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Structure du questionnaire et caractérisation séquentielle

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CHAPITRE 4 : RECUEIL DES DONNEES ET

5- Symétriquement aux congénères, on peut repérer un certain nombre d'unités lexicales qui n'entretiennent aucune similitude graphique avec la langue maternelle des

4.1.3. Technique de sollicitation des données

4.1.3.1. Les deux groupes-tests

4.1.3.1.3. Structure du questionnaire et caractérisation séquentielle

Une distinction est nécessaire entre d'une part les phases du questionnaire telles qu'elles sont présentées au lecteur et d'autre part les moments de l'entretien qui diffèrent en fonction du type d'activité réflexive qu'on sollicite chez lui. Nous utiliserons le terme

"phase" pour les premières et celui de "séquence" pour les deuxièmes. Ainsi, mis à part l'échauffement, le questionnaire compte-t-il trois phases qui se différencient en fonction des variations du rôle de l'enquêteur, et huit séquences que nous distinguons en prenant pour discriminant l'activité cognitive suscitée chez le sujet par les différentes questions.

PHASE I :

Dans cette première phase, vont être visés successivement, le recueil de la compréhension et des stratégies empiriques de décodification, puis l'exploration des compétences métalinguistiques par l'exécution de tâches en relevant. L'enquêteur y a

pour consigne de ne donner aucun indice au sujet quant à la validité de ses réponses. Cela exclut non seulement les indications orales mais aussi les indications gestuelles – acquiescements ou désapprobation par murmures, hochements de tête, intonation… – même si dans la plupart des cas, l'enregistrement n'en gardera pas trace. Pour ce faire, l'enquêteur indiquait explicitement dès le début de l'entretien qu'il ne fallait pas chercher chez lui de signes d'accord ou de désaccord car il était « aussi neutre que le magnétophone ». Cela étant, nous ne garantissons pas que nous ayons respecté à la lettre cette règle d'or. Il est en effet parfois bien difficile de dissimuler sa surprise ou son désappointement.

Nous présenterons les questions de cette première phase en les regroupant par séquence:

Séquence A :

Elle correspond principalement à la lecture individuelle et à la question 1.

Q1: « Pouvez-vous résumer ce texte en donnant les informations essentielles ».

Elle est toute entière tournée vers la construction du sens. Le sujet est averti avant la lecture de ce qui va lui être demandé tout de suite après. Le moment de lecture individuelle correspond à l'activité langagière de compréhension proprement dite et la réponse à la question 1 à la production de son résultat. Par conséquent, les données recueillies ainsi sont des données extrospectives.

Séquence B :

Elle correspond aux questions 2 et 3.

Q2: « Quels sont les mots et groupes de mots qui vous ont guidé dans la compréhension de ce texte ? Pouvez-vous les traduire et expliquer ce qui vous a permis de les comprendre »

Si la construction du sens reste une préoccupation constante, elle s'accompagne ici pour la première fois d'une exigence d'introspection immédiatement consécutive à la tâche (donc rétrospective).

Cette introspection est métacognitive avant tout. Le sujet doit revenir sur l'activité cognitive qu'il vient de mener afin de donner les mots et groupes de mots qui l'ont guidé dans la compréhension et expliquer son mode d'exploration du texte. Il nous incombera sur ce dernier point d'étudier si les verbalisations correspondent à un plan, une stratégie ou à une recherche d'explication du processus22.

Néanmoins, de métacognitive, l'introspection peut prendre une tournure plus spécifiquement métalinguistique au moment où l'on demande au sujet d'expliquer ce qui leur a permis de comprendre ses mots-clés (cf. supra, graph. n°3 en 2.7.).

Séquence C :

Elle correspond à la question 4.

Q4: Demande de traduction justifiée de plusieurs segments (mots, groupe de mots et phrase complète) du texte : « Pouvez-vous proposer une traduction pour le segment …… en expliquant le raisonnement que vous suivez pour y parvenir? »

La demande d'introspection doit être distinguée de celle de la question 2 dans la mesure où c'est l'enquêteur qui choisit ici les unités dont on va parler et non pas le sujet. Si bien que ce dernier peut se voir demander des segments auxquels il a réfléchi ou non. Sont alors sollicitées à la fois des données rétrospectives et des données concomitantes, autrement dit de la réflexion à voix haute ("thinking aloud"). C'est, parmi les séquences orientées de quelque façon vers la construction du sens, celle qui est a priori la plus susceptible de générer des discours métalinguistiques. En outre, c'est au cours de cette séquence que peuvent surgir les premières véritables sollicitations métalinguistiques de la part de l'enquêteur, quand pour tirer du mutisme les informateurs confrontés à des

segments opaques, il les interroge par exemple au sujet de la fonction ou du rôle de ces segments.

Séquence D :

Elle correspond aux questions 5 et 6

Q5: « Quels sont les segments qui restent complètement incompréhensibles ? » Q6: « Hormis les mots d'une transparencecomplète, pouvez-vous indiquer les unités que vous connaissiez au préalable et comment vous les avez apprises ?»

Nous réunissons ces deux questions dans une même séquence en raison de leur orientation métacognitive. La question 5 requiert du sujet un bilan des zones de résistance à la compréhension. C'est la question 2 en négatif d'une certaine manière.

Avec la question 6, c'est à une double introspection qu'on invite le lecteur : par la première il se plonge dans son propre système de lecture en resurvolant le texte pour chercher dans sa mémoire à court terme les unités qu'il a comprises grâce à ses connaissances préalables (ses "schèmes linguistiques" – cf. 3.2.3 –) en langue cible, et quand une unité est ainsi détectée on lui demande par une deuxième rétrospection d'aller fouiller sa mémoire à long terme de façon à retrouver la source de cette acquisition.

Il reste que dans cette séquence, nous n'écartons pas la possibilité de recueillir des discours métalinguistiques incidents.

Séquence E :

Elle correspond aux questions 7, 8, 9, 10. On s'éloigne franchement, mais momentanément, durant cette séquence, de la construction sémantique. Encore que rien n'empêche le sujet d'y revenir. Ce sont cette fois directement les compétences

métalinguistiques du sujet, au moyen d'une question d'appréciation et de l'exécution de deux ou trois tâches en relevant, qui sont visées. Si l'on reprend la distinction posée par Py (1995: 146), il ne s'agit plus de « "réflexion" (= activité métalinguistique localisée dans un contexte particulier, qui la déclenche et lui sert à la fois de cadre et d'objet immédiat)» mais de « "conceptualisation"23 (= activité métalinguistique décontextualisée) ». Encore que ce dernier point soit à relativiser ici car les tâches métalinguistiques peuvent avoir quelques retombées sur la compréhension puisque les deux types d'activité portent toujours sur le même texte.

Q7: « Quel est d'après vous dans ce texte le temps verbal dominant ? » Q8: « Pouvez-vous souligner en rouge les verbes du texte.

Q9: « Pouvez-vous souligner en vert les substantifs, les noms, du premier paragraphe. » (question non posée aux sujets B1, B13, B14, TA, TB)

Q10: « Pouvez-vous repérer dans ce texte les articles définis de l'espagnol. » (question non posée aux sujets B2, B3, B6, B7, TB).

Peut-on parler pour cette séquence également d'introspection ? Ce n'est pas notre premier objectif puisque notre intérêt va d'abord se porter sur la "performance métalinguistique". Toutefois, il arrive que le sujet réfléchisse spontanément à voix haute pendant la tâche et qu'une conversation métalinguistique s'engage. Nous proposons d'appeler les données ainsi recueillies des discours métalinguistiques incidents à la tâche24.

PHASE II Séquence F :

23 Notons que « conceptualisation » prend ici une acception bien différente de celle posée par Besse (1974, 1977, 1986a) et dont il a été question au chapitre 2.

24 Comme on peut le constater, nous nous sommes laissé la possibilité de supprimer certaines questions (parmi les questions 9, 10 et 11) avec quelques sujets, soit parce que l'entretien durait en longueur, soit parce que nous voyions que le sujet saturait ou fatiguait et il s'imposait de le ménager pour la deuxième phase. Sans doute est-ce là un privilège de l'entretien « semi-structuré » (K. Matsumoto 1994).

Elle correspond à la phase II dans sa totalité. On peut lui ajouter la question 11 puisque, même si elle n'était pas toujours explicitement posée dans les termes ci-dessous, son contenu était indifféremment traité en fin de phase I ou en début de phase II.

Q11: « Avez-vous maintenant, après avoir répondu à toutes ces questions, des corrections ou des compléments à apporter à ce que vous avez répondu à la première question, au sujet du résumé des événements racontés par le texte ? » (question non posée explicitement aux sujets B1, B4, B5, B7, B8, B9, T2, T3, T4, TB)

Cette séquence s'ouvre donc par un retour à la construction sémantique. C'est une séquence métacognitive intense car le sujet doit s'auto-évaluer afin d'améliorer sa performance de compréhension: l'évaluation de la plausibilité de sa construction sémantique et l'estimation de ses besoins lexicaux et grammaticaux sont les deux aspects du bilan auquel il doit se livrer rapidement, quasi-instantanément25.

La "tonalité" de cette séquence diffère des précédentes dans la mesure où elle s'apparente plus à une interaction didactique. En effet, le sujet s'y voit donner la possibilité d'interroger l'enquêteur pour en savoir plus sur ce texte. Afin de canaliser les interrogations et d'éviter là encore la demande de traduction mot à mot, les règles du jeu étaient posées en ces termes:

« Vous devez me poser un minimum de questions pour obtenir un maximum d'informations, comme si vous aviez droit en quelque sorte à des "jokers". Pour vous guider, je vous indiquerai que vos interrogations peuvent porter sur trois thèmes: – ce que vous aimeriez savoir ou vérifier des règles grammaticales – ou autres – de l'espagnol ;

– la vérification de certaines de vos hypothèses de compréhension sur le texte ;

– la traduction de quelques unités qui vous semblent cruciales pour la compréhension.»

25 Peut-être aurait-on dû, d'ailleurs, leur accorder un temps de réflexion à ce moment-là (certains l'ont pris).

L'introspection peut émerger à tout moment dans cette séquence, sur des aspects métacognitifs ou métalinguistiques, bien que nous puissions craindre que les sujets sollicitent massivement des traductions lexicales.

PHASE III (Séquence G) :

Le protocole commun Galatea prévoyait initialement une troisième phase pour clore l'entretien. Il s'agissait, comme pour la question 11 (cf. supra) mais par écrit cette fois, de demander au sujet de récapituler la suite chronologique des événements racontés par le texte. Néanmoins, compte tenu de la longueur de l'entretien et de l'état "d'épuisement cognitif" atteint par les sujets à ce moment-là, nous l'avons soit purement et simplement supprimée au vu de la tournure de la phase II qui, pour des raisons diverses, la rendait obsolète, soit remplacée par une récapitulation équivalente mais orale. Dans tous les cas, l'entretien se concluait avec la traduction orale du texte par l'enquêteur et enfin, ensemble, un mini-formulaire d'identification sociolinguistique était complété.

Nous conclurons cette présentation du questionnaire de l'entretien par une remarque sur la variation du degré de focalisation de la construction sémantique au fil de l'entretien. Très présente encore lors de la séquence B (Q2 et Q3), la préoccupation pour la construction sémantique cède le pas par la suite compte tenu de la focalisation sur les unités lexicales et sur les aspects grammaticaux locaux qu'impliquent les questions Q4 à Q10. En d'autres termes, ces questions sont susceptibles de pousser les sujets aux microprocessus (cf. 3.2.3) et à leur faire perdre de vue la construction sémantique. C'est aussi pour cela que, pour les sujets les plus troublés par cette dérive, nous avons jugé bon de rajouter la question 11. Toujours est-il que cette préoccupation réapparaît pour tous dans la phase II et a fortiori dans la phase III.