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Convergences et divergences des différentes expérimentations d'enseignement réflexif réflexif

CHAPITRE 2 : FONDEMENTS THÉORIQUES FONDEMENTS THÉORIQUES

3/ Travaux du CDL de Grenoble :

2.5.4. Convergences et divergences des différentes expérimentations d'enseignement réflexif réflexif

Si l'on ne tient pas compte du public visé, on peut différencier les différentes conceptions d'enseignement réflexif dont il a été question ci-avant par le tableau suivant au moyen de 6 paramètres:

Graph. n°2 : Tableau de différenciation des différentes propositions d'enseignement réflexif. - 1 - Postériorité de la réflexion sur l'intériorisa-tion en LE 2 - Neutra-lité - 3 - Démarche - 4 - Métalangage - 5 - Objet réflexion - 6 - Référence méta à pour quoi ? LM quand ? Exercices de conceptuali -sation + + maïeu-tique

libre les règles, morphosyntaxe non non Charlirelle – – heuris-tique plutôt fixé et homogène toute la morphosyntaxe pour illustrer le modèle théorique systématique à chaque leçon Approche intégrée

– + mixte plutôt libre et hétérogène

les noyaux durs morphosynta-xiques de la LE

pour tout (Roulet) ou bien seulement pour résoudre les difficultés particulières de LE (Bourguignon) longtemps au préalable (Roulet) ou avant chaque point délicat de LE (Bourguignon) Language awareness – + non-fixé a priori

libre tout aspect langagier, en LM comme en LE pour prendre conscience de la spécificité de LM, visée éducative

aussi souvent que nécessaire, quasi-permanente

2.6.L'APPORT DES ETUDES PSYCHOLOGIQUES DEVELOPPEMENTALES

Nous avons vu qu'au cours des années 80, les didacticiens de langue étrangère ont accordé de plus en plus d'importance à la dimension cognitive de l'apprentissage. Ainsi, l'intérêt de la réflexion métalinguistique pour l'apprentissage s'est peu à peu imposé et différents courants se sont formés. Cette tendance, notamment pour les publics les plus jeunes, a été fortement consolidée par les recherches psychologiques menées autour du développement et de la genèse de la capacité métalinguistique, et cela même si les deux domaines n'ont pas trouvé immédiatement un terrain de convergence. Mais vers la fin des années 80, du fait même des options exposées ci-dessus à travers les "approches intégrées", et dans la mesure où en France la recherche sur l'acquisition des langues s'est un peu désintéressée de la question pour se focaliser sur l'étude des interactions, certains didacticiens des langues étrangères vont tout naturellement s'intéresser de très près aux travaux réalisés par les psychologues et cognitivistes autour de la problématique du développement génétique des activités métalinguistiques chez l'enfant.

Il n'est pas question pour nous de faire ici une présentation détaillée de ces travaux (on se reportera à J.-E. Gombert 1986, 1988 a et b, et surtout 1990, pour des recensions. Voir aussi E. Bialystok 1991 en ce qui concerne les enfants bilingues). Nous nous attarderons en revanche sur les enseignements principaux de ces recherches pour la didactique des LE, puis nous tiendrons compte des conceptions et définitions posées par ces chercheurs sur la "sphère méta" (cf. infra 2.7.), en plus de celles jusqu'ici exposées, au moment d'avancer nos acceptions terminologiques.

En premier lieu, dans le cadre d'une mise en place d'une approche intégrée de LM et LE, l'objectif même de la recherche développementale est d'une importance capitale. En effet, si l'on veut proposer des activités propédeutiques ou d'apprentissage autour du langage et des langues, la connaissance de l'âge moyen auquel les enfants ou adolescents

sont susceptibles de réaliser telle ou telle tâche constitue un atout déterminant. De surcroît, les modalités de la recherche psychologique peuvent orienter l'élaboration pédagogique31. Longtemps taboue, cette possibilité est désormais bien acceptée si elle s'inscrit dans le cadre d'un projet didactique délimité de façon à éviter certaines dérives souvent dénoncées ("entraînement de choc", "psychologisation", "apprentissage toujours plus précoce"…). L'apport des études développementales peut donc permettre d'éviter de proposer aux apprenants d'un âge donné des activités d'un niveau d'exigence situé au-delà de leur maturation cognitive. Il reste néanmoins, même s'il est constaté très souvent une étroite relation unissant développement métalinguistique et évolution cognitive de l'enfant (S. Bredart et J.A. Rondal 1982: 110), que les résultats mis en évidence ne comblent pas complètement cette attente pour deux raisons essentielles :

– premièrement, la gamme des activités métalinguistiques est très large (cf., par exemple, "il Test delle Abilità Metalinguistiche" de M.A. Pinto et R. Titone 1989) et la nature de chaque activité peut varier considérablement en fonction de nombreux facteurs: conditions d'exécution, consigne donnée, statut et comportement des interlocuteurs, etc. Par conséquent, la précision des âges indiqués est si faible, la plage si large32, que dans bien des cas le pédagogue qui souhaiterait y trouver une rigoureuse correspondance âge-activité en serait bien frustré33. Tout au plus peut-elle indiquer une période en deçà de laquelle l'acquisition est extrêmement rare ou soumise à certaines conditions de réalisation et au-delà de laquelle on peut déceler un certain retard (des stades d'acquisition). Ce qui au demeurant n'est pas négligeable. Ces résultats ont d'ailleurs motivé la mise en place en France de l'enseignement par cycles à l'école primaire.

31 Suggestion faite par les psychologues eux-mêmes (cf. J.-E. Gombert 1988b: 78).

32 En particulier sur la compréhension des ambiguïtés linguistiques où l'on remarque une « énorme variabilité individuelle des performances » (S. Bredart et J.A. Rondal 1982: 75)

33 Dans une étude récente, il a été mis en évidence la production d'énoncés métalinguistiques par des enfants de 5 ans autour de la cohérence discursive (M.-A. Defrance 94, Repères 9)

– deuxièmement, ces études évaluent les capacités métalinguistiques en sortie sans tenir compte du passé grammaticalisé de l'apprenant34 (type d'apprentissage scolaire suivi, "tradition" et habitudes métalinguistiques en vigueur dans son milieu…) ni des facteurs linguistiques et sociolinguistiques (LM de référence, LE connues, répertoire verbal, etc.)35, les études ayant, à leur grande majorité, été menées en anglais langue maternelle. Toutes choses qui vont en revanche intéresser le didacticien qui, en gardant un œil sur l'âge moyen de réalisation d'une tâche métalinguistique particulière, devra porter plus d'intérêt à ces facteurs de variation-là face à un public d'apprenants donné (cf. D. Singleton 1989).

Il n'en reste pas moins qu'une meilleure connaissance de la séquentialité des stades d'acquisition de la conscience métalinguistique (cf. par exemple C. Bonnet et J. Tamine-Gardes 1984 qui, entre 2 et 6 ans, définissent 3 stades) constitue un progrès décisif pour la recherche et l'enseignement, par exemple pour que l'enseignant puisse porter rapidement un diagnostic dans le cadre d'une évaluation formative. Il est ainsi possible d'avoir recours à des tests pour évaluer si les pré-requis nécessaires à tel ou tel apprentissage explicite sont acquis. Dans le cas contraire, on peut envisager certaines activités pour les mettre en place rapidement. Par ailleurs, il est vérifié que la lecture, le contact avec l'écrit, modifie en profondeur la structuration des capacités métalinguistiques de l'enfant (cf. J.-E. Gombert 1991).

En définitive, même si la corrélation âge-activité métalinguistique est soumise à de nombreuses fluctuations, force est de constater que les études développementales ont

34 Sans doute y a-t-il des habiletés métalinguistiques plus fortement dépendantes de ce passé grammaticalisé.

35 Toutefois, certains psycholinguistes commencent à mettre en relation les compétences métalinguistiques et les variables sociologiques. C'est le cas par exemple de Mininni (1989) dans une optique psychosémiotique.

grandement contribué à une meilleure connaissance du fonctionnement cognitif prenant pour objet le langage. Leurs interrogations ont tout particulièrement porté sur les frontières du métalinguistique et sur les différents types de manifestation de la fonction métalinguistique, ce qui a donné lieu, à partir aussi bien de données textuelles que de données intuitionnelles, à diverses typologies le plus souvent conçues par isomorphisme avec les divers domaines de l'analyse linguistique comme le remarque à juste titre Fabre (1986: 3) à propos des travaux de recension de Gombert. Et là comme en linguistique, si les aspects phonologiques, morphologiques et syntaxiques de la réflexion sont relativement faciles à isoler, il n'en va pas de même pour les autres "étages" de l'activité langagière.

De nombreux auteurs ont par exemple montré que les enfants pouvaient être très tôt sensibles aux aspects sémantiques des énoncés (J. Boutet 1986: 43; S. Bredart et J.A. Rondal 1982: 70), notamment lorsqu'on leur demande de juger de l'acceptabilité de phrases présentant ou non des anomalies sémantiques. La discussion porte sur le statut métalinguistique ou non de ces jugements. Chaque fois qu'il sera fait la preuve que l'enfant ne différencie pas le langage des événements référés pas les phrases, le statut métalinguistique sera refusé (cf. J.-E. Gombert 1986: 15). Bonnet et Tamine-Gardes (1984: 9) voient là un critère capital pour que « la notion de conscience métalinguistique n'ait pas pour seul intérêt de souligner la capacité du langage de renvoyer à lui-même ». En somme, pour elles, « tant que l'enfant ne s'intéresse qu'aux relations que les signes entretiennent avec les choses, tant qu'il ne connaît d'eux que leurs propriétés référentielles, tant qu'il ne s'intéresse pas aux relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres », le statut métalinguistique n'est pas attesté. Mais il est vrai que trancher entre acceptabilité et inacceptabilité sémantique pour des phrases telles que « la balle affamée roulait dans la rue » (S.L. James et J.F. Miller 1973 cité par S. Bredart et J.A. Rondal

1982: 69) ; « la table mangera à la cantine » (J. Boutet 1986:4 2) ou encore « les poissons rouges nagent dans la cour » (C. Berthoin 1995: 37), coupées de toute situation d'énonciation poseraient des problèmes y compris aux plus experts des linguistes ! Le jugement d'acceptabilité ne pouvant, à lui seul, être considéré comme métalinguistique, l'impossibilité référentielle non plus, sur quoi devrait porter l'argumentation de l'enfant pour que son raisonnement reçoive le label métalinguistique ? Devra-t-il se livrer à une analyse en traits sémantiques pour dire que le trait "inanimé" du nom "balle" n'accepte pas le trait "animé" de l'adjectif "affamé" ? Considèrera-t-on qu'il dit la même chose s'il affirme, comme cela est beaucoup plus probable, que "une balle ne peut pas être affamée" ou considèrera-t-on qu'il ne s'est pas détaché des propriétés référentielles de l'énoncé ? Sa réflexion deviendra-t-elle métalinguistique s'il envisage des conditions d'énonciation plausibles pour ces énoncés (par exemple, effet poétique pour la 1ère, métonymique ou elliptique pour la 2è, cour inondée pour la 3è…), menant à bien ainsi une activité d'ordre métapragmatique (d'après J.-E. Gombert 1986, 1990) ou métacommunicative (S. Bredart et J.A. Rondal 1982).

On le voit, en particulier pour l'étage sémantique de la langue, la question des bornes de l'activité métalinguistique constitue un sérieux problème théorique. On aura reconnu une question épistémologique fondamentale pour la linguistique : celle des limites de chacune de ces disciplines constituantes. Ceci ne voulant pas signifier pour autant que l'évolution de l'activité métalinguistique de l'enfant doit être vue comme un progrès vers la norme de l'adulte, voire du linguiste (J. Boutet 1986: 46). Elle doit être en revanche étudiée pour elle-même, comme un système plus ou moins cohérent et quels que soient les fondements et les cheminements, bienfondés ou erronés, du raisonnement. Ainsi, si l'activité métalinguistique s'apparente bien souvent à une analyse linguistique de

profane, il peut arriver néanmoins que cette "profanation" éclaire par rétroaction la linguistique elle-même (cf. F. François et al.1986: 26).

Mais un des principaux apports des études développementales est d'avoir attiré l'attention sur la dissociation progressive chez l'enfant du signe et du référent, du mot et de la chose. Un mot long peut être par exemple pour un enfant de 5 ans un mot dont le référent est long, donc "train" est plus long que "crocodile". On a observé à plusieurs reprises, qu'au même âge, raccourcir une phrase peut consister à lui rajouter une négation (J.E. Gombert 1988: 74). D'après les psychologues, jusqu'à 12 ans environ, les mots n'ont pas d'existence indépendante de celle de leurs référents. « Il y a indifférenciation entre le monde psychologique et le monde du langage chez l'enfant » (J.-E. Gombert 1988: 72) Ainsi, le développement métalinguistique semble se caractériser par un « effacement partiel d'un "savoir naïf" » (J. Boutet 1986: 46), le caractère partiel étant dû au fait qu'il en est maintes fois constaté des résurgences. La connaissance métalinguistique semble donc être un savoir opératoire qui dépend fortement des conditions de sollicitation. Dans bien des cas elle ne peut être acquise de façon définitive. Ainsi peut-elle être consciente mais pas suffisamment explicitée pour être transférée. Par exemple, face à une langue inconnue, le caractère arbitraire du signe connu consciemment – mais pas en ces termes cependant – dans sa langue maternelle par un individu peut disparaître au profit d'une recherche obstinée de motivation du signe. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions au moment de l'analyse de notre corpus, certes recueilli auprès de jeunes adultes, mais qui à bien des égards présente des similitudes avec les études résumées ici.

Aujourd'hui selon nous, la didactique des langues doit saisir sa chance. Sous l'effort conjugué des linguistes et des psychologues, le "méta" apparaît comme un

principe fédérateur des activités sur le langage à l'école, voire tout au long du cursus scolaire, comme en témoigne la parution d'un numéro récent de la revue « Repères » (1994, n°9). L'apprentissage de LE en fait bien sûr partie de plein droit. Réciproquement, les enseignants de LE ne peuvent plus faire abstraction des acquis métalinguistiques et des procédures développées autour de la LM.

2.7.QUESTIONS TERMINOLOGIQUES

Un grand nombre des difficultés rencontrées dans la recherche sur les activités métalinguistiques peut être imputé à la polysémie de ce terme. Il est donc nécessaire d'en préciser les acceptions dans la mesure où nous pensons, à l'instar de Mac Laren (1989) que « the concept of metalinguistic awareness is indeed useful ».