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CHAPITRE 1 : Progresser dans la formation doctorale — éléments de problématique

1.2 Recherches sur la progression dans la formation doctorale : état des lieux

1.2.2 Progresser ou non dans la formation doctorale : facteurs à considérer

1.2.2.1 Facteurs individuels

Au-delà des aptitudes intellectuelles – qui ne constituent pas systématiquement un gage de réussite au doctorat (Lovitts, 2005) –, les facteurs individuels renvoient ici à certaines caractéristiques personnelles qui tendent à favoriser ou non la progression aux études doctorales, de même qu’au profil sociodémographique et aux aspects de la situation personnelle des doctorant-e-s pouvant influencer la décision de poursuivre jusqu’au bout leur formation.

Caractéristiques personnelles

Bien qu’on ne puisse délimiter un profil psychologique type pouvant favoriser la progression dans les études doctorales (Lovitts, 2005), certains traits de personnalité – que l’on attribue généralement aux gens ayant des aptitudes élevées à la créativité (Amabile, 1996) – pourraient faciliter la progression tout au long de la formation. Il s’agirait notamment d’un haut degré d’autonomie et de discipline personnelle, de la propension à vouloir atteindre de hauts standards d’excellence, du locus de contrôle interne, d’une tendance à prendre des risques, de la tolérance à l’ambiguïté ainsi que de la capacité à retarder la gratification et, par le fait même, de la capacité à poursuivre une tâche malgré les frustrations (Lovitts, 2005). Selon Sternberg (1997), les étudiant-e-s qui s’engagent dans les études doctorales ont généralement été performants aux autres niveaux d’enseignement, la plupart en répondant avec succès aux exigences dès le premier essai. Ils n’ont donc pas l’habitude d’échouer ni de continuellement réviser et bonifier leur travail. Dans la mesure où le travail de recherche se veut fondamentalement itératif, certains étudiant-e-s vivraient mal les frustrations qu’un tel processus sous-tend. Même des étudiant-e-s réputés pour avoir excellé aux autres niveaux

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d’enseignement peuvent éprouver de réelles difficultés aux études doctorales, et ce, plus particulièrement au moment d’effectuer la recherche et de rédiger la thèse (Lovitts, 2005). Par ailleurs, les aptitudes pour la gestion du temps et la planification ainsi que la tendance à rechercher activement de l’aide se retrouveraient souvent chez les doctorant-e-s qui se rendent jusqu’à la diplomation (Lahenius & Martinsuo, 2011; Maher et al., 2004). En somme, la capacité d’autorégulation constituerait un atout appréciable pour réussir à progresser dans les études doctorales (Pintrich, 2000; Zimmerman, 1990)

Caractéristiques sociodémographiques et situation personnelle

La difficulté à délimiter un ensemble de facteurs « prédictifs » de l’obtention ou non du diplôme de doctorat est particulièrement manifeste lorsqu’on se penche sur le profil sociodémographique et la situation personnelle des doctorant-e-s. Les résultats des recherches menées en ce sens sont souvent contradictoires et lorsqu’ils semblent probants, il est souvent nécessaire de les nuancer.

Les conclusions de plusieurs recherches montrent ainsi que les variables démographiques telles que l’âge et le genre ne permettent pas de discriminer ceux qui obtiennent leur diplôme de ceux qui ne l’obtiennent pas (Bair & Haworth, 2004). Néanmoins, à l’instar de Germeroth (1991) ainsi que Martin, Maclachlan et Karmel (2001) qui ont constaté que l’âge pouvait influencer la progression d’un doctorant ou d’une doctorante dans sa formation, Park (2005a) est arrivé à la conclusion que les étudiant-e-s les plus jeunes ont tendance à obtenir leur diplôme dans une proportion plus grande que leurs pairs plus âgés. L’examen des dossiers académiques d’une cohorte de 1376 étudiant-e-s lui a permis de constater que les taux de diplomation des étudiant-e-s de plus de 40 ans étaient significativement plus faibles, ce qu’il explique par le fait qu’à cette étape de leur vie, plusieurs jonglent avec diverses responsabilités en parallèle à leurs études.

En ce qui concerne l’influence du genre sur la progression dans le processus de formation doctorale, si certains chercheurs n’ont pas constaté de différence entre les taux de diplomation des femmes et des hommes (voir notamment Park, 2005a), il est généralement admis que les femmes tendent à mettre un terme à leurs études plus fréquemment que les hommes (Bowen & Rudenstine 1992; Nerad & Miller, 1997; Smallwood, 2004). Entre

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autres, les travaux de James et ses collaborateurs (2010) révèlent que dans les disciplines où l’on retrouve traditionnellement plus d’hommes, le taux de diplomation des femmes tend à être plus faible. Il pourrait toutefois s’agir davantage d’un effet de la culture disciplinaire et départementale que d’un effet de genre puisque ces auteurs ont aussi constaté que, plus le nombre de femmes dans un programme de doctorat est grand, plus leur taux de diplomation est élevé.

Quant à l’origine ethnoculturelle, son influence sur la progression des doctorant-e-s appelle également certaines nuances. Plusieurs recherches montrent en effet que les étudiant-e-s issus de communautés culturelles minoritaires sont plus susceptibles d’abandonner en cours de route que les étudiant-e-s qui font partie de la communauté culturelle dominante (voir entre autres Nettles & Millett, 2006). Toutefois, les étudiants internationaux ont généralement des taux de diplomation supérieurs à ceux des étudiant-e-s locaux (Park, 2005a; Smallwood, 2004).

Par ailleurs, le statut matrimonial et le fait d’être parent ou non ne permettraient pas de prédire qu’un doctorant ou une doctorante obtiendra son diplôme (Cooke, Sims & Peyrefitte, 1995; Frasier, 1993; Presley, 1996). Pourtant, comme le mentionne à juste titre Gardner (2008), le fonctionnement, les conventions et les traditions universitaires n’ont pas été pensés pour des étudiant-e-s parents dont les responsabilités et les horaires demandent plus de flexibilité. Qui plus est, les études doctorales exigent un important investissement de temps et d’argent. Pour les doctorant-e-s ayant des enfants, les obligations familiales peuvent donc influencer de manière importante la décision de mener ou non ses études à terme (Ali & Kohun, 2006).

Jusqu’ici, les constats demeurent aussi contradictoires quant à l’incidence des facteurs financiers et de l’occupation d’un emploi (Bair & Haworth, 2004). Les doctorant-e-s qui bénéficient de contrats d’assistanat de recherche ou d’enseignement ainsi que ceux qui ont obtenu une bourse d’excellence – ou un autre type de bourse de recherche – ont généralement plus de chance d’obtenir leur diplôme (Bair & Haworth, 2005; Cornut & Larivière, 2012; van der Haert, Arias Ortiz, Emplit, Halloin, & Dehon, 2014). Pourtant, James et ses collaborateurs (2010) ont constaté que les doctorant-e-s qui obtiennent des bourses de recherche ne sont pas moins à risque d’abandonner leurs études que ceux dont le revenu

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repose principalement sur des contrats d’assistanat. En effet, si l’obtention d’une bourse permet de se consacrer entièrement à la rédaction de la thèse en fin de parcours, dans le cas des doctorant-e-s ayant moins d’interactions avec des pairs ou des professeur-e-s au sein de leur milieu d’études, cela peut favoriser un sentiment d’isolement en début de parcours et, comme on le verra plus loin, nuire à leur progression. À contrario, tandis qu’au cours des premières années, un contrat d’assistanat peut favoriser les échanges avec des professeur-e- s et des pairs doctorants – ce qui réduit le sentiment d’isolement –, en fin de parcours, le fait d’occuper un emploi en parallèle à la rédaction de la thèse limite souvent la possibilité d’y consacrer le temps nécessaire.

Enfin, les doctorant-e-s qui occupent un emploi à temps plein et qui suivent leur formation à temps partiel mettraient plus souvent un terme à leurs études que ceux et celles qui étudient à temps plein (Gardner & Gopaul, 2012; Park, 2005a). De même, les doctorant-e-s qui suivent leur formation à distance auraient généralement des taux de diplomation plus faibles (Carr, 2000; Diaz, 2000; Parker, 1999; Verduin & Clark, 1991).