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CHAPITRE 4 : RECUEIL DES DONNEES ET

2. Texte « Jessica » (preguntas idénticas)

4.2. PREMIERES ANALYSES

Il ressort du point précédent que si notre technique de sollicitation des données à dominante introspective connaît un certain nombre de limites, elle reste un moyen privilégié d'accéder à la réflexion interne du sujet. Matsumoto (op.cit., notre traduction) écrit ainsi en conclusion: « Bien que de considérables précautions semblent être nécessaires pour obtenir des données mentales valides et pertinentes, on peut s'attendre à ce que les verbalisations introspectives (…) continuent à nous fournir des informations utiles sur les fonctionnements internes des apprenants de L2, que l'on ne pourrait pas obtenir par les seules études extrospectives ».

Tous les entretiens que nous avons obtenus ont été enregistrés et transcrits, pour les trois groupes concernés. Ce qui constitue un corpus considérable dont on pourra se faire une idée en consultant en annexe 3 la transcription de quelques-uns d'entre eux. Après avoir choisi nos observables au point 4.1.4., se pose maintenant la question du tri et de l'exploitation de ces données en fonction de nos objectifs.

Dans un premier temps, nous commenterons les aspects les plus intéressants des données recueillies au moyen du formulaire signalétique final et du mini-questionnaire d'échauffement. Nous dégagerons ainsi certaines caractéristiques sociolinguistiques des sujets qui peuvent s'avérer de quelque importance dans la tâche de lecture / compréhension.

Nous réaliserons ensuite une évaluation quantitative de la compréhension. Malgré les difficultés que présente cette dernière entreprise, nous devons être en mesure de situer les sujets les uns par rapport aux autres en ce qui concerne la réussite à la tâche demandée.

Viendra enfin l'analyse qualitative de données qui constituera l'essentiel de notre travail. Le chapitre 5 sera consacré entièrement à cette analyse. Nous en expliquerons la démarche dans son introduction.

4.2.1. Caractéristiques sociolinguistiques de l'échantillon

Nous porterons notre attention sur quatre aspects. Deux concernent les structures affectives et deux les structures cognitives (on trouvera en annexe 4 les tableaux synoptiques complets des trois groupes de l'échantillon).

4.2.1.1. La motivation et l'attitude à l'égard de l'espagnol

On peut s'attendre à ce que les sujets qui disposent d'une image positive de cette langue et a fortiori ceux qui projettent sérieusement de l'apprendre, s'investissent complètement dans la tâche (cf. B7 par exemple). Cela devrait se vérifier au niveau de la qualité de la compréhension ainsi que, probablement, dans l'engagement ultérieur pour répondre aux questions, chercher à "monter le puzzle du fait-divers", voire faire preuve d'opiniâtreté métalinguistique, sachant que "du métalangagier", compte tenu des acceptions posées, il y en aura de toute façon chez tous.

En ce qui concerne les binômes (B1 à B14), à la question « Si vous aviez la possibilité d'apprendre une (autre) langue romane, laquelle choisiriez-vous et pourquoi ? », 11 sujets penchent plutôt pour l'espagnol. Ils soulignent tous l'intérêt que cette langue présente, en tant que langue romane « la plus universelle », elle permet de voyager. Parmi eux, ils sont quatre à le souhaiter avec conviction, voire à le projeter dans un avenir prochain (B2, B7, B9, B12) pour « se faire plaisir » car cela correspond de leur propre aveu à un désir personnel. Parallèlement, ils sont trois à afficher avec détermination leur préférence pour l'italien (B3, B13, B14), auxquels viennent s'ajouter les quatre sujets qui rangent leur motivation pour l'italien au même niveau, ou presque,

que pour l'espagnol (B4, B8, B9, B11). On le voit, c'est un public bien disposé à l'égard des langues romanes auquel nous avons affaire. Seuls deux sujets se démarquent de ce point de vue. B5 avoue « ne pas avoir vraiment de motivation » et B6 affiche quant à lui une hostilité marquée qui ne manque pas de piquant typolinguistique lorsqu'il affirme « ne pas aimer les langues romanes sauf le basque en chansons » ! Etant donné que, à ce qu'il nous paraît, pour les 8 sujets qui font preuve d'une motivation mesurée et de bon aloi, la question de l'influence de la motivation n'est pas pertinente, nous concentrerons pour ce thème nos observations sur les publics "extrêmes": les 4 très motivés et les 2 qui ne le sont pas du tout.

Quant aux trinômes, puisqu'ils connaissent déjà l'italien, ils répondent à cette question en choisissant l'espagnol (sauf TB), pour les mêmes raisons que les binômes, mais sans conviction. Sans doute faut-il voir là leur souhait d'améliorer d'abord les compétences en italien. C'est ce que TB manifeste explicitement quand il déclare: « je ne veux pas me charger encore d'une langue… d'autant plus qu'en Espagne on n'y va pratiquement pas ». En revanche, aucun sujet ne cite l'éventualité d'apprendre une autre langue romane que l'espagnol. Cela dit, la motivation étant modérée, voire neutre, pour tous les trinômes, nous ne pensons pas que cette variable soit à prendre en considération pour ce public dans le cadre de notre problématique.

4.2.1.2. La représentation de la difficulté

Sur ce point, c'est l'impression de facilité qui prédomine, surtout comparativement à l'allemand que beaucoup ont étudié (B8, B9, B12, T3, TA). Néanmoins, pour nombre d'entre eux, l'espagnol serait plus difficile que l'italien, surtout au niveau de la prononciation (B7, B10, B13, T2). Comme source de facilité, la parenté

linguistique est fréquemment évoquée. Pour B11, « on a des racines communes qui, peut-être, en facilitent l'apprentissage ».

Les trinômes se montrent naturellement encore plus explicites et confiants. T1 et TB soulignent la possibilité de « se débrouiller grâce à l'italien et au français », T4 y rajoute même… le corse ! (sujet "tétranôme"). Un seul sujet évoque le risque de confusion entre italien et espagnol (T3), pour la seule habileté d'expression néanmoins. Plusieurs sujets, comme T4 et TB font référence à des expériences d'intercompréhension, franco-espagnole pour la première, mais surtout italo-espagnole en interaction authentique pour le second, en… Catalogne ! Chez les binômes on remarque en revanche plus de "naïveté typolinguistique". B13 démontre ainsi un certain ethnocentrisme linguistique en déclarant sans hésiter au sujet de l'espagnol que « comme c'est une langue latine, y'a beaucoup de mots qui dérivent du français », et B4 raconte son anecdote sur "los platinos" (cf. annexe 3), au sujet des difficultés d'intercompréhension en Espagne, en concluant par un superbe « Alors là on a compris quoi! Il fallait copier ! ». Expérience vécue "en carne propia", si nous osons dire, de la parenté linguistique27. Ces différences de vécu peuvent s'avérer importantes au moment de notre expérience, quant à l'utilisation des analogies entre les langues et à la "flexibilité translinguistique", en tant que susceptibles d'influencer les sentiments de confiance / méfiance à l'égard des analogies. On retiendra en définitive que les trinômes se démarquent nettement des binômes sur ce point qui relève également des attitudes. Voyons maintenant les variables cognitives.

4.2.1.3. Connaissances linguistiques28 préalables

27 A ceci près que le mot français est d'origine… espagnole! D'après le Petit Robert en effet, "platine" est un emprunt (daté de 1752) à l'espagnol "platina" (aujourd'hui "platino") de "plata" ("argent").

28 Nous utilisons ici l'adjectif linguistique pour rester dans la terminologie des schèmes. Il serait peut-être plus juste de parler de savoir langagier pour éviter la confusion avec les connaissances en linguistique. Mais dans notre logique, et compte tenu du sujet de cette thèse, nous parlerions en ce cas de