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Ces rôles sont ceux sur lesquels repose la centralité formelle de la position de commandement. Ils le placent au sein d'un ensemble de processus par lesquels il contrôle, véritablement, les mouvements formels de l'organisation. En parallèle, ces rôles génèrent une activité très importante, et un grand nombre de moments dus à l'organisation, ce qui impose au chef d'y consacrer beaucoup de temps et d'énergie. Pourtant, parce que les attentes comportementales sont plus claires et délimitées, ces rôles sont également plus faciles à échanger, déléguer voire différer. Le chef peut donc plus facilement s'affranchir des obligations liées au contrôle, conservant par devers lui les éléments les plus importants et sollicitant ses adjoints pour en assurer le suivi.

Dans son rôle de « Ratifiant », le chef valide les actes de son organisation. Sa signature, au bas des documents, indique qu'une décision est actée, et tous les mouvements administratifs s'effectue en son nom. A ce titre, il valide le travail des services de gestion, et se trouve particulièrement impliqué dans les cycles administratifs tels que l'évaluation ou l'avancement des personnels96. Sur le plan relationnel, il donne de la légitimité aux échanges et aux réflexions qui sont mises en œuvre. Sa présence seule contribue à rendre solennels des moments qui n'auraient pas eu la même portée en son absence. Le fait qu'il assiste à une réunion, même sans la présider, garantit symboliquement que les éléments discutés sont importants et dignes de considération. Au quotidien, le simple fait qu'il participe à une discussion orale ou une conversation par courriels donne à l'échange une importance nouvelle, qui engage les participants au delà de ce qui est habituel dans les moments informels. Ce rôle de « Ratifiant » est crucial pour expliquer la centralité de la position de commandement. Parce que beaucoup de décisions lui sont soumises pour approbation, il est naturellement informé de la plupart des mouvements formalisés de son organisation. Parce qu'il place le chef dans une position incontournable, le rôle de « Ratifiant » produit beaucoup de moments dus à l'organisation. Les attentes relatives à l'usage de ce rôle sont fortement influencées par les textes réglementaires, et la légalité des décisions est un point d'orgue. Enfin, du fait de la configuration centralisée de l'organisation, le chef est également très courtisé par les acteurs qui cherchent à entériner une décision rapidement. Des éléments aussi anodins que la proximité physique – même étage, même bâtiment, etc – ou organisationnelle – par exemple, la subordination directe dans l'organigramme – deviennent alors des éléments stratégiques de première importance. 96 Plus discret au niveau le plus opérationnel, le rôle de « Ratifiant » fait l’objet d’une véritable institutionnalisation à

partir des niveaux de commandement de seconde ligne. Ainsi, la journée de travail de tout chef à partir du Commandant de Compagnie commence généralement par l’étude et le traitement des parapheurs. En raison du volume parfois important de documents à traiter, la classification, le référencement et le redéploiement du contenu de ces parapheurs est l’une des missions des personnels administratifs des Groupes de Commandement et Cabinets.

Dans son rôle de « Répartiteur », le chef distribue les ressources matérielles, humaines et financières au sein du territoire dont il a la charge. Il a la responsabilité de ces ressources et de l'élaboration d'une stratégie quant à leur répartition sur le territoire. Dans le cadre de l'organisation du maillage territorial, où les unités fonctionnement généralement avec les seules ressources nécessaires pour assumer leurs missions, ce rôle de « Répartiteur » place le chef dans une position centrale dont les subordonnés sont dépendants. Les décisions de répartition des ressources peuvent en effet concerner un large panel de ressources essentielles au bon fonctionnement des unités. On distingue alors deux dynamiques : la distribution des ressources permanentes et la distribution des ressources temporaires. Dans le premier cas, le « Répartiteur » alloue à l'unité des ressources dont elle pourra faire usage dans son fonctionnement général. Il peut également s'agir de véhicules de service, de dotations financières, d’équipements opérationnels, d'outils information ou de communication, etc. Sur le plan humain, il peut s'agir d'effectifs de Sous-Officiers, de Gendarmes Adjoints Volontaires (GAV) ou d'élèves Gendarmes en formation qui sont dès lors inclus dans le service régulier. Le « Répartiteur » peut également allouer à l'unité des ressources temporaires, par l'affectation de réservistes ou de pelotons de Gendarmerie Mobile. Ces ressources ne sont attribuées à l’unité que dans un cadre donné, comme pour un renfort de durée limitée ou pour une dotation ponctuelle. Le rôle de « Répartiteur » agit aussi bien sur l’attribution initiales de ressources que sur l’ordre de remplacement des ressources défaillantes.

Dans son rôle de « Gérant », le chef organise le quotidien de son organisation en accord avec les besoins du service. Du fait de l'importance de l'activité opérationnelle de la Gendarmerie Départementale, ce rôle est associé à de très forts enjeux. Aux échelons les plus opérationnels, ce rôle se concentre principalement sur la répartition du travail au sein de l'unité et les arbitrages associés, ce qui implique la distribution des tâches, l'allocation des temps de repos, la validation des permissions, etc. Il dispose sur ce plan d'une marge de manœuvre conséquente, en raison de la disponibilité des militaires, mais doit pour autant être attentif à un certain nombre de règles formelles et d’attentes implicites dans la manière de l'utiliser. Dans le cadre d’opérations programmées, le chef fait usage de son rôle de « Gérant » pour répartir la charge d’intervention entre les différentes unités du maillage.

Dans son rôle de « Censeur », le chef contrôle la conformité des actes de ses subordonnés, recueille les plaintes et sanctionne les fautes. Il s'assure notamment de l'accomplissement des ordres donnés, et exige à ce titre des comptes-rendus oraux ou écrits. Il évalue l’atteinte des objectifs fixés.

Sur le plan du travail effectué, il peut également opérer un contrôle de conformité de certaines procédures, comme par exemple dans le cadre de la police judiciaire. Parce que le chef est responsable, au travers de ce rôle, de la vie en caserne, cette prérogative s'étend, dans une certaine mesure, au contrôle de la rigueur morale et du respect des règles de la vie en communauté. Pour les échelons les plus élevés, qui ne peuvent contrôler en direct l'exécution du travail, le rôle de «Censeur» s'exprime au travers d'événements ponctuels et très formalisés. Le chef mène l'inspection des unités et échelons subalternes qui font partie de son domaine, recueille les dénonciations et les plaintes et mène des investigations lorsque cela s’avère nécessaire. Les pratiques liées au rôle de « Censeur » sont extrêmement encadrées, et basées sur un ensemble très codifié de rites et de procédures. Parce qu'il est associé au registre symbolique de l'enquête et de la sanction, ce rôle de « Censeur » a un effet ambivalent sur le collectif, à la fois source de pouvoir et de risques d'atteinte au moral des personnels. C'est par exemple le cas lorsque le rôle de « Censeur » est mobilisé pour faire évaluer la manière de commander d'un officier en position de commandement. Cette procédure particulière, appelée « Enquête de Commandement », et décidée par le supérieur hiérarchique, sert généralement à lever le doute sur une situation de conflit ou d’ambiguïté relationnelle. De par son formalisme et la symbolique qui s’y associe, cette expérience est généralement mal vécue par les collectifs – ou les chefs – qui en font l'objet, ce qui peut avoir des effets délétères sur le climat de travail et le moral des personnels. D’une manière générale, le rôle de « Censeur » renvoie encore aujourd’hui à l’autorité traditionnelle de l’officier en position de commandement, dont il reste l’un des principaux pivots.

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