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LES DÉTERMINANTS DE LA RÉUSSITE EN PREMIÈRE ANNÉE À L’UNIVERSITÉ

III.2. Les méthodes de travail et les stratégies des étudiants

III.2.2.3. Les stratégies d’apprentissage

« Les stratégies d’apprentissage sont définies comme étant les activités effectuées par l’apprenant afin de faciliter l’acquisition, l’entreposage, le rappel et l’application de connaissances au moment de l’apprentissage » (Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier, 1996). Cette définition des stratégies d’apprentissage recouvrent à la fois les stratégies cognitives visant globalement à traiter et organiser

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l’information, les stratégies affectives ayant pour but de maintenir une motivation, adopter des attitudes positives, les stratégies de gestion des ressources, qui s’appliquent tant par rapport au matériau, aux ressources humaines qu’au temps dont l’étudiant dispose et les stratégies de métacognition qui permettent « d’évaluer, contrôler et réguler » l’apprentissage.

Sans développer en détail les multiples variations qui découlent de ces quatre grands types de stratégies, les résultats issus des travaux sur la question tendent à montrer que l’étudiant qui s’approprie personnellement le savoir et réalise un travail sur l’information a plus de chances de réussir. D’autre part, un des points cruciaux selon Boulet et al. (1996) ou encore Romainville (1993) pour la réussite, est la maîtrise d’un ensemble de stratégies que l’étudiant sait mobiliser en fonction du contexte et des besoins. La fixation sur l’utilisation récurrente d’une stratégie spécifique n’est pas bénéfique à la performance. Enfin, un autre résultat majeur de ces recherches tient dans la maîtrise d’activités métacognitives. Les constats répétés sur l’analyse des stratégies d’apprentissage des étudiants montrant que ce n’est pas parce que l’étudiant met en œuvre tel type de stratégies, même élaboré, qu’il va réussir (Noël, Romainville et Wolfs, 1996 ; Romainville et Willocq, 1993 ; Thiran, Frenay et Parmentier, 1996 ; Torrance, 1991 cités par Romainville et Parmentier, 1998). Ce constat amène à penser que c’est plutôt dans la conscience de sa démarche cognitive que l’étudiant améliorera sa réussite.

A ce titre, Parmentier et Romainville (1998) proposent une classification quelque peu différente des stratégies d’apprentissage des étudiants. Ils différencient les stratégies cognitives (stratégies développées pour le traitement de l’information) des stratégies de gestion des ressources (qui visent à utiliser l’environnement, les ressources humaines, le temps et le matériel de façon optimale pour que le traitement de l’information puisse être réalisé dans les meilleures conditions) des stratégies métacognitives. Les stratégies affectives ne font pas parties de la classification de Parmentier et Romainville qui soulignent par ailleurs le rôle central de la métacognition.

La métacognition dans la littérature émerge d’un croisement de plusieurs courants issus des sciences cognitives. Le courant initié par Flavell (1976), qui travaille sur la mémoire et la métamémoire, celui de Piaget (1974) qui s’intéresse à la prise de conscience notamment à travers le concept de pensée auto-réfléchissante, celui de Vygotsky (1997) dont les travaux portent sur les origines sociales du contrôle cognitif s’inscrivant dans une approche socio-constructiviste et celui de Sternberg (1990) qui s’attache au processus de contrôle dans le traitement de l’information. La métacognition est cependant très largement répandue grâce aux travaux de Flavell (1976). Il la définit sur la base de deux composantes qui seront reprises par la plupart des chercheurs dans le domaine, à savoir « les connaissances conscientes » que l’étudiant possède de ses propres processus cognitifs et « les capacités que cet individu a de délibérément contrôler et planifier ses propres processus cognitifs en vue de la réalisation d’un but ou d’un objectif déterminé » (Gombert, 1990). Ces connaissances

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doivent bien être distinguées des connaissances que le sujet peut avoir par ailleurs du fonctionnement cognitif, de la psychologie… La métacognition fait état de connaissances introspectives qui sont donc mises en œuvre par le sujet sur son propre fonctionnement (Wolfs, 2008).

Noël, Romainville et Wolfs (1995) ont élaboré un modèle décrivant les différentes modalités de fonctionnement des capacités métacognitives à partir de la structure duale des « connaissances métacognitives » et du « contrôle métacognitif ou régulation métacognitive». La métacognition s’applique en trois modalités. Dans un premier cas, c’est l’exercice seul de régulation cognitive qui est mobilisé, sans qu’il n’y ait d’opération de réflexion cognitive. Dans un second cas, c’est à l’inverse la réflexion métacognitive qui prévaut, le sujet construit sa réflexion métacognitive par « l’explicitation », « l’analyse » et « la conceptualisation » de son propre fonctionnement et de l’influence de variables externes qui influence celui-ci. Enfin dans un troisième cas, les deux composantes sont combinées, le sujet met en œuvre à la fois sa réflexion cognitive et ses capacités à contrôler ses activités. La particularité de la métacognition, à la différence de la cognition, est qu’elle se traduit par « des opérations mentales exercées sur des opérations mentales ».

Le modèle soumis par les auteurs permet de caractériser le fonctionnement métacognitif qui produit des apprentissages. Trois traits sont distingués : « un mode » de fonctionnement cognitif, " évaluatif" ou "descriptif", c’est-à-dire que l’apprenant soit décrira ses processus, soit les jugera. « Un type d’activité », qui peut être " l’explicitation" : l’apprenant est alors plutôt dans une description de ses procédures ; ou "l’analyse" où notamment l’apprenant fait des liens entre les procédures qu’il utilise et ses résultats ; ou encore " la conceptualisation", l’apprenant extrait alors des règles plus générales de fonctionnement à partir des analyses particulières qu’il a établies, il peut ensuite les mobiliser pour d’autres situations. Enfin, l’« objet » sur lequel s’exerce la métacognition est le troisième élément. La métacognition, selon les auteurs, peut s’exercer sur le propre fonctionnement cognitif du sujet ou bien sur des variables externes qui influencent ce fonctionnement.

La métacognition, objet d’étude très développé dans la fin des années 1980, est un facteur dont l’impact sur les apprentissages a été démontré. Bien que les difficultés méthodologiques soient grandes dans la mesure et l’observation de la métacognition, son effet ne peut être nié. Wang (1990, cité par Noël et al. 1995) dans sa méta-analyse le qualifie de facteur ayant le plus d’influence positive sur les apprentissages. Sur le niveau universitaire, cette influence est confirmée par Romainville (1993) qui montre que les étudiants ayant le plus de savoirs métacognitifs et particulièrement ceux dont ce savoir est structuré, obtiennent de meilleures performances. La nuance à apporter dans l’effet de la métacognition réside dans la mobilisation de celle-ci. Ainsi, un étudiant peut posséder des capacités métacognitives mais par manque de motivation, par une faible estime de soi ou d’autres facteurs affectifs, être démobilisé dans son apprentissage. La combinaison de facteurs explicatifs de la réussite demeure une clé de compréhension de cette réussite.

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Pour conclure sur les stratégies d’apprentissage, le profil de l’étudiant à succès décrit par Boulet et al. (1996) permet de résumer les stratégies qui semblent efficaces du point de vue des résultats. L’étudiant qui réussit est un étudiant qui travaille de manière structuré, il utilise des « stratégies cognitives d’organisation ». Sur le plan des stratégies affectives, l’étudiant à succès est un étudiant qui maintient son effort dans le temps, c'est-à-dire que plus que l’étudiant qui échoue, il persévère même lorsqu’il rencontre des difficultés liées à son apprentissage ou au contexte d’enseignement. Il donne une place prioritaire à son travail scolaire par rapport aux autres activités, il organise et planifie son travail à la fois en termes de temps mais également d’environnement qu’il privilégiera plus tranquille et propice au travail, plus souvent solitaire. En matière de préparation des examens, l’étudiant à succès, met en place des stratégies qui s’inscrivent dans une structure identique au niveau des stratégies affectives et de gestion des ressources. Il ne se laisse pas déborder par des sentiments négatifs et va s’immerger dans son travail indépendamment de ses problèmes ou d’une moindre appréciation de la discipline ou de l’enseignant. Son environnement de travail, tout comme la planification de son travail, sont contrôlés. Pour la situation d’examen à proprement parlé, l’étudiant à succès adopte une position toujours organisée, il s’assure du temps dont il dispose, de la répartition qu’il peut faire du temps imparti pour traiter les questions, il se donne une vision globale du travail à fournir à travers notamment une lecture préalable de l’ensemble des questions. Par ces dispositions, il vise à mieux gérer son temps et à contrôler le stress de l’examen. Enfin pour un type d’examen où l’étudiant doit composer, celui-ci réalise un plan détaillé avant de procéder à la rédaction. Cet ensemble de caractéristiques sont celles plus fréquemment relevées chez les étudiants à succès. Elles ne garantissent pas pour autant la réussite pour l’étudiant qui mettra en place l’ensemble de ces stratégies et à l’inverse l’étudiant qui n’applique pas l’ensemble de ces stratégies n’est pas voué à l’échec. Il ressort de ces différents travaux (Boulet, Savoie-Zajc et Chevrier, 1996 ; Noël, Romainville et Wolfs 1995 ; Parmentier et Romainville, 1998 ; Wolfs, 2008) que les stratégies varient entre les étudiants et qu’elles n’aboutissent pas aux mêmes résultats : certaines sont plus efficaces en termes de performances. Il ressort également que les stratégies se distinguent par leur nature, cognitive, affective, de gestion des ressources, métacognitive et c’est la maîtrise de l’ensemble et leur bonne utilisation qui mènent certains étudiants au succès quand d’autres rencontrent l’échec. Pour compléter la revue des travaux sur les stratégies affectives et de gestion des ressources, le dernier point que nous allons abordé sur les pratiques des étudiants précise, en termes d’habitudes de travail, comment la gestion du temps influence la réussite.

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