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CHAPITRE 4 : Résultats

4.1 La formation doctorale en SHS : description du cas

4.1.1 Organisation formelle de la formation

4.1.1.3 Structure et modalités formelles de la formation

Les données issues de la description officielle des 19 programmes de doctorat ainsi que du document relatif aux règlement des études ont permis de circonscrire les caractéristiques de la structure et des modalités formelles de la formation doctorale en SHS dans le contexte étudié. Il est plus particulièrement question ici des exigences d’admission, du temps d’études prescrit, des exigences en termes d’activités de formation et de recherche ainsi que des normes d’évaluation, mais aussi des ressources matérielles et non matérielles officiellement mises à la disposition des doctorant-e-s.

Exigences d’admission

36 En raison de la double orientation recherche/intervention qui le caractérise, la structure et les modalités formelles du

programme de doctorat en psychologie Recherche et Intervention n’ont pas été considérées aux fins de cette partie de la description du cas et cela bien que les autres aspects du déroulement de ce programme demeure similaires aux autres programmes que nous avons examinés.

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Dans le cas à l’étude, où l’année universitaire s’étale sur trois sessions (automne, hiver, été), il est généralement possible de s’inscrire à un programme de doctorat soit à la session d’automne soit à la session d’hiver, et plus exceptionnellement, à la session d’été.

Dans l’ensemble des 19 programmes examinés, la première exigence d’admission est celle d’un diplôme de maîtrise du domaine. Dans les cas où l’étudiant-e provient d’un domaine différent, une scolarité préparatoire peut être exigée afin d’acquérir les savoirs fondamentaux du domaine visé. En outre, dans la moitié des programmes examinés, une moyenne générale minimale de 3 à 3,67 sur 4,33 (B à A-) est aussi exigée à l’admission et doit être maintenue tout au long du processus de formation. Qui plus est, un dossier de candidature plus ou moins élaboré doit être présenté. Dans certains cas, ce dossier doit simplement comporter un projet de recherche préliminaire de quelques pages, mais le plus souvent un curriculum vitae, une lettre de motivation ainsi que des lettres de recommandation font aussi partie des exigences. Une entrevue avec le candidat/la candidate peut aussi être exigée.

Par ailleurs, au-delà d’une excellente maîtrise du français, qui se veut une exigence de base dans tous les programmes, l’aptitude à lire des textes en anglais – vérifiée par un test formel dans certains cas – est aussi généralement attendue. Dans les domaines où la thèse peut consister en l’analyse de textes écrits dans une langue autre que le français ou l’anglais, la maîtrise d’une troisième langue peut en outre être exigée.

Généralement, les critères d’évaluation du dossier de candidature reposent notamment sur le contenu des lettres de recommandation, la qualité du dossier scolaire, la qualité du projet de recherche préliminaire, les aptitudes rédactionnelles, l’expérience antérieure en recherche ainsi que l’obtention de bourses au mérite ou d’autres prix et distinctions.

Durée attendue des études

Les documents institutionnels examinés aux fins de la thèse n’offrent pas d’indications claires quant à la durée prescrite des études doctorales en SHS dans le cas à l’étude. Outre la mention, sur le site de la faculté des études supérieures, d’une moyenne « habituelle » de quatre ans et bien qu’une des facultés ait officiellement circonscrit une période de « quatre à cinq ans » à temps complet, la seule indication d’un délai officiel pour réaliser des études

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doctorales est celle du règlement des études qui stipule qu’au-delà de sept ans – calculé à partir de la première inscription, tout en considérant les périodes d’absence pour raisons sérieuses –, l’étudiant-e doit soumettre une demande de prolongation formelle pour avoir le droit de poursuivre ses études. Celui ou celle qui omet de soumettre une telle demande est d’ailleurs réputé-e avoir abandonné ses études.

Afin d’en arriver à tout de même inférer le nombre moyen de sessions considéré du point de vue institutionnel comme un délai acceptable pour réaliser des études doctorales en SHS, nous nous sommes appuyée sur les échéanciers de chacun des six programmes facultaires de bourses de cheminement dont la nature est explicitée plus avant dans les sections qui suivent. Au regard des données issues de ces documents37, on peut postuler que du point de vue

institutionnel, on s’attend à ce que le dépôt initial de la thèse (dernière étape avant la soutenance) soit effectué, au plus tard, au terme de douze à quinze sessions consécutives, c’est-à-dire après un délai d’environ quatre à cinq ans, tout dépendant des facultés.

Régime d’études

Dans le cadre d’un processus de formation doctorale en SHS, tel qu’il se présente dans le contexte étudié, l’étudiant-e a généralement le choix de réaliser sa formation soit à temps complet soit à temps partiel, ce qui s’avère dans neuf des programmes examinés. Dans sept autres programmes, l’étudiant-e a aussi le choix du régime d’étude, mais sous certaines conditions. Il s’agit généralement d’une obligation de « résidence » de deux ou trois sessions consécutives, au cours de laquelle l’étudiant-e doit demeurer inscrit-e à temps complet. En revanche, dans trois des programmes, les étudiant-e-s sont tenus de demeurer inscrits à temps complet du début à la fin de leur formation. Toutefois, dans la majorité des programmes, l’inscription à la session d’été n’est pas formellement obligatoire.

Cursus doctoral

37Dans quatre de ces programmes, le dernier versement de bourse est prévu au moment du dépôt initial de la thèse (étape

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Dans le cas à l’étude, le cursus doctoral en SHS – dont la structure et la séquence demeurent essentiellement les mêmes d’un programme à l’autre – comporte de 90 à 95 crédits38. Il se

caractérise par un ensemble d’activités de « formation » et de « recherche » ainsi que par plusieurs évaluations formelles obligatoires disséminées tout au long du processus de formation.

– Activités de formation

À l’égard des exigences de formation, le portrait se veut plutôt hétérogène. En effet, selon le programme, il est attendu que l’étudiant-e réalise une scolarité de six à 21 crédits (2 à 6 cours/séminaires)39 (médiane =12 crédits). En plus des cours et séminaires abordant des

sujets propres au domaine ou à la discipline de l’étudiant-e, des activités de formation axées sur les méthodologies de la recherche sont aussi offertes dans tous les programmes. Alors que dans la majorité de ceux-ci ces activités sont optionnelles, seulement sept programmes les rendent formellement obligatoires. Dans onze des programmes, on propose aussi des séminaires « disciplinaires » ou « facultaires », s’adressant exclusivement aux doctorant-e-s, dont la visée est généralement celle d’amorcer une réflexion et d’échanger sur leurs projets de thèse respectifs.

– Activités de recherche

En plus des activités de formation, le cursus doctoral comporte une obligation de huit sessions dédiées exclusivement à la réalisation du projet de recherche. Ces « crédits de recherche » confèrent un statut d’étudiant-e à temps complet, même si le doctorant ou la doctorante n’est inscrit-e à aucune activité de formation. C’est le cas par exemple lorsque l’étudiant-e se consacre à la cueillette ou à l’analyse de ses données ou encore à la rédaction de sa thèse. – Évaluations formelles

38Excluant le programme de doctorat en psychologie Recherche et Intervention qui comporte 180 crédits.

39 Le séminaire renvoie ici à une formule pédagogique selon laquelle tant les étudiant-e-s que l’enseignant-e s’engagent

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L’analyse des données institutionnelles permet en outre de constater qu’il existe un type d’évaluation formelle commun à tous les programmes. Bien que celui-ci se présente sous différentes appellations, le terme « Examen de doctorat » a été retenu aux fins de la présente description du cas à l’étude. À quelques détails près, la nature de cet examen est la même dans chacun des programmes, en raison d’une exigence institutionnelle selon laquelle cette évaluation doit comporter à la fois une dimension rétrospective et prospective. Sa visée officielle est de baliser et d’orienter le parcours de formation doctorale, d’une part, en amenant l’étudiant-e à démontrer sa connaissance du champ de recherche qui est le sien, et d’autre part, en lui permettant d’obtenir des rétroactions sur une première ébauche de son projet de thèse. Si dans la majorité des programmes il est question de deux examens; l’un rétrospectif (ex. recension des écrits), l’autre prospectif (projet de thèse complet), dans quatre programmes les étudiant-e-s sont soumis à un seul examen alors dans un cas cet examen comporte trois épreuves distinctes.

Les modalités de l’examen de doctorat se déploient cependant sous différentes formes. La plus courante est celle où l’étudiant-e doit soumettre un texte d’une longueur prédéterminée, lequel est ensuite débattu lors d’une présentation orale devant le jury de thèse. Il peut s’agir également d’une question à développer dans un laps de temps donné ou encore d’une activité de synthèse (ex. examen à livres ouverts, essai). Dans tous les cas, la poursuite des études doctorales dépend de la réussite de ces évaluations formelles.

Thèse de doctorat

La thèse de doctorat est le format officiellement attendu sous lequel le projet de recherche doit ultimement être présenté. Deux types de thèse sont explicitement évoqués dans les documents institutionnels : la thèse classique et la thèse par articles. Si les règles et les exigences relatives à la présentation matérielle de la thèse sont présentées de manière très détaillée, on trouve toutefois peu de précisions quant à la longueur du texte officiellement attendue. Néanmoins, dans trois des descriptions de programme examinées on indique que la thèse comporte « habituellement » de 300 à 350 pages.

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La version définitive de la thèse peut faire l’objet d’une prélecture par un-e professeur-e n’étant pas impliqué dans le projet de recherche de l’étudiant-e. Cette étape offre la possibilité d’y apporter des corrections ultimes avant l’évaluation par le jury de thèse. Si la prélecture se veut une procédure officiellement facultative, elle demeure tout de même obligatoire dans six des programmes examinés, optionnelle dans un des programmes alors qu’on ne trouve aucune indication à cet égard dans les douze autres programmes. L’évaluation terminale de la thèse est assurée par le jury de thèse et sanctionnée d’une note P (succès) ou N (échec).

Ressources officiellement mises à la disposition des doctorant-e-s

Diverses ressources sont formellement offertes aux doctorant-e-s dans le cas à l’étude, lesquelles sont accessibles, tout au long de leur parcours de formation, sous la forme d’un soutien financier, pédagogique, matériel ou technique.

– Soutien financier

D’emblée, tous les étudiant-e-s qui s’inscrivent pour la première fois à un programme d’études doctorales obtiennent une bourse d’admission de 2000 $ (1000 $ à la première session et 1000 $ à la deuxième) offerte par l’établissement d’enseignement. Dans le cas d’une des facultés constitutives du cas, il est aussi possible d’obtenir des bourses d’admission supplémentaires – sous certaines conditions – jusqu’à un montant maximal de 10 000 $. Un programme facultaire de bourses dites « de réussite », coordonné par la faculté des études supérieures, est également accessible à tous les doctorant-e-s. Ces bourses que nous avons choisi de nommer ici « bourses de cheminement », puisqu’il s’agit du terme le plus fréquemment utilisé par les participant-e-s , ont pour visée de « récompenser » le franchissement de différentes étapes du processus de formation doctorale, selon des délais de progression jugés « normaux » du point de vue institutionnel (ex. 2000 $ pour un examen de doctorat réussi au plus tard à la 3e session d’inscription). Ces étapes sont généralement les

suivantes : réussite de l’examen rétrospectif, réussite de l’examen prospectif, rédaction de la thèse, prélecture, dépôt initial.

Dans les facultés constitutives du cas à l’étude, ces bourses de cheminement offrent la possibilité de toucher ponctuellement – selon l’étape franchie – des montants de 500 $ à

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5000 $, jusqu’à un maximum de plus ou moins 10 000 $ tout au long de la formation, à l’exception d’une des facultés où le montant maximal est plutôt de 22 000 $.

Par ailleurs, dans l’une des facultés, ces bourses sont octroyées en priorité aux étudiant-e-s n’ayant jamais obtenu de bourse d’un organisme subventionnaire ou ayant obtenu une bourse de moins de 20 000 $/année. Selon les facultés, d’autres conditions particulières telles que ne pas avoir dépassé un nombre précis de crédits de cours au moment de réclamer la bourse ou de maintenir une moyenne minimale tout au long de la scolarité peuvent également s’appliquer.

D’autres bourses sont aussi accessibles – au mérite, par concours ou selon les budgets disponibles – telles que des bourses de leadership et développement durable, des bourses pour la rédaction d’un article, la participation à un colloque ou à une activité publique dans un événement artistique ainsi que différentes autres bourses et prix facultaires en argent, notamment pour l’excellence du dossier scolaire. Le fonds annuel du directeur ou de la directrice de thèse peut également servir d’appui financier – sous la forme d’une bourse – aux étudiant-e-s qui collaborent à ses travaux de recherche. Enfin, dans quatre des six facultés constitutives du cas on indique comme source potentielle de financement, des contrats d’assistanat de recherche ou d’enseignement ainsi que la possibilité d’obtenir des charges de cours.

– Soutien pédagogique, matériel et technique

En plus de l’accès à la documentation et aux bases de données offertes par la Bibliothèque des SHS, les doctorant-e-s de certaines facultés bénéficient d’un accès privilégié à une collection unique de documents sonores, manuscrits et visuels ou encore à des fonds littéraires, à des fonds d’archives ou à une didacthèque pouvant servir à la réalisation des travaux de recherche.

En outre, dans trois des six facultés, des espaces de travail sont officiellement offerts aux doctorant-e-s, à l’instar d’un accès privilégié à différents logiciels, à un soutien statistique ou informatique ainsi qu’à un service d’aide en français. Dans plusieurs disciplines, les étudiant- e-s ont également la possibilité de diffuser leurs travaux dans une revue scientifique

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départementale. Enfin, dans le cas à l’étude, en plus de l’association étudiante des cycles supérieurs qui chapeaute l’ensemble des programmes de doctorat, les doctorant-e-s bénéficient des services et du soutien d’associations étudiantes facultaires ou départementales.

Si la nature et les finalités formelles de la formation doctorale en SHS, telle qu’elle se présente dans le cas à l’étude, offrent un aperçu des normes, des règles et des exigences qu’elle sous-tend, elles mettent également en relief les enjeux qui la caractérisent.

Enjeux formellement reconnus de la formation doctorale en SHS

L’analyse des différents documents institutionnels a permis de circonscrire certains des enjeux de la formation formellement reconnus par les instances universitaires. D’emblée, on y évoque l’ampleur et la charge de travail qui caractérisent les études doctorales. À cet égard, on souligne la nécessité d’une réflexion approfondie de la part de l’étudiant-e quant à ses objectifs de vie personnelle et professionnelle, mais aussi quant à la pertinence de s’engager dans une formation de l’envergure des études doctorales pour répondre à ces objectifs. Concernant la thèse en tant que telle, tout en soulignant le défi que pose à plusieurs étudiant- e-s la maîtrise des compétences rédactionnelles essentielles à sa réalisation, on insiste sur l’importance de faire un choix réfléchi quant à la nature et la portée du projet de recherche envisagé. Mais plus particulièrement, les futurs doctorant-e-s sont invités à s’assurer que les exigences de la formation doctorale sont compatibles avec leurs obligations familiales ou professionnelles – le cas échéant –, ce qui laisse penser que la conciliation entre les études doctorales et la vie personnelle est vue ici comme potentiellement problématique.

D’autre part, comme en témoigne plus particulièrement le document concernant le cheminement au doctorat, la qualité de la relation d’encadrement semble aussi formellement reconnue comme un enjeu fondamental de la formation. Alors qu’on précise qu’il n’est pas rare que surviennent des divergences de point de vue ou des incompréhensions dans le cadre du processus d’encadrement, des procédures sont formellement mises en place pour les cas de litige entre étudiant-e et directeur ou directrice de thèse.

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Enfin, un autre des enjeux de la formation doctorale qui émerge des données institutionnelles, concerne les délais d’études qualifiés par les instances universitaires d’« excessifs ». Parmi les causes probables, sont considérés ici les difficultés liées à la collecte des données, un manque d’intérêt de la part du doctorant-e ou de la direction de thèse, des problèmes de communications entre l’étudiant-e et son directeur ou sa directrice de thèse ou encore les obligations respectives de chacun-e. S’il a été possible d’établir précédemment que le délai raisonnable officieusement reconnu pour terminer des études doctorales se situe entre quatre et cinq ans, il peut paraître paradoxal de constater que ces délais dits « excessifs » renvoient ici à un processus qui – toujours du point de vue institutionnel – se prolonge « au-delà de quatre ans ».

Somme toute, les aspects structurels formels de la formation doctorale en SHS, présentés précédemment, ne constituent en fait que « la partie apparente d’un tout structurel où les règles informelles, les rapports de pouvoir, les systèmes de valeurs, les affinités personnelles, les liens de parenté, etc. contribuent tout autant que les règles formelles à orienter l’action des acteurs en même temps qu’ils en résultent » (Bouchikhi, 1990, p. 73). Afin de bien cerner ce qui, globalement, caractérise la formation doctorale en SHS dans le contexte étudié, il apparaît dès lors nécessaire d’accorder tout autant d’importance aux aspects tacites de son organisation.