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CHAPITRE 2 : Cadre théorique

2.2 Théorie de la structuration de Giddens

2.2.1 Notions et concepts retenus aux fins de la thèse

2.2.1.4 La dualité du structurel

Au cœur de la théorie de la structuration se trouve la notion de dualité du structurel. Celle-ci repose sur l’idée que le structurel, en tant qu’ensemble de règles et de ressources – et donc en tant que propriétés structurantes des systèmes sociaux –, constitue à la fois les conditions et le résultat des activités accomplies par les acteurs qui font partie d’un système donné (Giddens, 2005). Le structurel a la particularité d’être à la fois contraignant et habilitant. Les propriétés structurantes posent en effet des limites à l’action et aux interactions (il faut suivre des règles, respecter des normes, en fonction de certaines contraintes et

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possibilités), mais en même temps elles rendent l’action possible; elles permettent de savoir ce qu’il faut faire et comment le faire dans un contexte donné. Bref, elles permettent d’agir, mais pas de n’importe quelle façon (Bellemare & Briand, 2002). Les acteurs et le structurel sont donc vus comme interdépendants; « ils s’imbriquent dans une relation complexe et complémentaire » (Lazar, 1992, p. 405). Le structurel n’est pas extérieur aux acteurs, il s’actualise dans les pratiques sociales.

Contrainte structurelle et positionnement social

Avec l’idée de la dualité du structurel, une réinterprétation de la notion de « contrainte structurelle » s’impose (Bouchikhi, 1990). Plutôt que de considérer les « propriétés structurelles » d’un système social comme des contraintes en soi, la contrainte se manifeste ici comme des limites sur l’éventail des options d’action s’offrant à un acteur ou un ensemble d’acteurs, dans un contexte donné (Giddens, 2005). En ce sens, il n’y a pas de propriétés structurantes d’un système social qui soient plus contraignantes que d’autres; « l’intensité de leur caractère contraignant varie selon le contexte et la nature de chaque séquence d’action ou […] d’interaction » (Giddens, 2005, p. 235). En outre, les « contraintes structurelles » ne s’exercent pas indépendamment des raisons et des motifs qu’ont les acteurs de faire ce qu’ils font; s’ils agissaient pour des raisons et des motifs différents, leurs contraintes ne seraient plus les mêmes. Bref, de ce point de vue, les propriétés structurantes des systèmes sociaux n’agissent pas « sur » un individu en le forçant à se conduire d’une manière particulière; elles lui servent plutôt des balises pour orienter son action.

L’acteur doit en effet composer avec les spécificités du contexte dans lequel il interagit. Les contraintes et les possibilités qui s’offrent à lui dans un contexte particulier d’interaction sont en partie liées à son « positionnement social » au sein de celui-ci (Giddens, 2005). Ce positionnement suppose l’appartenance à une des catégories d’acteurs qui interagissent dans ce milieu social en particulier. À chacune de ces catégories correspond un ensemble de prérogatives et d’obligations, plus ou moins défini. Au regard de notre objet de recherche, nous en référons à Kechidi (2005) pour qui dans une organisation – telle que l’Université –, deux grandes catégories d’acteurs interagissent : 1/ceux ayant le pouvoir d’élaborer des procédures d’action et de les faire appliquer et 2/ceux devant agir en fonction des procédures et qui, en l’occurrence, n’ont pas la maîtrise des contextes dans lesquels ils agissent. La

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relation entre ces deux catégories d’acteurs est asymétrique : « le pouvoir des premiers est un pouvoir d’organisation de l’action des seconds » (p. 363). En ce sens, la perception même du contexte de l’action – et de ce qui peut représenter une possibilité ou une contrainte – dépend de la catégorie d’acteurs à laquelle nous appartenons.

En contexte universitaire, les attentes normatives ne sont pas les mêmes envers les étudiant- e-s qu’envers les professeur-e-s ou d’autres personnels. Au regard de notre objet d’étude, on peut penser que les directeurs et directrices de thèse et les administrateurs universitaires – ainsi que l’ensemble des professeur-e-s dans une certaine mesure – font partie de la catégorie d’acteurs qui élabore les procédures d’action, alors que les doctorant-e-s font partie de la catégorie d’acteurs qui agit en fonction de ces procédures.

Ce constat demande toutefois à être nuancé en raison de ce que Giddens nomme « la dialectique du contrôle ». Sous l’angle de la théorie de la structuration, les systèmes sociaux qui affichent une certaine continuité dans le temps et dans l’espace, comme l’Université, se caractérisent par des contextes d’interactions où les acteurs établissent des relations régularisées à la fois d’autonomie et de dépendance. Ainsi, les relations de pouvoir qui s’établissent dans le contexte universitaire ne sont jamais strictement asymétriques.

En effet, dans la mesure où l’organisation et le fonctionnement universitaires reposent sur le principe de collégialité, si les doctorant-e-s doivent suivre les règles et répondre aux exigences de leur formation, ils participent aussi – jusqu’à un certain point – des décisions relatives à leur formation (à titre de délégué d’une association étudiante ou de membre d’un comité par exemple). En ce sens, bien que leurs relations avec d’autres acteurs universitaires peuvent être asymétriques, les doctorant-e-s ne sont pas pour autant soumis au système (l’Université). Ils ne sont pas démunis ou impuissants dans un système qui les contrôle; ils ont aussi une certaine emprise sur ce système.

Enfin, toujours du point de vue de la théorie de la structuration, les notions d’intégration sociale et d’intégration systémique renvoient au degré de cohérence et de similarité entre les conduites et pratiques mises de l’avant par un acteur et celles qui sont admises dans un contexte d’interaction donné. La première fait référence à la réciprocité des pratiques d’un individu avec celles d’un ou des groupes dans certaines situations d’interaction sociale. La

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seconde renvoie à la réciprocité des pratiques d’un acteur avec celles d’autres « acteurs ou collectivités dans un espace-temps étendu, hors des conditions de co-présence » (Giddens, 2005, p. 442).