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Présentation du modèle interactif

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3.2.5. Présentation du modèle interactif

3.2.5.1. Les pôles

A - le lecteur :

Dans le cadre du modèle interactif, dans la mesure où le lecteur n'est plus perçu comme le simple récepteur passif d'un message, on fait la distinction chez lui entre, d'une part, ses structures de connaissances (ses schèmes) et ses structures affectives, et d'autre part, la mise en interaction de ces structures lors d'une situation de lecture dont on rend compte en termes de processus.

Sur le plan des structures cognitives, nous retrouvons les trois types de schèmes dont nous avons parlé plus haut, à savoir les schèmes de contenu (connaissances extralinguistiques sur le monde) formels (connaissance et "fréquentation" de différents types de texte, de leurs organisations et de leurs structures typiques) et linguistiques (connaissances grapho-phonologiques, lexicales, syntaxiques, sémantiques et pragmatiques). Il est important de préciser que ces structures de connaissances se manifestent autant dans les connaissances déclaratives que dans les connaissances procédurales (voir par exemple J.M. O'Malley et A.U. Chamot 1990). En somme, le sujet ne sera pas forcément conscient, à tous les sens posés plus haut, des sources qu'il actualisera en situation. Cette répartition tripartite est peut-être étroite, nous verrons au moment de l'analyse des données si tous les savoirs et savoir-faire observés sont susceptibles de l'intégrer.

Au rang des structures affectives, nous plaçons tout ce qui, d'un point de vue général, renvoie aux attitudes et à la motivation du lecteur à l'égard du langage, des langues étrangères et de leur apprentissage ainsi qu'à la tâche spécifique de lecture / compréhension. S'actualisent ainsi à travers ces attitudes des caractéristiques psychologiques de l'individu, de sa personnalité, comme la capacité à prendre des

risques lors de la construction du sens ou la peur de l'échec. Mais ces attitudes renvoient aussi à l'intérêt que déclenche le texte en lui-même, de par le support dont il est extrait, de par sa thématique et, ce qui n'est pas la moindre des choses, de par "l'art" du scripteur à retenir et captiver le lecteur. Il est en revanche plus difficile de classer les représentations, notion récemment introduite en didactique des langues et que l'on pourrait définir ici comme la connaissance vernaculaire du sujet sur une langue, sa culture et ses locuteurs; vernaculaire prenant ici le sens de "sous contrôle minimum", "de façon spontanée", pour qualifier des discours produits sur ces sujets de façon aussi peu consciente5 que possible.

Il reste que la distinction entre structures cognitives et affectives est sommaire et quelque peu artificielle. Pour certains en effet, la mémoire à long terme est constituée de "croyances" qui sont des informations qui peuvent être « objectivement vraies ou n'être que des opinions, des préjugés ou des stéréotypes » (cf. M. Fishbein & J. Ajzen cités par P. Bogaards 1991: 48) et sont influencées par des facteurs psycho-sociaux; ce qui, de fait, leur confère une dimension cognitive. Comme le dit Bogaards dès l'introduction de son ouvrage intitulé à dessein « Aptitude et affectivité dans l'apprentissage des L.E. » (ibid.: 9), « les deux dimensions ne s'opposent pas nécessairement, mais entretiennent des liens profonds ». C'est la raison pour laquelle les deux types de structures de notre schématisation sont en relation d'intersection de façon à nous réserver pour l'analyse des données la possibilité de les différencier ou non, dans la mesure où, toujours selon Bogaards, « il ne suffit pas de rendre compte des complexités inhérentes aux objets étudiés, il faut aussi analyser les phénomènes, en isoler des parties, dissocier des éléments, quitte à oublier momentanément l'ensemble pour mieux étudier le détail ».

B- Le texte :

Au moment de la lecture, les trois principales sphères de connaissances et croyances du lecteur entrent en interaction avec autant de niveaux correspondants dans le texte. Au niveau linguistique se distribuent les unités significatives minimales qui servent à constituer les mots et les phrases. Le tout se traduit, au niveau du texte, par un agencement particulier qui va constituer un type de discours donné (narratif, expositif, argumentatif, descriptif, etc., en fonction de la typologie de référence choisie) susceptible d'être porté par tel ou tel type de texte (fait divers, conte, biographie…), l'ensemble s'actualisant à travers une superstructure. Enfin, tout texte renverra à un univers particulier qui se manifestera à travers les domaines référentiels activés par le texte.

C- le contexte 6 :

Tout texte apparaît dans un contexte donné qui est à la fois celui de son environnement immédiat, son support, et celui du lieu où il va être lu. Pour illustrer l'importance de cette variable il suffit d'évoquer, au plan didactique, les difficultés rencontrées par les tentatives de recherche d'authenticité, en lecture, des approches communicatives. Il est en effet facile en situation didactique d'utiliser des textes authentiques, tirés de la presse ou de la vie sociale, mais il est en revanche très difficile, voire impossible, de les faire lire dans des conditions réelles d'utilisation (lecture le jour de la publication, quand les autres médias en parlent aussi, etc.). Ainsi parle-t-on par exemple d'un texte "sorti de son contexte" pour un fait divers photocopié dans un journal et donné à lire sur une feuille A4. On peut simplement chercher à atténuer l'effet de décontextualisation en laissant l'environnement immédiat du texte ou en l'indiquant,

à moins de donner à chaque élève le texte sur son support original au jour même de la parution.

3.2.5.2. Les interactions

Comme nous l'avons signalé et comme l'illustre la schématisation, au moment de la lecture, les différents pôles entrent en interaction par le biais d'opérations qui peuvent être plus ou moins volontaires. A ce sujet, un problème terminologique se pose à nouveau : doit-on distinguer terminologiquement ces opérations en fonction de ce critère ? Nous nous rallierons à ce niveau à une position désormais largement répandue (reprise par P. Bogaards 1991: 90, ou encore C. Cornaire 1991: 37) qui veut que les opérations automatisées soient dénommées des processus et les opérations contrôlées des stratégies. Quand aux stratégies initiales de planification de la tâche que se fixent les lecteurs, comme le propose Bogaards (ibid.) nous utiliserons à leur sujet le terme "plan" ou encore "projet de lecture" puisqu'elles renvoient, non pas à l'exécution de la tâche, mais à sa planification. Remarquons à ce propos que rien n'empêche qu'une même opération effective, par exemple le balayage (anglais "scanning"), puisse correspondre aussi bien à un plan qu'à une opération d'exécution, stratégie ou opération.

La principale caractéristique des opérations d'exécution de la tâche est qu'on peut très difficilement en décrire la séquentialité puisque, pour l'essentiel, elles peuvent fonctionner aussi bien en parallèle qu'en série (cf. D. Zagar dans M. Fayol et al. 92, J. Giasson 1990). Nous n'avons pas fait figurer sur la schématisation les interactions avec le contexte, considérant d'une part que le contexte immédiat peut se retrouver également au niveau des éléments textuels et que, d'autre part, il peut être pertinent à tout niveau du système. Enfin, si des niveaux similaires des deux ensembles entretiennent bien des relations privilégiées comme nous allons le voir, il n'en reste pas

moins que tout niveau est susceptible d'interagir avec quelque niveau que ce soit du pôle opposé.