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Afin de définir le contexte empirique de cette recherche, nous allons présenter les notions méthodologiques sous-jacentes. Nous préciserons à cette fin quelques points de méthodologie, avant d’aborder la démarche de recherche, et le cadre analytique retenu, pour terminer sur la présentation des instruments et de l’échantillon.

I .Q

UELQUES ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

Cette recherche repose sur plusieurs principes sous-tendant la méthodologie utilisée, nous allons les développer.

I.1. Principes mobilisés

Certains principes doivent ici être rappelés pour cadrer la démarche adoptée, en vue d’opérer une recherche rigoureuse sur un objet complexe. En effet, le fonctionnement du système scolaire est difficile à appréhender, dans le sens où plusieurs acteurs entrent en jeu dans le processus d’apprentissage et de transmission des savoirs et divers facteurs exercent une influence sur la réussite des élèves. Les principes retenus et présentés ici permettent de poser de manière transparente le cadre de recherche adopté et les raisons qui ont guidé le choix des outils et des analyses.

Un des premiers éléments qui caractérise la démarche du chercheur est l’implication de son travail scientifique dans une démarche positive. L’inscription dans une approche positive relève de la volonté d’objectivité en travaillant à partir des faits, à l’inverse de l’approche normative qui relève d’une

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conception idéologique en définissant ce qui devrait être. L’élaboration d’hypothèses qui seront confrontées à l’épreuve des faits inscrit cette recherche dans une perspective positive et par là même dans une démarche empirique où une analyse des éléments factuels recueillis mesurera la validité des hypothèses.

Le choix d’une approche positive implique de se baser sur le fonctionnement révélé et non exprimé. En effet, bien que les acteurs soient au cœur du système éducatif, et qu’ils connaissent le fonctionnement de celui-ci, cette position les place dans une vision subjective. La volonté d’objectivité et de transparence dans l’analyse nous amène à nous référer à des faits et à opter pour un fonctionnement révélé, de manière à ce que les résultats fassent apparaître le fonctionnement. La recherche, à travers l’analyse des résultats des étudiants, de leurs caractéristiques intrinsèques, permettra d’évaluer l’efficacité de la première année d’étude universitaire. L’objectif visant également à comprendre la réussite à travers les méthodes de travail des étudiants, leurs stratégies et leurs difficultés, le fonctionnement exprimé n’est pas totalement exclu de la démarche. Ces dimensions plus qualitatives seront en effet appréhendées par l’expression des acteurs. A cette fin, une partie du matériau est recueillie auprès des usagers, à savoir les étudiants, afin de mettre au jour les tenants plus qualitatifs de la réussite. La prise en compte de l’opinion des acteurs, de l’expression de leur ressenti est complémentaire aux résultats plus quantitatifs et permet de confirmer des tendances ou d’explorer des pistes explicatives des phénomènes observés. C’est par la mise en correspondance des caractéristiques des étudiants, de leurs capacités cognitives mais aussi de leurs pratiques que les analyses seront menées.

Une autre distinction doit être apportée entre l’approche externe et l’approche interne. L’approche interne, basée principalement sur la vision des acteurs, repose sur l’observation du fonctionnement de l’institution. C’est par la description de ce fonctionnement et les possibilités d’amélioration que l’approche interne est menée. La part de subjectivité, relative au vécu des acteurs notamment, est partie intégrante de cette approche (Suchaut, 2008). L’approche externe, quant à elle, permet un regard extérieur qui implique la mesure des effets produits par le système étudié. En ce sens, elle vise à dégager l’impact du fonctionnement du système éducatif ou de l’instance analysée sur la production du système scolaire, habituellement la réussite des élèves à travers la mesure des acquis scolaires. Elle est un principe souvent retenu dans l’évaluation de l’efficacité de dispositifs ou de politiques éducatives. Elle nécessite une rigueur et une objectivité permise par l’analyse d’éléments factuels (Vial, 1997). Ce travail de recherche, en ayant une visée d’objectivation de la réussite des étudiants de première année à travers l’analyse de leurs résultats académiques et de leurs caractéristiques observables, sera mené avec une approche externe.

Enfin, la recherche présentée adopte une démarche comparative. L’approche monographique, plus approfondie, place les acteurs au centre de la recherche en se basant sur leur récit. Elle limite cependant le chercheur à l’opinion de l’acteur. C’est pourquoi une posture comparative est privilégiée

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de façon à ce que les causes d’un phénomène puissent être observées. C’est à l’échelle de l’individu que se place la notion de comparaison. Les étudiants, à caractéristiques données ne parviennent pas tous à la même réussite et c’est par comparaison d’étudiants semblables, sauf sur certaines variables cibles, que l’analyse permettra de révéler quels sont les facteurs qui influent sur la variabilité des résultats.

La définition de ces principes, le positionnement sur une approche positive et externe, à partir d’un fonctionnement révélé et dans une posture comparative implique que cette recherche soit de nature quantitative. L’utilisation de méthodes quantitatives et de modélisations sera privilégiée. Dans cette perspective, la simplification des faits est nécessaire et doit s’accompagner d’une rigueur dans les analyses développées. Ces exigences sont impératives dans la mesure où de multiples interactions et liaisons existent entre les variables impliquées dans la recherche sur le système éducatif. La production d’analyses robustes ne peut se faire qu’en respectant ces conditions.

L’objet d’étude que constitue la réussite des étudiants et la compréhension des facteurs qui la sous-tendent, nécessite de prendre en compte certaines difficultés conceptuelles et méthodologiques. Les nombreux travaux portant sur la réussite scolaire ont déjà mis en avant l’effet de différents facteurs tels que l’origine sociale ou encore le genre (e.g. Baudelot et Establet, 1991). Ces facteurs ne jouent pas indépendamment les uns des autres et c’est pourquoi il est nécessaire dans l’analyse de vérifier et de contrôler dans quelle mesure ces facteurs interagissent. Deux méthodes, la régression, linéaire et logistique, et l’analyse en pistes causales, seront utilisées dans cette recherche pour comprendre les interactions et les articulations des facteurs de réussite, méthodes que nous allons resituer dans leurs paradigmes réciproques.

I.2. Positionnement théorique

La notion de paradigme apparaît dans les années 1930 quand une distinction commence à être opérée entre le paradigme du conditionnement classique de Pavlov et le conditionnement opérant de Skinner (Gage, 1986). Le paradigme de recherche, défini par Kuhn (1970), indique l’ensemble des concepts, des habitudes et des croyances qui dominent l’activité de la communauté scientifique dans un secteur de recherche, à une période donnée. Ce cadre implicite est « un ensemble intégré de concepts fondamentaux, de variables et de problèmes liés à des approches méthodologiques et des outils correspondants » (Gage, 1986). Le positionnement au sein d’un paradigme permet de s’inscrire dans une tradition de recherche, mais un paradigme ne peut à lui seul rendre compte de tous les phénomènes observables. Une rupture dans la conceptualisation d’un phénomène peut s’avérer nécessaire. C’est la raison pour laquelle deux paradigmes seront mobilisés dans cette recherche afin d’étendre les perspectives d’interprétation possibles des résultats.

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I.2.1. Le paradigme du processus-produit

La première partie de cette recherche est basée sur le paradigme du processus produit, souvent utilisé en sciences de l’éducation, et plus particulièrement en économie de l’éducation. Il est à la base d’une majeure partie des travaux sur l’efficacité de l’enseignement et repose sur l’analyse des liens entre le comportement des enseignants (processus) et les résultats d’apprentissage (produit). La place de l’enseignant y est primordiale dans le sens où l’enseignant est envisagé comme étant le facteur principal de l’apprentissage des élèves. Les travaux inscrits dans cette perspective de recherche sont principalement des études corrélationnelles dans lesquelles il est postulé que les pratiques pédagogiques influent sur les acquisitions des élèves. La réciproque n’est pas envisagée bien que la relation de causalité ne soit pas démontrée et le focus mis sur les comportements de l’enseignant tend à simplifier la vision de la causalité des phénomènes de la classe (Doyle, 1986). Deux limites en découlent. La première tient dans la définition des variables, ici le comportement de l’enseignant, qui restreint le processus d’enseignement à cette mesure des comportements. Or, ils ne sont qu’une partie des interactions qui peuvent être observées dans la classe (Ryans, 1963 ; Smith, 1960 ; Snow, 1968 ; cités par Doyle, 1986). La seconde limite tient à la question du sens des effets, la cause est en effet attribuée aux comportements des enseignants alors que ces derniers pourraient être au contraire une conséquence des résultats des élèves. Les pratiques dépendraient alors des performances des élèves. Il a en effet été établi que « des comportements d’élèves peuvent susciter certains comportements chez leurs maîtres » (Doyle, 1986). La définition des facteurs pris en compte a évolué dans les recherches plus récentes du paradigme processus-produit et la mesure des données a été affinée. Cet élargissement de paradigme s’est traduit par une prise en compte de nouvelles variables de processus, telles que par exemple le type d’activités ou le rythme de travail. Par ailleurs des variables contextuelles ont été ajoutées dans le modèle, qui produisent des effets significatifs, il peut s’agir entre autres des caractéristiques des élèves, de la taille de la classe, du niveau initial dans la discipline… Le schéma qui suit (schéma 1) résume le principe du paradigme.

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Schéma 1 : Le paradigme du processus produit (Gage, 1986)

Une difficulté majeure intervient dans la mesure d’un phénomène social, du fait que les variables explicatives sont fréquemment liées statistiquement. Elles sont liées car la production scolaire n’est pas le résultat d’un facteur unique, mais de multiples, dont l’action est conjointe. On compte par exemple parmi les facteurs dont l’influence est démontrée, ceux liés à l’environnement familial, en termes d’origine sociale, de distance à la culture scolaire (Bourdieu et Passeron, 1964), de distance du langage parlé avec celui de l’école (Bernstein, 1975). Ces éléments sont eux-mêmes liés à d’autres variables potentiellement actives sur le niveau d’acquisition scolaire, telles que la taille de la fratrie, la nationalité, le genre, etc. S’ajoutent à cette variabilité de situations personnelles et familiales, les caractéristiques des établissements scolaires et des enseignants. La composition sociale de l’établissement, sa localisation géographique entraînent des variations dans les résultats des élèves (Cousin, 1993 ; Duru-Bellat et Mingat, 1988 ; Duru-Bellat et Van Zanten, 2006 ; Trancart, 1998). De même, les pratiques pédagogiques, les caractéristiques personnelles des enseignants, leur formation sont autant de facteurs qui agissent sur les acquisitions des élèves (Bressoux, 1994, 1996 ; Mingat, 1984, 1991a).

Si l’on observe les différences globales d’acquisitions, il est impossible de distinguer la part qui est liée aux caractéristiques de l’élève de celle qui est liée aux caractéristiques de l’établissement par exemple. Une interprétation faite sans considération des liens statistiques entre variables pourrait amener à conclure trop rapidement par exemple qu’une fratrie nombreuse impacte négativement la réussite, sans tenir compte du fait que ces fratries sont plus fréquemment observées dans les milieux défavorisés et que l’influence de l’origine sociale n’est pas contrôlée. L’objectif in fine est d’évaluer le poids respectif de chacun des facteurs dans sa contribution à la production scolaire. Ce but implique de séparer les effets liés des variables explicatives. C’est pourquoi, l’utilisation de modèles multivariés est privilégiée dans l’analyse, ces derniers permettant de considérer plusieurs variables conjointement et de séparer leurs effets pour obtenir un effet net de chaque variable analysée.

Variable de produit (rendement) Variables de processus (enseignement) Variables contextuelles Variables de présage

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I.2.1.1. Le modèle multivarié

Le modèle multivarié permet d’obtenir trois informations. La première est de savoir si les variables, dont on postule qu’elles ont un effet, jouent effectivement sur la variable à expliquer. Ce résultat est déterminé par l’existence de relations statistiques significatives. Cette significativité permettra de classer les facteurs dans le sens où plus la significativité d’une variable sera grande, plus on pourra avoir confiance dans le rôle effectif de cette variable sur la variable à expliquer. La deuxième information est la mesure du poids de chaque variable sur la variable à expliquer. En effet, le modèle attribuera à chaque variable explicative un coefficient dont la valeur représente le poids de son impact sur la variable à expliquer. Ce coefficient ne sera considéré que s’il est établi au préalable que son impact est significatif. L’interprétation de ce coefficient dépend de la nature de la variable explicative (cf. encadré 1).