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Statut et profil attendu de l’étudiant-e au doctorat en SHS

CHAPITRE 4 : Résultats

4.1 La formation doctorale en SHS : description du cas

4.1.2 Organisation tacite de la formation doctorale en SHS

4.1.2.2 Statut et profil attendu de l’étudiant-e au doctorat en SHS

Les doctorant-e-s, les directeurs et directrices ainsi que les administrateurs s’entendent sur le fait qu’en s’engageant dans la formation doctorale, l’étudiant-e expérimente une rupture quant au statut traditionnel d’étudiant-e. Bien qu’il demeure dans une posture d’apprenant, son rapport aux professeur-e-s change ainsi que les attentes à son égard. Quant à la perception plus particulière des exigences que sous-tendent les études doctorales, le point de vue des doctorant-e-s tend à différer de celui des directeurs et directrices de thèse ainsi que de celui des administrateurs.

Le statut de doctorant-e

Les doctorant-e-s rencontrés dans le cadre de la thèse disent sentir qu’au fil de leur parcours, on leur accorde un statut plus « d’égal à égal » avec les professeur-e-s, c’est-à-dire qu’avec le temps on reconnaît davantage leurs compétences et on leur accorde une plus grande crédibilité sur le plan intellectuel. Pour plusieurs, c’est ce qui les distinguent du simple étudiant et leur confère un statut qui se rapproche de celui de collègue des professeur-e-s :

[On est] quasiment des « collègues ». Quand les choses vont bien, tu arrives au doctorat, puis les profs commencent à te tutoyer. Dans les cours, c’est vraiment collégial. Et puis généralement, le directeur, on le tutoie. Mais, ça va dépendre avec qui, ça va dépendre du contexte… (Doctorante 26, Sciences sociales) On parle souvent « d’études », mais je pense que tu n’es jamais seulement « étudiant » quand tu es au doctorat […] parce que normalement tu produis vraiment des connaissances nouvelles. Puis, bon, elles ne sont pas encore publiées, mais si tu persévères, tu vas te rendre là… et ça [ces connaissances], ça fait partie de la sphère publique. (Doctorante 27, Sciences de l’éducation)

En revanche, et à l’unanimité, les directeurs et directrices ainsi que les administrateurs perçoivent les doctorant-e-s comme étant avant tout des étudiant-e-s. Même s’ils collaborent régulièrement avec les doctorant-e-s qu’ils supervisent – ou avec d’autres doctorant-e-s – et

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qu’ils reconnaissent l’expertise que ceux-ci sont en train de développer, de leur point de vue, une importante distinction de statut demeure :

Moi j’utilise encore le concept d’autorité – ce qui n’est pas très à la mode –, au sens positif du terme. C’est-à-dire, quelqu’un qui a une autorité, qui a une bonne expertise des connaissances de son champ de recherche, qui a montré qu’il était capable d’en faire quelque chose. Un étudiant n’a pas encore cette autorité-là. Il est en train de l’acquérir. […] J’ai un assistant, par exemple, qui est vraiment très bon. Il « travaille » un auteur que je connais moins que lui. Il le travaille dans le détail, tout ça. Mais, il y a quand même une différence entre nous deux. (Directrice 11, Philosophie)

Dans les disciplines professionnalisantes, certains directeurs parlent toutefois du statut différent qu’ils accordent à des étudiant-e-s plus atypiques, notamment ceux qui s’engagent aux études doctorales après de nombreuses années passées sur le marché du travail et qui sont parfois des praticiens ou praticiennes reconnus dans leur domaine :

Le statut de l’étudiant demeure [celui d’] étudiant, mais son statut va varier en fonction de sa « notoriété ». […] C’est sûr qu’il y a une certaine hiérarchie – pas formelle, mais matérielle – qui s’installe au fil du temps [chez les doctorants]. Il y a des leaders, des étudiants qui sont passablement avancés ou d’autres qui le sont moins, mais qui ont 20 ans de pratique; ils ont écrit des textes, ils ont une notoriété. Entre autres (étudiant x), que je connais depuis 20 ans, c’est un praticien de haut niveau au gouvernement. Et, il fait sa thèse… C’est un étudiant vis-à-vis de moi, mais je n’ai pas la même relation [avec lui] qu’avec un étudiant qui vient d’arriver… (Administrateur 3)

Plusieurs directeurs et directrices ainsi que des administrateurs soulignent par ailleurs la complexité et l’ampleur du travail à réaliser dans le cadre des études doctorales en regard de ce qui est attendu aux cycles d’études antérieurs. Si comme l’administrateur 3 en rend compte de manière éloquente, « entre le bac et la maîtrise y’a une marche, mais entre la maîtrise et le doctorat, y’a un escalier complet », tant du côté des directeurs et directrices que des administrateurs, on considère que certains étudiant-e-s n’ont pas « ce qu’il faut » ou ne sont « pas à leur place » aux études doctorales :

Y’a des étudiants qui entrent au doctorat qui n’ont pas les moyens de s’atteler à cette tâche de rédaction, de recherche et de lecture, de systématisation, de construction de la problématique. (Directrice 13, Philosophie)

Pour moi il a les aptitudes. Je sais que c’est difficile à entendre, et ça n’engage que moi ce que je vais dire : il y a une espèce d’hégémonisme académique. Je ne

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suis pas pour ça, je ne suis pas pour la compétition à tout vent, mais c’est comme si [seuls] les meilleurs survivaient… (Directeur 12, Sciences de l’administration) Il y a des étudiants qui sont des « erreurs d’admission »... On ne leur a pas rendu service. Parfois [dès leur entrée au programme], c’était une évidence que ça ne fonctionnerait pas. Ce sont des gens qui ont des forces particulières, mais qui n’ont pas nécessairement ce qu’il faut pour aller au doctorat […] Tu essaies par exemple de développer [chez eux] certaines forces d’analyse, mais ils ont développé leur maximum à la maîtrise… (Directrice 3, Sciences sociales)

Cette idée, selon laquelle certaines personnes sont plus « prédisposées » que d’autres à faire des études doctorales, tend aussi à colorer la perception des trois types de participant-e-s quant au profil des doctorant-e-s les plus susceptible de se rendre jusqu’à la diplomation.

Profil du « bon doctorant »

Du côté des directeurs et directrices de thèse, plusieurs évoquent spontanément la notion « d’intelligence » de « talent » ou encore celle d’« étudiant brillant », pour rendre compte de ce qu’ils considèrent être un bon doctorant ou une bonne doctorante. De ce point de vue, l’étudiant-e ayant le plus de chance d’obtenir son diplôme, est celui qui se démarque, qui a quelque chose de plus :

Le talent, le guts… y’a des gens qui sont vraiment brillants, ceux-là vont se rendre jusqu’au bout. (Administrateur 3)

Pourtant, même ceux ayant affirmé explicitement que la formation doctorale ne sied pas à tous et à toutes, admettent qu’il demeure difficile de cerner le profil du bon ou de la bonne doctorant-e. Certains soulignent ainsi que l’étudiant-e ayant toujours eu d’excellents résultats scolaires ou ayant été « super performant » aux autres cycles d’études ne va pas nécessairement progresser facilement dans la formation doctorale. En d’autres mots, si « beaucoup de gens sont capables de faire un doctorat sur papier » (Administrateur 6), la réalité est tout autre :

Moi je suis dans un [champ d’études X] qui attire un petit peu le profil all american boy, all american girl. Ils entrent dans mon bureau, ils ont de l’ambition : ils ont toujours bien réussi, ils ont voyagé, ils font du sport, ils sont beaux, elles sont belles. Ils ont tout pour eux… mais ils ne sont pas faits pour faire un doctorat! (Directeur 7, Droit)

Même un excellent étudiant, qui sait travailler, qui a toujours eu d’excellentes notes, etc. peut se retrouver dans la situation où, finalement, ce n’est pas pour lui, ce type de travail à long terme, au long cours… (Directrice 13, Philosophie)

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Toutefois, du côté des doctorant-e-s, la majorité dit percevoir des attentes et des exigences implicites qui se traduisent justement par la valorisation d’un profil particulier d’étudiant-e qui, en quelque sorte, est performant et productif :

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est : quelqu’un qui va publier beaucoup. Ce n’est pas nécessairement ce que moi je pense qui est bon, mais c’est ce qu’on attend. (Doctorante 3, Sciences sociales)

Un bon étudiant au doctorat c’est quelqu’un qui finit vite. Ça, je pense qu’on n’arrête pas de nous le répéter. C’est de ne pas s’éterniser au doctorat. Prendre son temps, mais finir vite. (Doctorant 6, Sciences sociales)

Par ailleurs, dans la mesure où du point de vue de plusieurs doctorant-e-s, « souvent, c’est [le] savoir-être qui prime » (Doctorante 27, Sciences sociales), le « bon doctorant » serait celui ou celle qui saisit bien le fonctionnement du monde universitaire, qui s’implique dans son milieu d’étude – notamment en siégeant à des comités – « qui est bien intégré dans la culture de recherche » (Doctorant 2, Sciences de l’éducation) et dont le profil rejoint celui des professeur-e-s en poste :

Quelqu’un qui est présent, qui est intégré dans des équipes de recherche. Qui est « réseauté » aussi. Qui va prendre la parole, qui va aller au-devant, qui va parler de ses idées. Qui va « présenter » beaucoup [ses travaux dans des colloques]. Les doctorants qui paraissent bien, c’est ceux qui ont l’air d’être un futur collègue des profs. (Doctorante 4, Sciences sociales)

Un bon doctorant, c’est un doctorant qui s’insère très vite dans l’esprit de la profession scientifique. Qui fait ce que les profs font. Un bon doctorant c’est quelqu’un qui a déjà compris comment ça marche en fait. (Doctorant 6, Sciences sociales)

Tandis que quelques doctorant-e-s soulignent qu’il s’agit en outre de « quelqu’un qui sait être critique, mais qui comprend les rapports de force qui sont en jeu dans sa faculté » (Doctorant 17, Philosophie), certains ont une vision plutôt négative du type de profil attendu chez les étudiant-e-s au doctorat :

[Le genre d’étudiant], tu sais… si le prof pense « de même », il pense [lui aussi] « de même ». Pas d’esprit critique, pas de volonté de se démarquer. Il « fit dans le moule », pour le dire vraiment vulgairement. C’est ceux-là qui sont les chouchous : ceux qui fitent dans le moule. Tu sais, qui se soumettent tel que prévu, qui font ça dans l’ordre des choses, qui ont des bourses comme prévu… (Doctorante 35, Sciences sociales)

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Je suis au courant du modèle, ou du « moule », de l’étudiant doctorant idéal qui finit sa thèse dans les délais prescrits, avec des bourses, avec des communications, avec des charges de cours, etc. Un moule, ça fit plus ou moins bien avec l’authenticité […]. (Doctorant 12, Sciences de l’éducation)

C’est un étudiant qui est diligent dans tout ce qu’il fait. […] C’est quelqu’un qui a le souci du travail bien fait. Donc, il termine ses travaux, a des bonnes notes… Mais ça, faut faire attention à ça. Moi j’ai entendu un gars me dire… Il s’est rendu à Oxford là! Puis il m’a dit : « moi tu sais, je prends toujours le sujet le plus simple. Puis je dis ce que le prof veut entendre. » (Doctorant 17, Philosophie)

À l’égard de ces attentes et exigences implicites perçues par plusieurs participant-e-s comme complexes, voire difficiles à atteindre, certains parlent du « bon doctorant » comme celui qui a confiance en lui, qui évolue avec facilité dans sa formation, mais qui fait aussi preuve d’un certain contrôle de soi :

Un bon étudiant, c’est malheureusement… pour avoir regardé autour de moi, un bon étudiant c’est celui qui ne montre pas [de] faille. Qui ne montre pas qu’[il est] « bloqué » [qu’il] ne sait plus que faire. C’est malheureux. Quelqu’un qui montre que… OK, je m’enligne droit, je fonce. Ça, c’est un bon étudiant de recherche. Malheureusement, je dis bien! Parce qu’il y a des moments où parfois on n’y arrive pas! (Doctorant 36, Droit)

Pour moi, il y a une image d’une collègue… Qui était souvent en pleurs, qui vivait des frustrations fort particulières et qui les extériorisaient d’une manière qui était fort explicite, qui était très manifeste. Et c’était mal perçu parce que c’est comme s’il n’y avait pas [de] gestion de soi. Il y avait beaucoup d’impulsivité. Et je crois que dans le milieu, ça, ça ne reflète pas une posture de doctorant. (Doctorant 2, Sciences de l’éducation)

Si certains participant-e-s s’identifient aisément au « bon doctorant », d’autres admettent ne pas se retrouver dans le profil attendu :

[Ce sont] souvent des gens qui savent déjà depuis longtemps qu’ils veulent faire un « doc » : ils connaissent leur sujet depuis le [baccalauréat], ils se spécialisent déjà dans un domaine spécifique. Donc, ils arrivent au doctorat vraiment bien outillés. Puis on voit que c’est un cheminement naturel pour eux. Et, souvent, ils vont trouver un directeur qui « fite » à 100 % avec leur domaine, qui est spécialiste de cette question-là […] Je les vois puis on dirait qu’ils sont vraiment dans leur élément… ce qui n’est pas mon cas. (Doctorant 7, Sciences de l’administration)

Parce que si je suis honnête avec moi-même, c’est qu’au début [j’] avais un sentiment de honte; je ne performe pas comme les autres, je ne corresponds pas

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à leur profil. Je n’ai pas le profil habituel du doctorant. (Doctorant 2, Sciences de l’éducation)

Si, pour parler des doctorant-e-s le plus susceptible de se rendre jusqu’à la diplomation, les professeur-e-s ont tendance à évoquer la notion de talent alors que les doctorant-e-s parlent plutôt de performance et de productivité, tous et toutes s’entendent sur le fait que certaines aptitudes intellectuelles demeurent incontournables. D’ailleurs, encore une fois, pour certains, « les aptitudes intellectuelles, ça se développe, mais un bon doctorant comprend vite » (Directrice 3, Sciences sociales). Du point de vue des directeurs et des directrices de thèse, il est ainsi plus aisé de mener à terme des études doctorales si l’on fait preuve d’un sens critique, que l’on possède de bonnes capacités d’abstraction et d’analyse, qu’on a la capacité de « cerner les enjeux centraux » d’une problématique et celle de s’exprimer de manière structurée, tant à l’oral qu’à l’écrit :

[…] être capable d’avoir un niveau conceptuel, être capable d’approfondir et d’avoir un niveau de réflexion qui n’est pas du 2e cycle, qui devient du 3e cycle…

parce qu’on s’approprie des écoles de pensée, on est capable de les situer les unes par rapport aux autres, on est capable de faire des choix justifiés sur le plan théorique, méthodologique. Autrement dit, on s’approprie un domaine. Bien sûr ça se fait au fur et à mesure de la formation. Je pense que c’est vers la fin du doctorat qu’on commence à être un peu plus à l’aise avec ça. Puis on continue par la suite parce que c’est difficile d’avoir du recul théorique. Mais c’est ce qu’on essaye de développer [chez les doctorant-e-s]. (Administratrice 1)

Par ailleurs, dans certaines disciplines où le travail de thèse suppose une appropriation de la pensée ou des travaux d’un ou plusieurs auteurs, des directeurs de recherche ont soulevé l’idée d’une posture d’humilité souhaitable tant chez les apprentis-chercheurs que chez les chercheurs plus aguerris :

[…] les meilleurs scientifiques ne sont pas ceux qui assènent les choses de manière impérieuse, et en critiquant vertement leurs prédécesseurs, mais ceux qui modestement font valoir une hypothèse. Ça nous semble toujours plus pertinent, mais aussi plus persuasif. Et donc, les étudiants qui ont ces capacités- là me semblent toujours ceux qui vont le plus loin après. Parce qu’ils ont déjà assimilé cette idée-là, qu’ils font partie du monde de la recherche dans lequel on se respecte. On respecte les recherches des autres. Quand bien même on n’est pas d’accord, et quand bien même on trouve qu’elles ne sont pas bonnes! […] C’est ce rapport à la science qui est un rapport de modestie peut-être. (Directeur 4, Lettres et Humanités)

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Pour moi, la principale qualité c’est une sorte d’humilité. Parce que quand on travaille en [discipline x], on est un peu au service de la littérature, puis d’une certaine manière, au service des auteurs qu’on étudie. C’est-à-dire pas pour les promouvoir, mais il faut qu’on s’efface un peu devant ce dont on parle. Et je trouve qu’un étudiant qui se mettrait trop lui-même en avant, ferait une erreur. (Directeur 6, Lettres et Humanités)

Il importerait en outre de « faire preuve d’originalité, [de] sortir des lieux communs » (Directeur 14, Sciences de l’éducation), c’est-à-dire d’être « capable d’être créatif, de générer des idées » (Directeur 10, Sciences de l’administration) :

Les étudiants les plus brillants, c’est aussi les plus créatifs… ceux qui au-delà de leurs connaissances techniques ont cette volonté de bousculer un peu la norme, de sortir de ce que l’on propose. (Administrateur 4)

Pour quelqu’un qui est trop centré sur des préoccupations pragmatiques, ça va être difficile de faire un doctorat. (Directeur 14, Sciences de l’éducation)

[…] l’idée c’est de ne pas juste répéter ce que tu apprends, mais d’arriver vraiment à te l’approprier puis en faire quelque chose de différent. C’est le côté « subjectif-créatif » : il faut que tu réussisses à t’approprier des idées puis à ne pas juste répéter les mots d’un auteur, par exemple. [C’est] un passage qui n’est pas nécessairement sans coups de cravache! (Doctorant 23, Sciences sociales)

Si, malgré tout, pour plusieurs directeurs et directrices de thèse, mener à terme des études doctorales, « ce n’est pas une question de capacités, c’est une question de personnalité » (Directeur 7, Droit), quelques doctorant-e-s en évoquent aussi l’idée :

Y’a des gens qui pensent que ceux qui font un doctorat sont « ultra brillants ». Faut pas nécessairement que tu sois « ultra brillant » et que tu connaisses tout sur tout… Je pense que c’est plus une question de « qualités »; faut que tu sois curieux, déterminé, passionné… (Doctorante 4, Sciences sociales)

Pour moi, tu n’as pas besoin d’être intelligent pour faire un doc. Tu as besoin d’être assidu et de savoir être stratégique. (Doctorant 7, Sciences de l’administration)

On considère en ce sens que certaines caractéristiques personnelles peuvent faciliter la progression dans la formation. Les doctorant-e-s, les directeurs et directrices de thèse ainsi que les administrateurs parlent d’emblée de « personnalité forte, affirmée » qui n’est « pas trop sensible à la critique », de « gros égo », mais aussi d’un côté nerd, voire obsessionnel :

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Il faut être un peu nerd pour faire un doctorat, je pense. Je pense que c’est un petit peu incontournable. Faut être capable de focaliser sur une question qu’on va être le seul à comprendre et connaître. Puis travailler là-dessus pendant 4-5 ans… (Directeur 7, Droit)

Il faut avoir certaines caractéristiques personnelles [pour faire de] la recherche. Cette dimension minutieuse… ma blonde n’arrête pas de [me taquiner] parce qu’elle trouve que je suis obsessionnel! Mais, chaque fois je lui répète que le côté obsessionnel, je pense que ça fait partie d’un bon chercheur. Être complètement obsédé par un sujet, obsédé par des détails qui seraient, en fait, absolument normaux pour le commun des mortels, absolument sans aucun intérêt! Mais, en tant que chercheur, qui vont totalement nous obséder des semaines et des semaines parce qu’on les trouve particulièrement intéressants! (Doctorant 6, Sciences sociales)

À l’instar de ce qui est officiellement attendu du point de vue institutionnel, l’autonomie est une autre des caractéristiques personnelles le plus fréquemment évoquée par les trois types de participants lors des entretiens. Plusieurs parlent ainsi de la propension à travailler de manière autodidacte, à être « débrouillard », mais aussi celle à « prendre des risques » sur le plan intellectuel. Certains se montrent toutefois critiques à l’égard de cette attente du milieu qu’ils jugent insidieuse par moments :

Pour moi, l’autonomie a ses limites. Parce que… jusqu’où [peut-on parler] d’autonomie, et jusqu’où [peut-on parler de]manque de soutien? (Doctorant 2, sciences de l’éducation)

Ça ne veut pas dire que l’étudiant n’aura pas de support du tout, mais ce que je vois – surtout chez des collègues subventionnées – [c’est qu’] ils finissent par avoir tellement de préoccupations de survie personnelle, de surcharge, qu’ils souhaitent avoir des étudiants qu’ils vont appeler « autonomes » […] et l’étudiant se retrouve avec le mandat de se « démerder » un peu seul. (Directeur 14, Sciences de l’éducation)

Des directeurs et directrices de thèse évoquent en outre la « capacité à composer avec l’ambiguïté et le doute » comme une caractéristique personnelle pouvant faciliter l’expérience et le travail aux études doctorales :

Quand arrivent les inévitables périodes où on doute de notre sujet, on doute de notre capacité à faire un doctorat… Puis ça, tout le monde passe à travers ça. Je ne connais personne qui fait l’économie de ça. […] Ça prend quelqu’un qui est