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4. L'acquisition des langues

5.2. Les tâches

Pour rendre compte de l'utilisation des verbes de position et de placement, nous avons élaboré quatre tâches qui concernent deux types d'activités langagières, la production et la compréhension. Cette distinction a été faite pour mieux pouvoir décrire les deux aspects séparément. Les apprenants d'une langue (enfant ou adulte) comprennent en général davantage que ce qu'ils arrivent à produire (cf. Hickmann, 2003:179), car pour produire du langage, il faut avoir automatisé un grand nombre de connaissances linguistiques (cf. Pienemann, 1998 ; Levelt, 1989). Il est possible que la production de nos informateurs n'ait pas été suffisante pour juger de leurs compétences en ce qui concerne les verbes étudiés. En incluant la compréhension, comme objet d'analyse séparé, nous pourrons également voir leurs connaissances implicites qui ne se manifestent pas encore dans la production orale. Cependant, à cause d'un manque de place dans la présente thèse, cette dernière tâche a été reportée pour une étude future. Malgré cela, dans ce chapitre, nous présenterons la totalité du protocole expérimental, dont fait partie cette tâche.

Les situations statiques, censées éliciter une production des verbes de position intransitifs (sitta « être assis », ligga « être couché », stå « être debout »), sont mises en avant à l'aide d'un diaporama avec 24 photos d'objets et de poupées (Figures) se trouvant dans différents endroits (Fond) dans diverses positions (voir Annexe I pour des exemples d'images). Ces photos sont précédées de deux photos d'échauffement, et 16 distracteurs sont insérés au hasard. C'est donc un total de 42 photos que nous avons demandées aux informateurs de

40 Nous remercions tout particulièrement Maya Hickmann et Maarten Lemmens pour leur aide personnalisée lors de l'élaboration du stimulus.

décrire. Une situation statique ne fournissant pas d'ordre de logique de description naturelle, l'informateur doit choisir quoi décrire et par quoi commencer et a donc besoin d'une certaine organisation du discours. Le degré de celle-ci dépend de la maturité cognitive de l'apprenant, et sera plus développée chez les apprenants L2 que chez les enfants L1. Par contre, la situation d'élicitation ne fait pas appel à la mémoire de l'informateur, car le support reste devant ses yeux le temps de la description (cf. Hickmann, 2003 ; Hendriks, Watorek, Giuliano, 2004 ; Watorek, Lenart, Trévisiol, à paraître).

Pour la compréhension des mêmes verbes, nous avons préparé un diaporama avec deux images sur chaque diapositive qui mettent en contrast un même objet dans deux positions différentes. Nous avons demandé à l'informateur de montrer où se trouve l'objet X dans telle position. En guise d'exemple, nous avons deux images qui représentent des télévisions, une en position standard et une mise sur le côté, avec la consigne Var ser du en

teve som ligger? « Où vois-tu une télé qui est couchée ? ». 26 diapositives furent montrées,

dont 2 d'échauffement et 10 distracteurs, ce qui fait un total de 14 images cibles. Ce genre de phrase n'étant pas possible en français idiomatique, la tâche de compréhension a été exclue pour le groupe de contrôle francophone. Les distracteurs dans la partie concernant l'élicitation des verbes statiques représentent des actions, par exemple un chien qui court, une femme qui fait de l'équitation, etc, afin de distraire les informateurs du domaine sémantique de la localisation statique (voir Annexe II pour des exemples).

Les verbes de position dynamiques (sätta « asseoir, mettre assis », lägga « coucher, mettre couché », ställa « mettre debout ») sont élicités à l'aide de films très courts (de 3 à 6 secondes), représentant une personne en train de poser un objet quelque part (utilisation élargie) ou bien en train de s'asseoir, se lever ou s'allonger (utilisation prototypique). Les informateurs ont vu un total de 41 films, dont 23 films cibles, 2 films d'échauffement et 16 distracteurs. L'ordre temporel est inhérent aux événements dynamiques du film et aide l'informateur à organiser son discours. En revanche, comme le film est terminé lors de la description linguistique du déroulement, la mémoire de l'informateur est sollicitée (cf Hendriks, Watorek, Giuliano, 2004 ; Watorek, Lenart, Trévisiol, à paraître). Or, si nous remarquions une hésitation sur le déroulement de l'action, nous proposions à l'informateur de revoir le film.

Pour la compréhension des verbes de position dynamiques, nous avons demandé aux informateurs de poser des objets (tel un livre, une bouteille, un bonhomme playmobil, etc) sur la table dans différentes postures. Exemplifions avec la consigne suivante : ställ boken på

bordet « pose le livre debout sur la table ». 17 sollicitations cibles d'ordre locatif avec deux

sollicitations d'échauffement et 12 distracteurs font un total de 31 demandes d'action. Pour les verbes dynamiques, les distracteurs consistaient également en des actions, mais aucune de nature locative, par exemple un monsieur qui fait un bisou à un nounours, quelqu'un qui cueille des fleurs, etc (voir Annexe III pour la liste exhaustive des stimuli et des distracteurs, ainsi que Annexe IV pour leurs ordres de présentation). Encore une fois, les énoncés exprimant un mouvement provoqué contenant une précision sur la position de la Figure ne sont pas idiomatiques en français. Par conséquent, pour ne pas mettre en danger la volonté des informateurs de coopérer, nous avons exclu cette tâche des enregistrements du groupe de contrôle français.

Les diaporamas étaient montrés sur notre ordinateur portable sous forme de présentation powerpoint, et nous avons enregistré les productions sur un mp3 placé devant les informateurs. Nous pensons que la taille très peu imposante de cet appareil a pu contribuer au fait que la plupart des informateurs ont appréhendé la tâche d'une façon détendue. Certains adultes, plus enclins à prendre des aspects pragmatiques en compte, ont montré une sensibilité à la situation d'enregistrement en tant que situation formelle. Cette possibilité est relevée dans l'analyse, pour les cas où cette interprétation semble se repercuter sur leurs choix de mots. Or, pour les jeunes enfants, nous avons l'impression qu'ils oubliaient l'enregistrement et son appareil au fur et à mesure que la séance se poursuivait.

Pour ne pas activer le domaine sémantique de la localisation chez les informateurs par des moyens linguistiques, les tâches de production sont toujours présentées en premier. Ainsi, lors de la tâche de la compréhension, nous avons utilisé les verbes étudiés, lorsque les informateurs les avaient déjà énoncés (ou cherché à les énoncer). En outre, pour éliminer les éventuelles influences inter-stimuli, nous avons élaboré quatre ordres de présentation au hasard, et les informateurs ont commencé soit par l'élicitation des verbes statiques, soit par les verbes dynamiques. De cette manière, si les informateurs au début de l'enregistrement avaient du mal à produire les verbes, ou se sentaient un peu mal à l'aise, les stimuli « souffrant » de ce manque d'échauffement n'étaient pas toujours les mêmes.

Comme il s'agit d'une étude où les enfants font partie des informateurs, les stimuli doivent être élaborés avec le plus grand soin et adaptés à leurs âges. C'est pourquoi le matériel visuel d'élicitation représente des jouets (des bonhommes playmobil, des poupées, des voitures jouets, etc.) ainsi que des objets de la vie quotidienne (chaussures, assiettes, couteaux, tapis, etc.).