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Les paramètres sémantiques des verbes de position

3. La sémantique et l'utilisation des verbes de position suédoissuédois

3.5. Les paramètres sémantiques des verbes de position

A partir des représentations mentales, transposées en schémas d'image, une liste de paramètres sémantiques a été établie par Lemmens (2006) et Lemmens et Perrez (2010) pour les verbes de position néerlandais. Comme les usages de ces verbes correspondent en grande partie avec celui des verbes équivalents suédois, nous nous sommes beaucoup inspirée de ces paramètres. Mais d'abord, nous présenterons par expression positionnelle les raisonnements derrière chaque paramètre, discutés par plusieurs auteurs. Il est important de dire que tous les paramètres n'entrent pas en ligne de compte en même temps pour chaque situation locative, ce qui ajoute une difficulté pour les apprenants. Il faut qu'ils fassent la bonne analyse des paramètres qui sont d'actualité dans la situation donnée pour pouvoir choisir le verbe adéquat. Selon Serra Borneto (1996:473), les élargissements sémantiques des verbes correspondent à au moins un des paramètres, et si la situation d'usage du verbe inclut plus d'un paramètre, le locuteur peut apercevoir une rivalité. Le choix d'un verbe devant un autre paraît alors moins motivé. Selon cet auteur, lors des utilisations métaphoriques des verbes de position, une localisation concrète dans le monde est rare, ce qui annule l'importance de la forme et l'orientation de la Figure lors du choix de verbe (idem). Nous voudrons faire valoir, au contraire, que toutes les utilisations et les élargissements de ces verbes sont motivés par les schémas d'images et les paramètres sémantiques qui en découlent.

3.5.1. Les paramètres de stå/ställa

Van Oosten (1984:144) affirme que la position normale d’un être humain est la station debout, qu’il est plus haut que large, et qu’il peut se tenir droit sans aucun support extérieur. En suédois, ce concept est rendu par le verbe stå. Jakobsson (1996:23ff) rajoute qu’une personne debout se trouve obligatoirement dans un endroit déterminé, elle tient une position, et elle exerce également une pression sur la base. La personne debout représente aussi un

funktionellt upp, c’est-à-dire un « vers-le-haut » fonctionnel – la personne est fonctionnelle

lorsqu’elle tient sa tête vers le haut – ainsi qu’une extension verticale (idem). Une personne debout représente aussi un être humain prêt à se mettre en route, agir et interagir avec son entourage. Lemmens (2002a:11) rappelle que la position debout est la position canonique de l’être humain, et qu’une personne debout est associée au pouvoir et au contrôle, argument mis en avant également par Newman (2002a:2). Selon Serra Borneto (1996:463), le paramètre le

plus important pour le verbe stå est la base. Les paramètres sémantiques des verbes stå « être debout » et ställa « mettre (debout) » peuvent donc être synthétisés de la manière suivante (cf. Lemmens & Perrez, 2010) :

stå ställa

être sur ses pieds → être sur sa base (BASE) être mis sur ses pieds → être mis sur sa base (BASE) avoir une extension vers le haut à partir de la base être mis avec une extension vers le haut à partir de la

base

avoir une extension verticale (VERTICALITÉ) avoir une extension verticale (VERTICALITÉ) être dans sa position canonique (CANONICITÉ) être mis dans sa position canonique (CANONICITÉ) être fonctionnel (FONCTIONNALITÉ) devenir fonctionnel (FONCTIONNALITÉ)

(le texte écrit est debout – usage métaphorique)

Tableau 6: Paramètres sémantiques contenus dans les verbes stå/ställa.

Nous donnerons un exemple parmi nos stimuli que nous allons analyser ci-dessous : Flaskan

står på stolen « La bouteille est [debout] sur la chaise ». Cette bouteille repose sur sa base, a

une extension verticale à partir de sa base et elle se trouve dans une position attendue et normale, c'est-à-dire canonique. On peut également considérer que la bouteille est fonctionnelle en tant que récipient lorsqu'elle est « debout ». C'est pourquoi, en suédois, il faut encoder cette situation par le verbe de position stå. Selon Langacker (1987:271ff), il y a une partie plus saillante que les autres, appelée zone active, lors du maintien d'un état statique, encodé par les verbes de position. Pour la position debout, il s'agit des jambes (cf. Newman, 2002a:2). Cette théorie approche celle de Bowerman sur les catégories des objets (2005), qui développe l'idée que certains verbes ne contiennent pas seulement le sens de l'action qu'ils expriment, mais aussi une catégorie d'objet qui est obligatoirement inclus dans l'action. L'exemple donné dans son article est le verbe kick, qui en anglais sous-entend la présence d'un pied. Donc pour les verbes stå/ställa, l'objet sous-entendu, dans le sens primaire du verbe, pourrait bien être les jambes ou les pieds, qui dans un sens figuré devient le paramètre de la

BASE.

3.5.2. Les paramètres de ligga/lägga

Le verbe qui contraste presque parfaitement avec les caractéristiques de stå « être debout » est

ligga « être couché » en suédois. Être couché/allongé n’est pas la position canonique de l’être

l’objet n’est pas obligé de se soutenir et parfois il n’en est pas capable. Le verbe ligga est souvent utilisé comme le contraire du verbe stå, car la position canonique d’une personne n’est pas d’être allongée. Jakobsson (1996:24) affirme que l’extension horizontale caractérise une personne allongée, et que l’absence d’un « vers-le-haut » fonctionnel est un blocage de la

VERTICALITÉ. Elle pense aussi que ligga peut être une manifestation d’une incapacité de bouger, ce qui se base sur la passivité d’une personne allongée. Lemmens (2002a:11) rajoute que le sens de ligga est lié au repos, à la fragilité et à la mort. Ce verbe est également utilisé pour encoder les objets ronds, qui n’ont pas de base, puisqu’ils sont symétriques, appelés des objets sans dimensions (Serra Borneto, 1996 ; Lemmens & Perrez, 2010). Ceci provient du fait que l’emplacement est conceptualisé comme un point sur une ligne, selon Jakobsson (1996:27), tout comme l’emplacement géographique d’un pays ou une ville, encodé en suédois comme dans l'exemple suivant : Stockholm ligger i Sverige « Stockholm se trouve en Suède ». Or, dans ce cas, il n'existe pas d'équivalence entre le verbe statique et le verbe dynamique, car l'on ne peut pas lägga « mettre » une ville quelque part. Voici donc les paramètres sémantiques pour les verbes ligga/lägga qui découlent de ces constats (cf. Lemmens & Perrez, 2010).

ligga lägga

être sur un de ses côtés → ne pas être sur sa base (Ø

BASE) être mis sur un de ses côtés → être mis hors sa base (Ø BASE) avoir une extension horizontale (HORIZONTALITÉ) être mis en extension horizontale (HORIZONTALITÉ) Ne pas être dans sa position canonique (NON

-CANONICITÉ) être mis hors position canonique (

NON-CANONICITÉ) Ne pas être fonctionnel (NON-FONCTIONNALITÉ) devenir infonctionnel (NON-FONCTIONNALITÉ) Localisation des entités sans dimension/rondes poser une entité sans dimension/ronde Localisation géo-topographique

-Tableau 7: Paramètres sémantiques contenus dans les verbes ligga/lägga.

En reprenant l'idée sur la zone active (Langacker, 1987), nous voudrions avancer que pour les verbes ligga/lägga, celle-ci correspond à un des côtés du corps entier, car c'est celui-ci qui se trouve en contact avec la surface (cf. Newman, 2002a:3). En ce qui concerne l'idée sur la catégorie d'objet sous-entendue du sens du verbe (Bowerman, 2005), l'objet sous-entendu de ces verbes porte sur le Fond où l'action du verbe se déroule, à savoir un lit (pour la plupart du temps dans notre culture).

3.5.3. Les paramètres de sitta/sätta

Le verbe zitten en néerlandais, sitta en suédois, est un mélange des deux autres verbes, selon Van Oosten (1984:144). Un être humain dans la position assise n’est ni horizontal ni vertical, mais quelque chose entre les deux. Comme la position canonique des êtres humains est la station debout, la position assise n’en est pas une. Le verbe sitta tient une place à part lorsqu’il s’agit de l’extension du sens. Il se trouve que la position humaine assise n’est pas possible à transférer sur d’autres utilisations de sitta, selon Jakobsson (1996:35). C’est-à-dire qu’il n’y pas d’équivalence du sens vertical ni du sens horizontal dans l’utilisation du verbe sitta pour des objets. Le verbe sitta est souvent utilisé pour exprimer le fait d’être fixé, accroché ou attaché lorsqu’il incarne la localisation d’un objet. Le schéma d'image de CHEMIN proposé par Jakobsson pour le verbe sitta focalise sur le point d'arrivée, où l'achèvement du mouvement se réunit avec un ancrage instantané sur le point d'arrivée.

Selon Newman (2002a:19), certains sens élargis de l'équivalent anglais sit sont motivés par du good-fit, terme approximativement traduit par un EMPLACEMENT APPROPRIÉ. Il ne s'agit plus de la forme de la Figure, mais d'un ajustement de cette Figure dans un endroit spécifique, comme la référence corporelle de ce verbe va vers une position confortable d'un être humain. Ce paramètre rejoint celui de containment (cf. Lemmens, 2002a, 2002b), rendu par INCLUSION en français, ou celui de tight fit (cf. Choi & Bowerman, 1991 ; Bowerman & Choi, 2001 ; Hickmann & Hendriks, 2006), qui traduit une relation très étroite entre la Figure et le Fond, souvent même un ajustement total, où la forme du Fond marie parfaitement celle de la Figure. Nous appelerons ce paramètre le CONTACT (étroit). Un exemple en suédois, tiré de nos stimuli, illustre cette explication difficile à saisir : kniven sitter i knivstället « le couteau est [assis] dans le porte-couteau18 ». Le verbe sitta semble donc être un verbe dont le sens exprime une partie de la fonction d'association, c'est-à-dire la relation spatiale, et par conséquent, le verbe sätta exprime une partie de la Trajectoire (le chemin suivi par Figure jusqu'au Fond, (Newman, 2002a:19)). Le verbe sitta est surtout appliqué lors d'une référence à un objet ou à une personne qui fait partie d'un ensemble et qui, par conséquent, a une fonction spécifique (cf. Jakobsson, 1996:26). Cet aspect explique sans doute une partie du caractère fonctionnel que l'on trouve dans certains sens des verbes sitta et sätta. Dans les exemples

hatten sitter på huvudet « le chapeau est [assis] sur la tête » et hon sätter på sig strumporna

« elle met [assis] les chaussettes », les paramètres du CONTACT et de l'INCLUSION sont

18 Un porte-couteau dans cette thèse n'est pas l'ustensile sur lequel on pose un couteau sur la table afin de ne pas la salir, mais le bloc dans lequel on insère le couteau afin de le ranger, voir l'image du stimulus SP024 –

perceptibles, mais une notion d'une MISE EN FONCTIONNALITÉ peut aussi se discerner, car le chapeau remplit sa fonction en étant sur la tête, et les chaussettes celle d'être sur les pieds. En outre, certains usages du verbe sätta incarne le début d'une action, ayant ainsi une notion d'ingressivité. Le paramètre sémantique de la MISE EN FONCTIONNALITÉ décrit ces usages. Le trait sémantique EMPLACEMENT APPROPRIÉ, proposé par Viberg pour le verbe sätta (1985:12), avoisine le paramètre de la FONCTIONNALITÉ, mais nous gardons le terme de Viberg afin de bien distinguer les deux paramètres. Ainsi, ces verbes semblent dépendre dans une plus grande mesure du Fond et sa nature que l'usage des autres verbes de position.

Lemmens propose, pour l'équivalent zitten néerlandais, que ce verbe est moins positionnel que les autres et tient une place à part (2002a:117). Or, si cela induit un usage plus fréquent de ce verbe en néerlandais, cela ne semble pas être le cas en suédois, car les utilisations élargies sont plus restreintes. Rappelons que ce verbe se trouve en 35ème place sur la liste de fréquence verbale de Viberg (2006), dépassé par stå (place 17), ligga (place 23) et

lägga (place 31).

Donc, les sens élargis des verbes sitta et sätta paraissent éloignés du sens original, à savoir la référence à une personne assise. Les deux paramètres qui couvrent les utilisations élargies sont les suivants, selon Lemmens (2002a,b) : CONTACT – la Figure est en contact très rapproché, voire attachée au Fond ; INCLUSION – la Figure se trouve en partie ou totalement insérée dans un Fond étroit.

sitta sätta

contact avec le Fond (CONTACT) être mis en contact avec le Fond (CONTACT) être contenu dans le Fond, contact très étroit

(INCLUSION) être inclus dans le Fond, contact très étroit (

INCLUSION) être approprié (EMPLACEMENTAPPROPRIÉ) être mis à un emplacement appropriée (EMPLACEMENT

APPROPRIÉ)

entamer la fonctionnalité (MISEENFONCTIONNALITÉ)

Tableau 8: Paramètres sémantiques contenus dans les verbes sitta/sätta.

Pour ces verbes, la zone active (cf. Langacker, 1987) correspond aux fesses du corps humain (cf. Newman, 2002a), ce qui est sans doute également la catégorie qui est incluse dans l'action du verbe (cf. Bowerman, 2005). Or, il est possible que pour cette dernière, l'endroit prototypique où se déroule l'action en question peut aussi incarner cet objet, à savoir une chaise.

Selon Viberg (1985:53), le verbe sätta détient, dans une certaine mesure, une valeur moins marquée. Dans le suédois parlé en Finlande, ce verbe est considéré comme un hypéronyme des verbes de placement (Toivonen, 1997:7), et il est par conséquent grammaticalement correct (mais pas toujours idiomatique) dans toutes les situations de mouvement provoqué. L'interchangeabilité presque parfaite des verbes sätta och ställa (également existante en allemand, cf. Fagan, 1991:144) avoisine cette problématique (cf. Viberg, 2006:119). En effet, puisque le verbe sätta incarne le sens de mettre quelque chose dans un endroit approprié, et par conséquent en position appropriée et fonctionnelle, il est effectivement possible de remplacer ställa par ce verbe dans la majorité des configurations. En néerlandais, zetten, l'équivalent formel du verbe suédois sätta, est le seul verbe de placement à encoder les situations correspondant aux paramètres sémantiques des verbes

ställa et sätta. Le verbe stellen existe toujours, mais celui-ci n'est utilisé que dans certaines

métaphores (cf. Lemmens, 2006).