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c) Le système position-rôle : vers l'idée d'un répertoire de rôles :

Dans le cadre de cette réflexion, la notion de « position » désigne la place qu'un individu occupe au sein d'un réseau, celle-ci étant fonction des relations qu'il y entretient. La théorie du « rôle comme ressource » (Baker & Faukner, 1991 ; Callero, 1994), ajoute à cette définition le fait qu'une position donnée puisse être composée et recomposée au travers de la revendication ou de l'abandon de certains rôles. Dans cette logique, revendiquer un rôle nouveau – et ainsi l'intégrer à sa position – revient à débloquer de nouvelles ressources et ainsi, de nouvelles capacités d'action. Dans la pensée de Baker et Faukner, le nouveau rôle ainsi revendiqué se juxtapose avec la position initiale et en génère une nouvelle qui cumulera les avantages des deux précédentes. Si une telle approche a le mérite d'offrir une vision très assouplie de la vie sociale et de donner pleinement le champ aux stratégies individuelles, elle demeure dans les faits assez peu précise sur ses critères de délimitation du rôle en tant qu’objet d’analyse. Ainsi, avant de m'intéresser à la manière dont la revendication des rôles se passe effectivement, et quels peuvent être les mécanismes régulateurs du jeu d'appropriation et d'accumulation, je chercherai notamment à savoir si la notion de « chef » devra être comprise comme relevant d'un rôle ou d’une combinaison de rôles. Autrement dit, il s'agira de déterminer de quelle manière devra être modélisé le système position-rôle.

Le choix se fait entre une configuration duale – une position et un rôle – et une configuration multiple – une position mais plusieurs rôles. La seconde de ces deux options sera retenue, pour une raison que j'emprunterai à l'auteur Frédérick L. Bates (1956) lorsqu’il propose une reformulation du triptyque Position-Rôles-Statut. Cette raison est que la configuration duale, en ne proposant pas de sous-catégorie intermédiaire entre position et comportements, rend la structure interne de la position à la fois monolithique et imprécise. Les changements qui l'affectent ne peuvent en effet être décrits que comme totaux ou marginaux, en cela qu'il n'existe pas de catégorie intermédiaire qui puisse permettre de décrire un changement qui, bien que significatif, n'affecterait pas la position toute entière. Dans la théorie de Baker et Faukner, par exemple, les individus sont situés au sein d'un jeu trop monolithique, ou les mouvements de compétition entre individus ne peuvent être interprétés que comme une perte nette ou un gain maximal. A titre d'exemple, si l'on considère que « Metteur en scène » est un rôle, il est difficile d’envisager que celui-ci puisse faire l'objet d'un partage entre deux individus, ou qu'un individu puisse partiellement empiéter sur les prérogatives de l’autre sans pour autant lui retirer toutes ses ressources d'un seul coup. Cette limitation s'applique également aux moments de collaboration entre les individus, en limitant l'étude des délégations de pouvoir.

J'ajouterai à cela qu'une approche qui ne sépare pas distinctement la position des rôles qui la compose prend le risque de confondre les deux au moment de l'analyse. On retrouve également ce problème, dans la théorie initiale du rôle comme ressource de Baker et Faukner (1991) ainsi que dans le développement de Callero (1994). Cette difficulté ne se retrouve pas dans une configuration multiple, où il devient possible d'envisager qu'un rôle complet – c'est-à-dire, toute une séquence de comportements – change sans nécessairement affecter tous les autres rôles de la position. Elle permet également d'envisager qu'un même individu puisse utiliser des rôles différents sans changer de position. Prenant l'exemple de la cellule familiale82, l'auteur propose à ce titre de considérer chaque position comme regroupant un ensemble de rôles, ceux-ci organisant les relations qui sont nouées avec les autres individus de l'ensemble social désigné. Par la suite, je nommerai cet ensemble le « répertoire de rôle ». Cela se montrera particulièrement utile dans le cadre de l'analyse du travail du chef, dont la position hautement centralisatrice appelle à un découpage plus fin des différentes responsabilités et avantages dont il dispose. Une telle conceptualisation facilitera d'ailleurs le travail d'interprétation stratégique, en cela que l'individu pourra se trouver en difficulté 82 Dans l’exemple pris par l’auteur, la position de « père » (father) au sein de la cellule familiale regroupe par exemple

les rôles de soutien la famille (provider), gendarme (disciplinarian), géniteur (father of siblings), partenaire de jeu (playmate), compagnon (spouse of mother), mentor (teacher), et un certain nombre d’autres rôles (other roles).

vis-à-vis d'une partie de son répertoire sans que sa position globale soit nécessairement en danger. D'une manière générale, il semblerait que le choix de déterminer si le rôle est une traduction monolithique de la position ou si une position peut englober plusieurs rôles dépende bien souvent de l'objet de la recherche qui est privilégié83. Ainsi, les approches centrées sur le vécu des individus ont souvent privilégié l'idée d'un système position-rôle dual, où la localisation d'un individu dans l'espace social serait associée à un seul rôle. Puisque l'individu « vit » sa situation de manière unifiée, toute décomposition arbitraire perdrait de son sens. Le système position-rôle est alors conçu comme une structure unique et plutôt cohérente, soit en provenance de l'individu lui-même au travers de son identité, de ses valeurs et de ses logiques, soit en provenance de l'extérieur au travers d'attentes, de normes et de prescriptions. Dans un tel système, la distinction position-rôle sert alors essentiellement à distinguer ce qui dépend du découpage formel de l'espace social et ce qui relève du contenu du vécu individuel. Cette conception est souvent associée à l'idée qu'une multiplicité de rôle à tenir au sein d'un même ensemble est source de tension (Rizzo, House, & Lirtzman, 1970). C'est notamment sur ce parti pris que s'appuie la Théorie Organisationnelle du Rôle (Katz & Kahn, 1978). A l'inverse, les recherches plus systémiques, centrées non-pas sur la psychologie individuelle mais sur les activités concrètes tendent à privilégier l'établissement d'une typologie où chaque position est divisée en plusieurs rôles. Cette configuration multi-rôles, se retrouve par exemple dans la typologie d'Henri Mintzberg (Mintzberg, 1973) qui décompose la position du cadre d'entreprise en trois catégories de rôles distincts en fonction de trois dimensions du travail de dirigeant : la gestion des relations interpersonnelles, le la gestion de l’information, et la décision. On peut également penser à l'analyse – plus récente – proposée par Desmarais et Abord-de-Chatillon (Desmarais & Abord de Chatillon, 2008) qui découpe la position des managers publics et privés en quatre rôles, chacun associé à un processus organisationnel spécifique : la traduction, la régulation des relations, le pilotage des performances et l'adaptation des ressources. Ces deux typologies, de par leur cousinage structurel – une position, plusieurs rôles – ont nourri la construction de l’analyse. La première a inspiré la manière dont l’activité du chef a été « découpée » en rôles ; la seconde a permis quant à elle de développer une nouvelle perspective dans l’analyse de mes résultats.

Proposition 4 : La position d'un individu représente à la fois sa localisation au sein d’un

tissu de relations interpersonnelles et le répertoire regroupant les rôles qui fondent ces mêmes relations.

83 Dans le domaine des sciences de gestion, on fera par exemple la différence entre les approches qui ont pour objet « le rôle de manager » et celles qui ont pour objet « les rôles du manager ». Dans le premier cas, la position et le rôle du manager sont confondus ; dans la seconde, la notion de rôle sert de ramification supplémentaire.

II) Les conditions et l’usage : le rôle comme moyen individuel d’action

régulé collectivement :

a)

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