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CHAPITRE 1 : HYPOTHESES ET OBJECTIFS HYPOTHESES ET OBJECTIFS

1.1.2. Hypothèses spécifiques

Beaucoup d'auteurs ont signalé, à l'instar de Arditty (1992: 414), que « l'acquisition d'une langue étrangère s'accompagne toujours d'une réflexion méta, d'interrogations, de rationalisations », mais à partir de là, il nous semble que sur le plan de l'intervention pédagogique, on a trop souvent posé la question en termes de « faut-il enseigner ou non la grammaire ? » et pas assez en termes de « que sont ces activités métalinguistiques et que peut-on (et doit-on) en faire ? »

De façon plus spécifique, nous faisons l'hypothèse que le "bagage métalinguistique" d'un lecteur novice et casuel en ELVIF (« l'alloglotte » – cf. B. Py 1993: 11) se caractérise non seulement par la présence de traces issues de ses apprentissages langagiers antérieurs, en LM comme dans d'autres LE, mais aussi par des savoirs plus informels issus d'une part de son propre "bricolage" du matériau langagier et d'autre part de ses représentations de la proximité typolinguistique. C'est parce que « les comportements tant des enseignants que des élèves sont conditionnés par leurs représentations linguistiques » définis comme « des petits choix limités et spontanés […] (qui) renvoient à une conception plus ou moins élaborée et explicite du langage en général et de la langue enseignée en particulier » (B. Py dans A.C. Berthoud et B. Py 1993: 5), que nous projetons de conduire cette étude. Nous espérons que l'étude de ces "petits choix", alors que le sujet n'a pas planifié d' apprentissage, nous renseignera sur sa conception du langage et de l'espagnol et nous permettra de prédire et d'étayer les comportements d'apprenants futurs de façon à gérer « la dialectique entre des

représentations plus ou moins inadéquates et leurs objets linguistiques […] c'est-à-dire ajuster les représentations des élèves, neutraliser les divergences ou au contraire en tirer parti, et construire un objet linguistique libéré des stéréotypes paralysants » (ibid: 14).

Nous nous attendons à ce que les considérations lexicales soient les plus importantes mais, sans négliger cette dimension, nous nous proposons de porter notre attention sur l'ensemble des niveaux linguistiques. Notre hypothèse est en effet que la proximité typolinguistique peut avoir des répercussions à tout niveau.

1.2.OBJECTIFS ET RETOMBEES PEDAGOGIQUES ATTENDUES

Nous pensons donc que, à des fins pédagogiques, on peut exploiter les connaissances, représentations et savoir-faire métalinguistiques des apprenants afin de les dynamiser, au contact de la langue cible, par des pratiques d'étayage, afin de faciliter la construction du sens en ELVIF. Il s'agit, pour ce faire, d'étudier « les modalités de transfert ou d'adaptation, dans l'appropriation (ndr: ou plus modestement ici dans l'utilisation), de représentations métalinguistiques antérieurement mises en place sur une autre langue, maternelle ou étrangère » (R. Porquier et R. Vivès 1993: 75). Notre recherche sera par conséquent de nature exploratoire et descriptive dans la mesure où elle ne vise pas forcément à confirmer ou rejeter des hypothèses mais plutôt à en générer dans l'optique d'une élaboration didactique à venir. C'est en ce sens que notre objectif est aussi de stimuler des recherches ultérieures, des expérimentations au cours desquelles il s'agira bien d'évaluer la portée des hypothèses dégagées dans la présente étude.

Les retombées que nous attendons de cette recherche sont les suivantes :

– Une meilleure connaissance des stratégies et processus mis en œuvre dans une situation de compréhension de LE singulière et peu étudiée jusqu'à présent. Nous espérons ainsi, au niveau théorique, contribuer à la réflexion sur l'utilisation des langues étrangères et en particulier sur le rôle de la conscience et de l'activité "méta" du sujet.

– Une meilleure connaissance des rapports entre individus et langues. On peut s'attendre en effet à rencontrer chez les sujets des profils métalinguistiques différents. La mise en relation de l'activité métalinguistique avec la performance de compréhension peut nous permettre par exemple de dégager des observations intéressantes.

– Tirer des enseignements précieux en vue de l'élaboration d'une grammaire de la compréhension, sur les stratégies à étayer et celles à inhiber, sur les représentations et stéréotypes linguistiques à contourner ou sur lesquels prendre appui, sur la métalangue à employer et sur celle à éviter, mais aussi sur les zones de résistance de l'ELVIF et ses actualisations en discours. « La règle explicite (donnée à l'apprenant) doit donc être suffisamment proche de la représentation qui se développe chez l'apprenant pour pouvoir y être incorporée de façon significative. L'écart entre ce que l'apprenant a spontanément expliqué et le principe signifiant qui peut lui être proposé est sans doute à rapprocher de la "Zone Proximale de Développement" définie par Vigotsky (1962) » (E. Bialystok 1990: 52-53). D'où la nécessité de connaître ces représentations, de les observer, de les inventorier et de les analyser.

Au-delà, cette recherche devrait, d'une part, permettre de fournir des pistes de réflexion pour une élaboration postérieure d'un outil d'appréciation du profil métalinguistique d'un individu en lecture/compréhension, qui pourrait remplir une fonction "diagnostique" et "pronostique" en indiquant quels types de stratégies métalinguistiques il faudrait renforcer au cours de l'enseignement ; et d'autre part, procurer une première estimation de la possibilité de concevoir un apprentissage d'une langue voisine axé sur la compréhension.

1.3.PROBLEMATIQUE

Le recensement et le classement des verbalisations devrait nous permettre d'aborder les questions suivantes :

– Les sujets développent-ils une activité "méta" spontanée pendant la lecture/ compréhension ?

– Dans quelles conditions cette activité "méta" apparaît-elle ? Quel est son rôle dans l'activité de construction du sens ?

– Quels sont les domaines langagiers et les objets linguistiques privilégiés de l'activité "méta" ?

– Peut-on tracer des lignes de partage suffisamment précises au sein de cette activité "méta" entre le métalangagier, le métacognitif et le métalinguistique ? Si oui, sur quels critères ?

– Comment les sujets s'y prennent-ils pour justifier leurs réponses, leurs stratégies, leurs inférences, leurs connaissances antérieures ? Quelles considérations métalinguistiques l'exigence méthodologique de justification fait-elle ressortir ?

– Comment repèrent-ils les "zones de résistance" à la compréhension ?

– Quels sont les différents types de "ressources" métalinguistiques d'un tel public (métalangue, représentations, savoir-faire…) ?

– Peut-on formuler des hypothèses quant aux répercussions spécifiques de la proximité typologique des langues en contact (français, espagnol et autres langues étrangères : en particulier l'italien pour une partie du public mais aussi le latin, l'allemand, l'anglais…)?

Avant d'aborder ces questions, nous avons cependant souhaité nous livrer à un cadrage théorique aussi approfondi que possible afin d'examiner les concepts qui nous intéressent d'un double point de vue historique et épistémologique.

CHAPITRE 2 :