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LES DÉTERMINANTS DE LA RÉUSSITE EN PREMIÈRE ANNÉE À L’UNIVERSITÉ

I.2. Le genre a-t-il une influence ?

Les différences de réussite selon le genre sont marquées dès le primaire avec un avantage pour les filles (Baudelot et Establet, 1992 ; Caille et Vallet, 1996 ; Duru-Bellat, 2004) et toujours dans le secondaire, même si les écarts sont moins nets. Les variations selon le genre dans le secondaire interviennent principalement dans les choix des filières avec une plus faible présence des filles dans la série scientifique entres autres alors qu’elles sont très majoritaires en série littéraire (Caille, Lemaire, Vrolant, 2002). Les baccalauréats technologiques sont encore plus sexués, avec une féminisation des sections tertiaires, les garçons pour leur part étant massivement présents dans les sciences et techniques industrielles. L’avantage qu’ont les filles en primaire ne leur octroie pas un bénéfice majeur dans leur orientation puisqu’elles ne sont pas plus présentes dans les filières plus élitistes. Par répercussion, les orientations dans l’enseignement supérieur montrent des divergences selon le genre. Parmi les filières marquées en termes de genre, les lettres, les langues, la psychologie et les filières paramédicales et du travail social sont féminisées, et à l’inverse, les filières de technologie industrielle et les sciences de façon plus relative sont clairement masculines (Convert, 2008). Il reste au demeurant d’autres filières plus mixtes, la question qui se pose est de savoir s’il existe une différence de réussite liée au sexe persistante dans l’enseignement supérieur.

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Selon les considérations de mesure de la réussite, les résultats divergent quelque peu. Il semble qu’à caractéristiques comparables, notamment scolaires, le genre ne fasse pas de différence sur la réussite en première année (Duru-Bellat, 1995). Les filles obtiennent cependant plus fréquemment leur DEUG en deux ans (41% versus 29%) : les garçons sont donc plus nombreux à redoubler, ils optent également plus souvent pour une réorientation ou l’abandon de leurs études (Lemaire, 2000). Mais ces données brutes sont en partie le reflet du passé scolaire, le parcours des garçons étant plus souvent ponctué d’un redoublement. Or les élèves à l’heure réalisent un meilleur parcours dans le supérieur. En partie seulement car une comparaison selon le genre de bacheliers généraux à l’heure reste bénéficiaire aux filles (55% versus 43%) (Lemaire, 2000). Michaut (2012) considère que les écarts de réussite selon le genre sont importants, mais il met en garde contre une conclusion trop hâtive qui porterait à se limiter à une interprétation uniquement sexuée de ces écarts. Ces différences de réussite seraient dépendantes des pratiques étudiantes des filles. Elles sont plus assidues, s’octroient moins de loisirs et c’est par leurs pratiques plus studieuses qu’elles réaliseraient de meilleures performances que les garçons (Frickey et Primon, 2002 ; Galland, 2011 ; Gruel et Thiphaine, 2004a ; Lahire, 1997).

Au vu de ces travaux, il ressort que le genre fait une différence, mais que ce n’est pas dans une dimension biologique qui déterminerait que tel sexe a une réussite supérieure dans les études. L’effet du genre tiendrait plutôt dans des considérations qui sont le reflet de modalités différentielles de socialisation (Duru-Bellat, 2004). D’autres motifs peuvent être évoqués, tels que les valeurs associées au métier : rémunérations, prestige, emploi du temps, relations affectives, sécurité (Grignon et Gruel, 1999). Le principal effet différenciateur du genre se répercute de façon plus prononcée sur les parcours que sur la réussite en tant que telle. Pour l’origine sociale, elle influe également sur les orientations, les parcours. Les inégalités en termes d’accès aux différentes filières sont consensuelles. Même si l’impact du milieu social sur la réussite est plus discuté, son poids est fortement atténué au fil du parcours scolaire de l’individu pour n’être au final que peu perceptible dans l’enseignement supérieur : les caractéristiques scolaires deviennent un facteur plus certain dans la prédiction de la réussite. Nous allons à présent voir dans quelle mesure.

II.L

E PASSE SCOLAIRE

L’influence des caractéristiques scolaires des étudiants est plus prégnante que les caractéristiques socio-démographiques sur la réussite universitaire, ce sont les caractéristiques les plus déterminantes de la réussite en première année universitaire (Michaut, 2000 ; Romainville, 2000 ; Morlaix et Suchaut 2012). Ces caractéristiques scolaires sont constituées par des indicateurs tels que le retard scolaire (nombre de redoublements), la série du baccalauréat obtenu ou encore la mention au baccalauréat. Le passé scolaire exerce un impact direct sur le choix des filières dans le supérieur, certains secteurs étant

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réservés à certaines séries du baccalauréat par la proximité des disciplines. Le passé scolaire, à travers la hiérarchie des séries du baccalauréat, offre aux bacheliers de la série S, plus élitiste, un choix plus ouvert de possibles, notamment dans le secteur sélectif ou en médecine (Michaut, 2012). Les bacheliers scientifiques à l’heure et avec mention sont beaucoup plus présents dans les CPGE ou en médecine que dans les STS, les IUT ou en lettres et sciences humaines où ils se font plus rares (Albouy et Wanecq, 2003 ; Convert, 2008 ; Duru-Bellat et Kieffer, 2008 ; Erlich et Verley, 2010). La hiérarchisation des filières de l’enseignement supérieur et le tri scolaire et social effectué par les plus élitistes fait l’unanimité (cf. chapitre I., II.2.) ainsi que la dépendance de l’orientation universitaire des trajectoires scolaires dans le secondaire (Beaupère et al., 2007 ; Blöss et Erlich, 2000 ; Dubois et Raulin, 1997). Un passé scolaire brillant permet d’accéder à des écoles ou filières élitistes, en quoi est-il également garant d’une meest-illeure réussite ?

L’obtention de la licence en trois ans signale un parcours réussi dans le premier cycle de l’enseignement supérieur. Parmi les bacheliers de 2002, la moitié de ceux qui étaient à l’heure ou en avance au baccalauréat a validé sa licence en trois ans quand seulement un tiers de ceux ayant eu le baccalauréat en retard l’ont obtenu en trois ans (Dethare et Lemaire, 2008). Ce constat est stable dans le temps, déjà en 1998, 51% des bacheliers généraux ayant eu leur baccalauréat à l’heure ou en avance obtenait leur DEUG en deux ans pour 29% des bacheliers généraux présentant un retard au baccalauréat (Lemaire, 2000). Le retard scolaire, distinguant les étudiants ayant déjà été confrontés à des difficultés dans le primaire ou le secondaire, signale un handicap quant à une réussite sans écueil de la licence. Le redoublement qui a lieu dans le secondaire a donc un effet négatif sur la réussite (Beaupère, 2007 ; Duru-Bellat, 1995). Par exemple, un étudiant en droit qui a redoublé au moins une fois diminue d’un peu plus de 4 points sa note en juin de L1 (Duru-Bellat, 1995). Le redoublement n’impacte pas que la réussite mais aussi les parcours, un redoublement dans le secondaire triplerait les risques de sortir sans diplôme de l’enseignement supérieur (Gury, 2007). L’effet du redoublement n’est cependant pas le même selon le moment auquel il se produit. Dans le secondaire, son impact est négatif, et c’est bien l’effet du « passé scolaire » qui est en jeu. A l’inverse, un redoublement qui a lieu en première année universitaire constitue un avantage pour l’étudiant qui s’est familiarisé avec le fonctionnement universitaire : il a entamé son apprentissage du métier d’étudiant, en a perçu les difficultés (Romainville, 2000). Duru-Bellat (1995) mesure un avantage de 13 points sur la note finale de L1 pour un étudiant de droit ayant redoublé dans la filière et de 9 points pour un étudiant réorienté par rapport à un néo-bachelier. La réorientation assure un avantage à l’étudiant par la proximité des contenus enseignés (Michaut, 2000).

La série du baccalauréat, outre la détermination qu’elle implique dans les filières universitaires, est un indicateur d’une meilleure probabilité de réussite. 7% seulement des bacheliers professionnels et 15% des bacheliers technologiques ont validé leur licence en trois ans alors que c’est le cas de 45% des bacheliers généraux (Dethare et Lemaire, 2008). Le cas des bacheliers technologiques semble

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connaître une amélioration de réussite, ils n’étaient en effet que 7% à obtenir leur DEUG en deux ans 10 ans plus tôt, les bacheliers généraux le réussissant en deux ans pour 43% d’entre eux (Lemaire, 2000). Les bacheliers professionnels actuels, peu nombreux auparavant, connaissent la situation des bacheliers technologiques d’il y a 10 ans. Une réussite linéaire sans entrave est observée de façon d’autant plus nette que les étudiants avaient obtenu une mention au baccalauréat et plus la mention au baccalauréat est élevée, plus les chances de réussite de l’étudiant augmentent (Michaut, 2000). Les bacheliers généraux avec mention décrochent pour 69% une licence en trois ans alors que ceux n’ayant pas de mention sont moitié moins (35%) (Dethare et Lemaire, 2008). Si la mention obtenue est « très bien », l’étudiant a trois fois plus de chances de valider sa première année par rapport à celui qui a obtenu une mention « passable » (Gruel, 2002). Tout comme les séries du baccalauréat régissent en partie la réussite de la licence en trois ans, elles déterminent aussi la probabilité de réussite aux examens, mesurée par les notes aux partiels : « la note obtenue au baccalauréat est associée significativement à la probabilité de réussir en première année » (Duru-Bellat, 1995).

Les différences de caractéristiques scolaires montrent très rapidement un effet sur les parcours. Le passage en deuxième année est fortement dépendant de la série du baccalauréat et du retard scolaire. Les bacheliers généraux parviennent beaucoup plus fréquemment, et pour une large majorité à passer en deuxième année, ils sont seulement 20% chez les bacheliers technologiques et 10% chez les bacheliers professionnels à franchir ce cap (Dethare et Lemaire, 2008). Les bacheliers généraux possédant une mention sont ceux pour qui le passage en deuxième année est le plus probable. Par ailleurs, le devenir de ceux qui n’entrent pas en deuxième année diffère là aussi selon la série du baccalauréat. Les bacheliers généraux vont principalement redoubler ou se réorienter. Les bacheliers technologiques vont également redoubler ou se réorienter mais 16% d’entre eux vont abandonner les études. Cette tendance est encore plus marquée chez les bacheliers professionnels qui sont 29%, soit près d’un tiers à stopper leurs études à l’issue de la première année, la part d’abandons chez les bacheliers professionnels étant supérieure à la part de réorientation.

Le passé scolaire conditionne la réussite des étudiants et leurs parcours. Il faut noter cependant que son effet n’est pas homogène dans toutes les filières. Sur la génération des bacheliers de 1996, un écart de 36 points séparait les bacheliers généraux des bacheliers technologiques sur la réussite du DEUG en deux ans. Cet écart n’est « que » de 18 points pour l’obtention du DUT en deux ans et de 20 points pour l’obtention d’un BTS en deux ans (Lemaire, 2000). Cette comparaison est à prendre avec précaution sachant que les IUT et les STS sont des filières soumises à une sélection d’entrée, les bacheliers technologiques et professionnels y accédant sont a priori meilleurs que ceux entrants à l’université, l’université étant plutôt un choix par défaut (Michaut, 2012). Par ailleurs, le passé scolaire est moins déterminant dans les filières dont les disciplines sont nouvelles par rapport aux enseignements du secondaire (Romainville, 2000).

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III.L

E CONTEXTE D

APPRENTISSAGE ET D

ENSEIGNEMENT