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c) La position stratégique de l'adjoint dans la reconfiguration :

Au delà des jeux stratégiques d’obtention de ressources et des synergies entre rôles, il me reste à voir comment le positionnement des acteurs influence les possibilités d'usage du rôle. Le premier lieu fondamental de distribution des rôles du chef se situe dans la relation que celui-ci entretient avec son adjoint. Dans son article intitulé « le concept de encadrement » (The co-manager concept), John Senger avait déjà établi que les entreprises américaines de son époque ont progressivement abandonné la fonction d'assistant de direction, adoptant ainsi un modèle d'encadrement articulé autour d'un seul individu (Senger, 1971). Cette logique de l'assistant, qui voulait que chaque poste à responsabilité soit doublé d'un support et remplaçant potentiel, prêt à prendre les rênes de l’organisation en cas de défaillance ou d'absence, s'est pourtant pérennisée au 113 La culture de l'institution prévoit en règle générale que l'individu qui occupe la position de commandement soit accompagné, durant ses déplacements, d'un personnel qui assure à la fois son escorte et la charge de le conduire. Cette tâche particulière peut donner naissance à un poste spécifique (uniquement pour les Régions, car les niveaux plus opérationnels ont souvent moins de territoire à couvrir et davantage de difficultés à mobiliser un personnel à temps plein), ou peut être répartie entre plusieurs personnels en fonction des disponibilités. Dans le cadre du rapprochement, le Conseiller Concertation occupe, temporairement ou de manière plus pérenne, cette position particulière. Les moments de déplacement deviennent des possibilités d'échanges informels profitables.

sein de quelques organisations. En France, la Gendarmerie, comme les autres institutions militaires françaises, ainsi que certaines administrations, ont ainsi conservé ce mode de répartition des tâches, associant à chaque position de commandement une position subalterne, dont la seule fonction est de la soutenir et la suppléer en cas de besoin. L'assistant prend alors le titre de Second (ou C2), et fonctionne sur deux dynamiques : il fait d'abord usage de rôles qui lui appartiennent en propre et constituent le répertoire de sa position, mais il bénéficie ausssi de la possibilité – voire, de l'obligation – d'emprunter des rôles appartenant au répertoire de son chef.

Le C2 est d'abord un acteur qui possède ses rôles en propre. Dans son rôle d' « Antichambre », le C2 recueille et synthétise des informations à l'usage de son chef. Dans les relations quotidiennes au sein de l'organisation, il est souvent le premier interlocuteur des personnels qui ne sont pas dans le cercle proche du C1. Dans certains cas, ce rôle d' «Antichambre» s'associe également d'une dimension émotionnelle, le second s'attachant, dans son action d'information, à tranquilliser et rassurer son chef dans l'exercice de son commandement [voir encadré]. Dans son rôle de « Traducteur », le C2 transmet aux subordonnés les attentes implicites du chef et soutient sa production de signes. En s'adressant aux personnels sur des registres moins formels, ou en jouant de sa position subalterne, il fait passer, en l'absence du chef, un certain nombre de messages visant à expliquer le sens des décisions et le poids des contraintes. Enfin, dans son rôle d' « Animateur », le C2 supervise l'avancée des groupes de travail et notamment l'avancement de dossiers voulus par le C1. Il assume aussi un travail de veille au sein du groupe de commandement, en supervisant le travail des officiers experts, en présidant les différentes commissions d’avancement, de sécurité au travail, etc.

Rôle Description Exemple d'activités

Antichambre Recueille et synthétise les information à l'usage du chef Répond aux sollicitations, vigilancesur l'organisation Traducteur

Transmet et clarifie les attentes implicites du chef

Échange avec les personnels sur le plan informel, rend visites aux unités

Animateur Supervise l'avancée des groupes de travail Supervise des groupes de travail, préside les commissions Tableau n°15 : Le répertoire des rôles du Second

Ensuite, de par sa proximité avec la position de commandement, le C2 est le seul à pouvoir réellement apporter un soutien constant au chef. Les activités d'encadrement – et donc, les rôles qui y sont associés – sont généralement partagés entre les deux individus, selon les thématiques et les

priorités du moment. Dans ces moments particuliers, le C2 emprunte certains rôles du C1 et en fait usage en son nom. Ainsi, il peut permettre de juguler certaines tensions inhérentes à l’exercice de rôles forts, d'assumer un certain nombre de moments dus à l'organisation, et surtout de prolonger l'action du chef en son absence. Il peut ainsi se rendre aux cérémonies et événements auxquelles le chef ne peut pas se rendre lui-même, voire assurer toute une partie du relationnel public (rôle d' « Officiel »), prolonger sa ligne directrice et assurer la permanence de son commandement en son absence (rôle de « Meneur »), assurer une partie des décisions administratives et encadrer des rencontres formelles en son nom (rôle de « Ratifiant »), opérer une médiation de conflit ou investiguer sur les causes d'un dysfonctionnement (rôle de « Solutionneur »), etc.

En Gendarmerie, malgré l'existence d'une philosophie générale centrée sur la loyauté et le soutien, les tâches précises de l' « adjoint au commandement » ne sont pas établies dans les textes, et s'organisent dans les faits autour d'un arrangement plus ou moins tacite entre l'officier en position de commandement et celui qui est censé le seconder. L'un des enjeux les plus cruciaux relatifs à la distribution des rôles intervient donc dans la relation qui s'établit entre le chef et son second, et dans la manière dont ces deux individus vont se positionner l'un et l'autre, et surtout, l'un par rapport à l'autre. Une distribution conflictuelle peut s'avérer pénalisante, notamment dans les cas où les objectifs personnels de l'adjoint ne sont pas en accord avec ceux de son chef. Plusieurs configurations peuvent être envisagées par rapport aux observations réalisées. La distribution conflictuelle peut par exemple survenir lorsque le chef ne délègue pas à l'adjoint suffisamment de rôle pour que celui-ci puisse agir de lui-même, le plaçant ainsi dans l'incapacité de mener à bien des projets ou de faire évoluer des pratiques. Dans d'autres cas particulier, c'est l'adjoint qui, par son attitude, va s'écarter de sa fonction de soutien114. Du fait de la complémentarité entre les deux positions, le degré d’harmonie du couple C1/C2 peut avoir des répercutions importantes sur la vie de l’échelon concerné.

114 Une anecdote m'a été rapportée à propos d'un adjoint au Commandant de Compagnie qui avait pris l'habitude de se projeter sur chaque théâtre opérationnel, notamment lorsque celui-ci était médiatisée. Cette attitude posait problème à son chef, car cela lui donnait l'impression de perdre la main sur sa communication et sa gestion des relations extérieures. Comme le dialogue était difficile entre les deux individus, une relation de défiance avait finie par s'installer, le chef soupçonnant son adjoint de chercher à se placer sur l’échiquier politique, et ce dernier soupçonnant son chef de le brider délibérément dans la conduite de ses affaires. Du point de vue du cadre théorique de cette recherche, le conflit s'établit ici autour du rôle d' «Officiel», et notamment des ressources sociales – visibilité institutionnelle, contacts réguliers avec des acteurs forts du territoire. Ces dernières représentent en effet pour le chef un levier fort de sa maîtrise des relations institutionnelles, et pour l'adjoint en question une option intéressante pour le développement de sa carrière.

d) L’influence des jeux de positionnement au sein de la propre Voie

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