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Propo sitions pour l'analyse des rôles et intégration dans un canevas d’analyse stratégique :

c) Le rôle et ses activités obligées :

III) Propo sitions pour l'analyse des rôles et intégration dans un canevas d’analyse stratégique :

Pour faciliter la compréhension du lecteur, les différentes propositions ont été réunies ici :

Proposition 1 : Chaque ensemble social peut se comprendre à la fois comme un espace

structuré et en structuration. Les individus, dont les marges de manœuvre ne sont pas constantes ni équitablement réparties entre eux, cherchent à s'y situer les uns par rapport aux autres, constituant ainsi un réseau de relations au sein duquel ils occupent chacun une position.

Proposition 2 : La position d'un individu au sein d'un ensemble social lui confère le

contrôle sur un ensemble de ressources. Pour utiliser ces ressources, l'individu fait usage de ses rôles dans le cadre de ses interactions avec les autres membre de l'ensemble social considéré.

Proposition 3 : La revendication par un individu d'un rôle qui ne fait pas partie de sa

position initiale lui permet de l’intégrer à son répertoire et d’accéder ainsi à des ressources supplémentaires.

Proposition 4 : La position d'un individu représente à la fois sa localisation au sein d’un

tissu de relations interpersonnelles et le répertoire regroupant les rôles qui fondent ces mêmes relations.

Proposition 5 : La distribution des rôles au sein d'un collectif est un processus d'ajustements

mutuels entre les individus qui le composent, basé sur un double mouvement de collaboration et de compétition. Elle peut être plus ou moins contrainte par le cadre social en vigueur au sein de l'ensemble concerné.

Proposition 6 : La capacité d’un individu à mobiliser les ressources que sa position contrôle

dépend en partie de la collaboration des autres parties de l'ensemble. Ces autres parties émettent des attentes qui portent sur le cadre d'usage du rôle associé aux ressources concernées.

Proposition 7 : La pression exercée par les attentes sur le comportement individuel est

dépendante de la capacité des autres membres du collectif à faire usage de moyens de rétention sur les ressources auxquelles le détenteur du rôle tente d'accéder.

Proposition 8 : Afin d'entretenir sa position, l'individu est amené à s'impliquer dans un

certain nombre d'activités qui découlent de ses rôles. Celles-ci sont à la fois sources de contraintes et d'opportunités au sein du jeu stratégique.

En proposant ici une association de la théorie du rôle et de l’approche stratégique, j’opère en réalité une transgression d’une sorte de principe posé par Crozier et Friedberg, et qui voulait que la notion de « rôle » soit fondamentalement limitée pour l’analyse du fonctionnement des organisations. L’argument central des auteurs sur cette question peut-être résumé par cette citation : « En effet, qu’entend-on au juste en disant que le rôle de tel acteur dans un ensemble est de faire telle chose ? Deux choses l’une. Ou bien l’on désigne par là ce que cet acteur devrait faire, auquel cas on ne fait aucune référence à son comportement réel, mais on se borne à décrire les prescriptions formelles qui définissent la position dans l’ensemble, […] ou bien on désigne par là le comportement empiriquement observable de l’acteur, auquel cas on le réduit – implicitement ou explicitement – aux prescriptions et aux attentes associées à sa position. [...] Les individus sont des supports de structures, ils sont conditionnés par leur rôle. La « déviance » sous toutes ses formes est anormale, voire pathologique, due à une mauvaise perception ou une mauvaise compréhension du rôle, bref au fonctionnement défectueux de l’ensemble : le conditionnement est la règle. » (Crozier & Friedberg, 1977 ; p112). Cette critique très forte de la notion de rôle s’inscrit dans la continuité de leur argument que j’ai déjà pu énoncer lorsqu’il s’est agi de faire le lien entre rôle et contrainte. A ce titre, il demeure évident que si le cadre théorique ici présent n’avait raisonné qu’en termes de conditionnement, il se serait naturellement empêché de satisfaire son objectif.

L’approche que j’ai développée ici intègre ainsi les remarques de Crozier et Friedberg sans en épouser la réserve. Elle implique que le rôle fasse partie du jeu organisationnel, et serve de support à l’action des individus dans ce contexte. Le rôle est un moyen pour l’individu de se positionner au sein du jeu organisationnel, d’accaparer les ressources qui s’y trouvent et donc d’asseoir auprès des autres des marges de manœuvre sur lesquelles il basera son pouvoir. En contrepartie, il devra intégrer dans sa stratégie un certain nombre de contraintes issues des attentes des autres participants ou de la structure des moments et activités dans lesquelles il devra s’engager. De ce point de vue, dire du chef que « son rôle est de faire telle chose » est un moyen de concilier dans un même terme – et un même ensemble analytique – les opportunités et les contraintes. Tout en mobilisant la notion de rôle, les différentes propositions que j’ai pu faire ne sont à ce titre pas si

différentes dans leur contenu que ce que les auteurs stratégiques proposaient pour modéliser la donnée fondamentale du jeu organisationnel et des rapports de pouvoir. Dans cette optique si l’acteur est libre d’exploiter les privilèges de sa position « il ne pourra le faire que d’une certaine façon et dans certaines limites. Car pour qu’il puisse continuer de disposer de son pouvoir, il lui faut « continuer le jeu ». [...] pour pouvoir disposer d’une source de pouvoir face aux autres – il est obligé de satisfaire partiellement leurs attentes à son égard, que ceux-ci deviennent une contrainte pour lui. C’est aussi pour cette raison qu’il doit peu ou prou accepter qu’un certain nombre de « règles du jeu » destinées précisément à assurer le maintien de leurs relations, et à préserver ainsi la possibilité de chaque acteur de continuer à jouer, viennent limiter son arbitraire et structurer ses négociations avec les autres. » (op.cit ; p.105-106).

Ces différents éléments du cadre théorique formalisés, les parties suivantes auront pour objectif de donner du sens aux observations réalisées dans le cadre de l’enquête ethnographique sur les chefs. Dans un premier temps, il conviendra de modéliser le répertoire des rôles du chef et d’en détailler la structuration (Chapitre II). Puis, il s’agira de mettre en évidence la manière dont l’évolution des ressources et des leviers de pouvoir transforme les possibilités qui sont conférées par ce même répertoire. Il conviendra de montrer comment les chefs observés se sont adaptés à ces nouvelles pressions, et ont ainsi pu développer une posture différente dans leur exercice du commandement (Chapitre III).

CHAPITRE II : LES RÔLES DU CHEF ET LEURS

ENJEUX CONTEMPORAINS

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