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A- les micro-processus :

Certains auteurs ont baptisé ainsi les processus de décodage du texte (J. Giasson 1990), d'autres parlent plus volontiers de processus de bas-niveau (D. Gaonac'h 1990 a et b). Ils ont été automatisés depuis les débuts de l'apprentissage de la lecture, depuis l'apprentissage des traits discriminatoires des différentes lettres. Mais il suffit de confronter par exemple le lecteur à une police de caractères un peu spéciale de son propre alphabet pour constater une perte de vitesse du décodage graphique, ou de lui proposer l'apprentissage d'un autre alphabet (comme le cyrillique par exemple, qui s'apprend assez vite mais nécessite une certaine "gymnastique") pour observer des "régressions": le doigt suit la ligne, le lecteur oralise lentement, etc. On a constaté que lorsque le décodage grapho-phonologique est rendu ainsi trop laborieux, il devient alors très difficile pour le lecteur de mener à bien une lecture interactive. Le coût cognitif de ce décodage est alors trop fort. En revanche, si le décodage grapho-phonologique des graphèmes est possible, de façon erronée ou conforme, comme c'est le cas avec les langues romanes voisines pour un francophone, la question se pose en d'autres termes. En effet, on peut imaginer que rien n'empêchera le lecteur de réaliser une lecture à une vitesse normale puisque il ne rencontrera pas d'entrave au décodage grapho-phonologique, même si celui-ci sera nécessairement incorrect du point de vue de la norme phonologique de la langue-cible7 On sait néanmoins (D. Gaonac'h 1990b) qu'aux niveaux morphologique, syntaxique et sémantique, quand bien même le lecteur aurait recours à tous les transferts possibles, le décodage est nécessairement ralenti. Si, comme on peut s'y attendre, cela est le cas, il faudra s'intéresser d'une part à la façon dont l'équilibre s'établit entre les différents types d'interactions (un type d'interactions

7 Il suffit pour s'en convaincre de penser aux commentateurs sportifs (aux journalistes en règle générale) qui n'ont, jusqu'à des temps relativement récents, jamais vu d'inconvénient à prononcer les noms propres des ressortissants de pays romanophones "à leur façon" (ce qui est déjà moins vrai pour les noms propres slaves ou germaniques tant il est vrai qu'ils peuvent présenter des suites consonantiques particulièrement "peu fluides" pour un francophone), ou, pour être plus technique, dans leur propre interlangue romane dont on a pu constater par ailleurs qu'elle est fortement marquée, chez les francophones, par le modèle italien (CF. E. Beaumatin 1992, M.E. Malheiros-Poulet et al. 1994).

peut-il en étayer un autre ?), et d'autre part à l'analyse détaillée de ces micro-processus en tâchant de voir ce qui en eux relève des stratégies conscientes et délibérées, donc en définitive, de l'activité métalinguistique telle que nous l'avons définie.

B - les processus de structuration :

On appelle ainsi les interactions des aspects textuels avec les schèmes formels ("formal schemata" d'après P. Carrell 1984b, 1985, 1987b) du sujet. Les analystes et typologues des discours (J.M. Adam 1984, 1992), les théoriciens de l'information et les cognitivistes (W. Kintsch et T. Van Dijk 1975, G. Denhière 1984) se sont intéressés depuis déjà quelques années aux superstructures de certains types discursifs pour les premiers et à leur traitement mental pour les seconds. Ainsi, le discours narratif (et en particulier le genre du conte), mais aussi le discours informatif (appelé aussi "expositif", de l'anglais "expository"), ont fait l'objet de nombreux travaux dans cette perspective. On a pu constater notamment, en langue maternelle, que « le schéma canonique du récit est intériorisé par la plupart des individus et qu'il est utilisé lors de la compréhension et de la mémorisation » (G. Denhière 1984: 31). Etant donné que, en LM mais aussi en LE comme le montre Carrell (1984b, 1985), il a été montré qu'à des fins d'apprentissage, la prise en compte de ces superstructures aident les lecteurs à mieux comprendre et à mieux mémoriser les textes, il peut s'avérer intéressant d'observer si en langue étrangère voisine, dans la perspective tracée à la fin du point précédent, le lecteur a recours spontanément à ces aspects discursifs et selon quelles modalités : en connaissance de cause (c'est-à-dire avec "awareness"), selon un raisonnement logique ne faisant pas forcément appel à des connaissances élaborées sur le sujet mais faisant preuve d'une sensibilité particulière à ce facteur (une "intentionnalité"), ou bien de façon tout à fait implicite.

En outre, le même type de questionnement peut être conduit autour de la connaissance des types de texte, des caractéristiques de la situation d'énonciation dans laquelle un texte s'inscrit, ou du repérage de l'agencement textuel (titre, sous-titre, chapeau, paragraphes, colonnes, alinéas, mise en page, etc.).

Comme nous l'avons posé au chapitre 2, dans la mesure où le caractère réfléchi et conscient d'un tel traitement est établi, il est à classer selon nous de plein droit dans l'activité métalangagière du sujet, et plus précisément dans son activité métatextuelle.

Plus gênantes à situer, entre activité métalinguistique et activité métatextuelle, sont les considérations qui portent sur des aspects discursifs interphrastiques, sur les éléments de cohésion du texte (connecteurs et autres articulateurs), sur la continuité thématique (réseaux co-référentiels – cf. S. Moirand 1990 –) ou sur les substituts diaphoriques en général (M. Maillard 1974). Nous nous heurtons-là aux mêmes difficultés de sectorisation que rencontre la linguistique générale. Il n'est bien entendu pas de notre compétence d'y remédier. C'est pourquoi nous affecterons ces aspects à l'activité métalinguistique, limitant l'activité métatextuelle aux aspects ci-dessus énumérés.

C - les processus d'élaboration :

Avec les processus d'élaboration, nous touchons à un domaine très sensible du modèle, celui des interactions entre les domaines de référence extralinguistiques du texte et les schémas de contenu ("content schemata") ou cadres de connaissance du lecteur. On entre en effet sur le terrain proprement sémantique, sur le terrain du renvoi au référent en ce qui concerne le texte (sémantique linguistique), et sur celui que les cognitivistes ont baptisé traitement de l'information (sémantique cognitive) en se plaçant du point de vue du locuteur. De ces processus d'élaboration, dont nous savons

par ces derniers théoriciens qu'ils peuvent précéder, voire supplanter les micro-processus lorsque le traitement haut-bas est dominant (leur succéder quand c'est au contraire le bas-haut qui domine à moins qu'ils ne soient "court-circuités"), sera issue la construction sémantique que le lecteur réalisera autour de sa lecture.

Carrell (1983:183) a montré les effets sur les processus d'élaboration en lecture / compréhension en anglais langue étrangère de trois variables distinctes des schémas de contenu du lecteur, appelés aussi "background knowledge" (que l'on peut traduire par "connaissance du monde" ou "connaissance encyclopédique"): « (1) prior knowledge in the content area of the text (familiar vs. novel); (2) prior knowledge that the text is about a particular content area (context vs. no context); and (3) degree to which the lexical items in the text reveal the content area (transparent vs. opaque) »8. La présence de cette troisième variable peut surprendre dans la mesure où elle relève du texte et non pas du lecteur. Il nous semble qu'il s'agit donc d'une variable textuelle et non pas d'une variable du lecteur. A moins de la formuler en termes d'accessibilité pour le lecteur : le degré jusqu'auquel les unités lexicales qui révèlent le contenu thématique du texte sont à la portée du lecteur ; ce qui, dans le cas des langues voisines inconnues pourrait s'exprimer ainsi : le pourcentage d'unités lexicales accessibles (par analogie avec LM essentiellement mais aussi par d'autres moyens) dans les noyaux de sens du texte. Ceci étant, il nous semble que formulée ainsi, cette variable renvoie plutôt aux "schémas linguistiques" et plus précisément au traitement lexical, d'où la flèche spécifique en pointillés sur notre schématisation.