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L’objectif de prise en charge de l’échec se traduit avec la mise en place du PRL par une multiplication des actions développées dan les universités. Étant donné le caractère récent des actions, les évaluations sont encore peu nombreuses, les résultats considérés proviennent principalement des publications du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Education nationale et de la Recherche (IGAENR). La mise en œuvre du PRL peut se décliner selon 5 axes, au sein desquels les actions ont été développées : l’accueil des nouveaux étudiants, le renforcement de l’encadrement pédagogique, le soutien aux étudiants en difficulté et si nécessaire l’aide à la réorientation, la professionnalisation des enseignements et l’engagement dans une démarche qualité (MESR, 2010c).

La première étape du PRL encourageait une pluridisciplinarité pour une spécialisation disciplinaire plus progressive. Il semble que le PRL ait bien permis la construction d’un parcours progressif axé sur le développement de compétences. Les enseignements méthodologiques, en langues et en informatique ont été augmentés. Cependant ces enseignements gardent souvent un caractère non obligatoire et sont proposés sous forme d’options (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010). Le comité de suivi de la licence soulignait déjà en 2005 l’absence d’un tronc commun visible, ce comité réitère ce constat dans le rapport de 2011 (Raby, 2011). Les nouvelles maquettes pour 2012 présentent néanmoins une orientation plus marquée vers des licences pluridisciplinaires, même si cette question du temps de la spécialisation fait toujours débat (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010).

Un effort quant à l’accueil des étudiants a été fourni par les universités. Dès 2010, le MESR relève l’organisation de prérentrées avec des actions visant une appropriation du contexte universitaire. Elles prennent la forme de présentation de l’environnement (université, formation, outils documentaires), d’entretiens individuels, de tests variés sur les compétences (MESR, 2010c). Cette prérentrée est assurée par l’ensemble des établissements mais dans des conditions variées en termes de durée (une demi-journée à 15 jours) et d’actions proposées (Raby, 2011). Le comité de suivi de la licence pointe le fait que les tests à l’entrée à l’université et les entretiens individuels ou en petits groupes restent une pratique assez peu répandue (Raby, 2011). Par ailleurs l’évaluation des compétences se heurte parfois à des réticences de la part des étudiants qui appréhendent ce jugement (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010). Le repérage des étudiants fragiles est un autre pan de l’axe de l’accueil des étudiants. Un ciblage précoce des difficultés permet une prise en charge rapide et, à cet effet, les universités ont organisé des mises à niveau (MESR, 2010c). Une large part des universités pratiquent ce repérage, mais seulement un peu plus de la moitié le font sur l’ensemble des étudiants. Les critères utilisés sont

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divers, allant du type de baccalauréat et des notes au baccalauréat à un entretien avec l’enseignant référent en passant par la prise en compte des avis récoltés pour l’orientation active (Raby, 2011). La considération des étudiants en difficulté, repérés par les tests d’entrée, par des critères prédéfinis ou encore par les contrôles continus, se traduit par le développement de dispositifs de soutien et de parcours spécifiques. Le tutorat est une forme de soutien pédagogique qui est très plébiscitée et son existence préalable au PRL fait de ce dispositif une action très développée (Raby, 2011). Sans revenir sur les objectifs du tutorat et son efficacité, il est relevé que la formation des tuteurs peut poser question, que c’est un dispositif dont les effets sont pas ou peu mesurés et enfin qu’il est trop peu investi par les étudiants (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010). D’autres formes de soutien sont créées, le contrat pédagogique spécifique, des enseignements de soutien, la prise en compte de situations personnelles avec des modalités adaptées pour les assiduités et les examens à ces situations… Les effets de ces dispositifs restent méconnus à ce jour et leur pluralité rend difficilement objectivable leur efficacité. Un autre recours pour les étudiants en difficulté est la réorientation. L’aménagement de passerelle ou de parcours adaptés prévus dans le PRL pour aider à la réorientation a été favorisé ces dernières années (MESR, 2010c ; Raby, 2011) et des ateliers, entretiens, parcours spécifiques ont été réalisés. Pour autant, les réorientations sont peu nombreuses et sont difficiles à quantifier (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010).

Le renforcement pédagogique est un autre élément qui devait être amélioré par la mise en place du PRL et qui vient appuyer la prise en charge des étudiants en difficulté. Ce renforcement se traduit par un encadrement plus personnalisé, à travers notamment le suivi par les enseignants référents qui s’est très largement répandu (MESR, 2010c ; Bétant, Foucault, Peyroux, 2010 ; Raby, 2011). Ce suivi est effectif pendant la première année et est, dans certains cas, prolongé sur les années de L2 et L3. Il faut noter cependant que l’implication des enseignants dans cette mission n’est pas équivalente, à la fois dans le nombre d’étudiants suivis et dans l’engagement qui est plus ou moins actif selon les sites universitaires (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010). Les rédacteurs des différents rapports sont unanimes sur le bénéfice de ce dispositif qui améliore la qualité des relations entre enseignants et étudiants et qui semble diminuer la probabilité de décrochage. Les limites de ce suivi tiennent dans la critique d’un déplacement des méthodes du secondaire vers le supérieur, de la charge de travail supplémentaire qu’il implique et des inégalités qui en découlent pour les composantes moins dotées en ressources humaines. La dernière critique relève du comportement des étudiants, à savoir que les entretiens sont facultatifs et que, par nature, cette liberté génère de l’absentéisme.

L’amélioration de l’encadrement pédagogique était visée dans le PRL à travers la réduction de la taille des groupes des étudiants. Raby (2011) relève qu’un tiers des universités évaluées (69) ont effectivement diminué le nombre d’étudiants par travaux dirigés (TD) dans toutes les disciplines et

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quasiment les deux tiers restants sur une partie des cursus seulement. Le constat n’est pas le même selon les inspecteurs de l’IGAENR (2010) qui rapporte que le dédoublement de TD ou la suppression de cours magistraux (CM) restent minoritaires. Même si la note de l’IGAENR précède le rapport du comité de suivi de la licence, il est difficile de penser que les obstacles soulevés dans cette note, budgétaire, humain, immobilier, ont totalement disparus. Dans le même ordre, la création de cours/TD intégrés est marginale (Raby, 2011).

Dans le but de favoriser une plus grande implication des étudiants et une plus grande présence, le PRL prévoyait une augmentation de 5 heures hebdomadaires supplémentaires par étudiant. Cet objectif n’a pas été atteint (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010) même si le volume horaire global a augmenté (Raby, 2011), c’est surtout du fait de la mise en place de dispositif d’accompagnement. Le développement du contrôle continu rejoint les objectifs de l’augmentation du volume horaire dans la lutte contre l’absentéisme et le décrochage, il permet également un suivi plus individualisé et un investissement plus régulier de l’étudiant. Bétant, Foucault et Peyroux (2010) rapportent que ce type d’évaluation est en forte progression, et avait connu un élan avant l’instauration du PRL. Le contrôle continu rencontre une adhésion assez grande au niveau central des universités mais les applications sont une nouvelle fois très hétérogènes avec des variations fortes selon les composantes dont certaines restent attachées à l’examen final, avancé comme étant plus objectif et moins coûteux en termes organisationnels. L’amélioration de l’assiduité est un bénéfice qui fait consensus sur le contrôle continu. D’autres types d’aménagements pédagogiques ont vu le jour, la méthode la plus développée est l’enseignement en ligne (Raby, 2011) tandis que la pratique des « colles », les examens blancs ou la pédagogie par projet sont moins diffusés.

Un réagencement des cursus dans les contenus pour tendre vers une pré-professionnalisation est aussi engagé (MESR, 2010c). Les stages sont progressivement inclus dans les licences générales, des enseignements visant des compétences additionnelles (informatique, langues) sont proposés (Raby, 2011). On compte également le projet professionnel personnel (PPP) qui s’installe dans le paysage universitaire, mais il « connaît un faible essor » (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010). Le débat quand à la spécialisation progressive et la professionnalisation de formations reste ouvert chez les enseignants. La spécialisation précoce semble plus favorable aux étudiants sûrs de leur choix et qui sont en réussite, alors que les étudiants en difficulté s’accommodent mieux d’un encadrement plus fort et d’un cursus plus général, ce dernier laissant en outre la possibilité d’une réorientation.

Enfin, dans la perspective d’une démarche qualité, l’évaluation des enseignements est entamée, sans toutefois être très développée (Bétant, Foucault, Peyroux, 2010 ; Raby, 2011). Bien que mesurée dans les rapports sur la mise en place du PRL, l’évaluation des enseignements était préalable et engagée avec l’autonomie des universités. Les universités s’appuient principalement sur une évaluation réalisée

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par les étudiants sur des questionnaires en ligne. C’est un domaine qui reste très en marge des préoccupations des enseignants.

A l’issue de l’analyse de ces rapports, il ressort que les universités sont entrées dans une dynamique de prise en charge de l’échec et de lutte contre l’absentéisme et le décrochage, avec cependant des observations récurrentes d’inégalités d’organisation et d’implication des acteurs. La difficulté d’évaluation n’en est que plus grande et à ce stade, l’efficacité du PRL reste à interroger. L’évaluation des effets du PRL est de plus entravée par la difficulté à identifier les crédits alloués spécifiquement au PRL, entre autres en raison de dotations qui étaient attribuées globalement aux universités, qui ont parfois servi à des compensations de carence budgétaire ou encore à financer des modifications ou renforcement d’actions pré-existantes au PRL. Une tentative d’évaluation a été menée à l’université de Bourgogne sur la mesure des effets du PRL par une comparaison de cohortes ayant et n’ayant pas bénéficié des actions du PRL (Morlaix et Perret, 2012). Les effets sont abordés du point de vue de la réussite des étudiants mesurée par la validation ou non de l’année (admis, ajourné, défaillant). L’analyse globale sans distinction de filière ne montre pas d’effet positif pour les étudiants ayant bénéficié du PRL, voire même un effet négatif. Seuls les bacheliers technologiques ou professionnels semblent être moins ajournés ou défaillants. Le constat établi par l’analyse détaillée des filières est que la probabilité d’échec s’accroit au fil des années qui passent, sans qu’un lien de cause à effet ne soit démontré entre la mise en place du PRL et ces échecs, mais il n’existe pas d’amélioration visible pour les cohortes ayant participé aux actions du PRL.

Le manque de recul sur la mise en place du PRL ne permet pas de faire ressortir d’effet probant des actions implantées. Des changements sont en cours quant à l’organisation des cursus et la prise en charge des étudiants en difficulté. Les dispositifs plus anciens pour leur part, bien que bénéfiques aux dires des acteurs et renforcés par le PRL, ne permettent pas non plus de dégager des effets très nets quant à leur efficacité. Comment, au vu de ces résultats, peut-on envisager la lutte contre l’échec, et quels sont les déterminants de ces échecs ? Dégager très précisément ces déterminants et comprendre les processus menant vers l’échec sont un préliminaire nécessaire à l’amélioration des remédiations proposées dans l’enseignement supérieur. Nous allons développer dans le chapitre à venir les facteurs dont on connaît déjà l’impact et s’interroger pour certains d’entre eux sur leur caractère modifiable. Nous poursuivrons en nous attachant plus spécialement à deux facteurs qui sont l’objet de cette recherche, les capacités cognitives et la motivation.

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CHAPITRE III.

LES DÉTERMINANTS DE LA RÉUSSITE EN PREMIÈRE ANNÉE À