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APPROCHE DES CAPACITÉS COGNITIVES ET DE LEUR RÔLE DANS LES APPRENTISSAGES

I.2. L’étude de la mémoire en psychologie cognitive

I.2.5. La mémoire à long terme (MLT)

I.2.5.1 Propriétés et fonctionnement de la MLT

La MLT est caractérisée par sa capacité et sa durée de stockage potentiellement illimitées. Le stockage peut varier de quelques heures à plusieurs années. Ainsi, il est possible de récupérer, plusieurs années après, un même souvenir sans avoir besoin de le réactualiser pendant cette longue durée. La récupération consiste alors à restituer de façon plus ou moins littérale des informations perceptives qui ont été antérieurement transformées en représentations mnésiques. Certains auteurs postulent que le stockage est définitif à l’exception de l’apparition de pathologies, les oublis seraient le résultat de difficultés de récupération ou d’interférences (confusion entre souvenirs) (Rossi, 2005).

La constitution des contenus de la MLT s’opère par un passage de l’information entre la MCT et la MLT qui s’effectue non pas comme un transfert mais comme une copie. Le premier processus mis en évidence, qui régit le stockage de l’information est la répétition. Un lien a ensuite été établi entre la MLT et la profondeur de traitement, d’élaboration de l’information (Craik et Lockhart, 1972). Ces auteurs abordent en effet la mémoire avec une nouvelle conception quant à son fonctionnement. Ils postulent que toutes les informations ne sont pas traitées de manière identique, à savoir que le traitement peut être « superficiel », c'est-à-dire que ce sont les « caractéristiques physiques » qui priment, telles que le son des mots par exemple. Le traitement peut être à l’inverse « profond », ce sont alors les « caractéristiques sémantiques » qui dominent. L’apport de cette conception repose sur l’importance de la profondeur du traitement et remet en cause l’importance de la répétition dans les performances. Un traitement plus profond entraîne une meilleure mémorisation quel que soit le nombre de répétitions. Des résultats empiriques confirment cette hypothèse. Il est aujourd’hui considéré que lorsqu’une activité de mémorisation est volontaire, comme dans le cas des

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apprentissages, l’individu doit nécessairement, pour stocker les informations en MLT avoir recours soit à la répétition, soit à un traitement profond (Lemaire, 1999).

Il est possible de distinguer des éléments stockés en MCT de ceux stockés en MLT grâce aux effets de primauté ou pré-récence et de récence. L’effet de primauté est un indicateur de la MLT quand l’effet de récence est celui de la MCT. En effet, dans le rappel d’une liste de mots, les premiers mots perçus (effet de primauté) et les derniers mots (effet de récence) sont les mieux retenus, les mots en milieu de liste le sont moins bien. Les premiers mots sont mieux retenus car ils sont stockés en MLT et les derniers mots sont mieux retenus parce qu’ils sont stockés en MCT.

I.2.5.2. Les différents systèmes mnésiques de la MLT

La mémoire à long terme qualifiée de mémoire permanente, est elle-même composée d’un ensemble de mémoires. La première distinction qui a été établie dans la MLT correspond à la séparation de la mémoire déclarative et non déclarative. Cette dichotomisation opérée dès les années 1970 est probablement celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de recherches dans les classifications des mémoires. Ces deux formes de mémoires sont aussi appelées explicite et implicite (Graf et Schacter, 1985). La mémoire explicite concerne les situations dans lesquelles le sujet est amené à récupérer consciemment ou volontairement une information particulière tandis que la mémoire implicite concerne les situations dans lesquelles la mémoire du sujet se révèle être une facilitation de la performance qui ne requiert pas la récupération consciente ou volontaire d’une information. Dans la vie quotidienne, les individus font largement appel à leur mémoire implicite, la recherche d’information en MLT est rare. Cette mémoire est associée à un apprentissage « incident », alors que la mémoire explicite résulte d’un apprentissage intentionnel (Dienes et Berry, 1997, cités par Lemaire, 1999).

La mémoire déclarative ou explicite concerne donc des représentations de faits ou d’événements qui sont accessibles à une récupération consciente et verbalisable. Cette mémoire déclarative a été elle-même découpée en différentes mémoires. Tulving (1992) a opposé mémoire sémantique et mémoire épisodique. La mémoire sémantique correspond à celle des connaissances factuelles et des concepts qui ne contiennent aucune référence explicite au contexte dans lequel ils ont été initialement appris. Elle contient les connaissances générales qui sont communes aux individus. Ses limites restent encore floues, dans sa conception restreinte elle comprend « un dictionnaire » des lexèmes12, certains auteurs y ajoutent les schémas de connaissances (Baddeley, 1993). Elle inclut notamment les connaissances scolaires, académiques (ex : Paris est la capitale de la France). Elle est fortement sollicitée à l’école, même si elle préexiste à la scolarisation. La dimension verbale est particulièrement importante en

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raison de la transmission verbale qui est privilégiée à l’école, elle n’est toutefois pas limitée aux connaissances qui passent par le langage (Fayol et Gaonac’h, 2007). Les connaissances sémantiques sont peu influencées par le contexte, elles ne gardent pas les conditions de mémorisation, elles ont un caractère abstrait. La mémoire sémantique serait le noyau le plus important de la mémoire à long terme (Rossi, 2005).

La mémoire épisodique quant à elle encode les éléments personnellement vécus qui peuvent être situés dans un contexte spatial et temporel spécifique. Elle stocke les évènements autobiographiques avec les contextes et les émotions qui leur sont rattachés. Elle permet aussi leur récupération, celle-ci étant facilitée dans des situations où les conditions sont semblables au contexte d’encodage (Tulving et Thomson, 1973, cités par Fayol et Gaonac’h, 2007). Il est à noter que la date du souvenir reste plus ou moins précise. A ce titre, une distinction récente est opérée par Conway (2002, cité par Rossi, 2005) qui différencie la mémoire épisodique de la mémoire autobiographique. Elle est basée sur la notion de durée de stockage. Les évènements vécus seraient stockés dans un premier temps pendant quelques minutes ou quelques heures en mémoire épisodique pour être ensuite transférés en mémoire autobiographique, mémoire qui stockerait les « souvenirs ».

Enfin une dernière distinction existe, qui oppose la mémoire déclarative et la mémoire procédurale. Contrairement à la mémoire déclarative, la mémoire procédurale concerne les représentations d’aptitudes cognitives et motrices qui ne peuvent être consciemment évoquées et qui sont difficilement verbalisables. Elle regroupe les savoir-faire perseptivo-moteurs et cognitifs (par exemple conduire une voiture ou comment se servir d’un logiciel). Elle contient des procédures mentales automatisées dont les individus n’ont pas conscience, ne nécessitant pas par conséquent d’attention, qui ont fait l’objet d’un apprentissage antérieur. Ces programmes moteurs ou cognitifs n’ont pas forcément été verbalisés avant d’avoir été stockés. L’équilibre en jeu pour faire du vélo n’est pas verbalisé dans la pratique. Du point de vue des programmes cognitifs, le constat est le même, l’individu ne verbalise pas comment il fait pour comprendre un texte par exemple.

Le traitement de l’information, dont il vient d’être développé schématiquement le processus, de l’entrée de l’information par le registre sensoriel au stockage en mémoire à long terme en passant par le traitement et la régulation des informations en mémoire de travail constitue un paradigme chez les psychologues cognitivistes. Ce paradigme permet d’expliquer les apprentissages et particulièrement le rôle de l’apprenant dans ses apprentissages. Les psychologues cognitivistes se sont également intéressés à la définition de l’intelligence et de ses processus caractéristiques, qui ne sont pas indépendants des mémoires.

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I.3. Appréhender l’intelligence