence nette sera à la stabilité. En d’autres termes, la quantité finale varie mais la localisation des catégories a changé. Considérer cela est primordial avant d’interpréter toute valeur estimée de changement d’occupation du sol, afin de ne pas sous- évaluer les dynamiques réelles (Mertens et Lambin, 1997). Ce type de changement impliquant, au sein d’une catégorie, des conversions à surface constante, est un échange (ou permutation, swap en anglais) (Pontius et al, 2004). De manière plus réaliste, un territoire peut connaître à la fois une forte dynamique d’afforestation et des défrichements un peu moins importants. La dynamique nette fera ressortir une légère progression de la forêt, laissant entendre une absence totale de fronts de défrichements. Cet effet de masque est à éviter : au lieu de comptabiliser les flux en positif ou en négatif, chaque changement doit être comptabilisé en positif pour pouvoir être sommé.

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