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Le soutien psychosocial des proches dans les morts hâtées médicalement

Chapitre 2 : La recension des écrits

5. Le soutien psychosocial des proches dans les morts hâtées médicalement

son importance ou soulèvent le besoin de support des proches, tandis que d’autres s’interrogent sur la façon dont les travailleuses sociales interviennent avec les personnes désirant recourir à ce choix de fin de vie. Éga- lement, certains écrits se concentrent sur l’accompagnement offert par les médecins.

Arnold, Artin, Person, et Griffith (2004) ont interrogé 73 travailleuses sociales américaines occupant un poste à l’hôpital, afin de savoir qu’elle était leur façon d’intervenir avec les personnes en fin de vie et leurs proches, dans les cas où une mort hâtée médicalement était envisagée. Dans l’étude d’Arnold et ses collaborateurs (2004), il n’est pas question d’euthanasie ou de suicide assisté à proprement parler, mais plutôt d’un arrêt de traitements vitaux pour la personne et pouvant par le fait même hâter son décès. De plus, il est important de spécifier que cette étude a été réalisée dans un contexte où la plus grande organisation de travailleuses sociales aux États- Unis, le National Association of Social Workers (NASW), évoquait que toute participation de ces professionnelles dans une mort hâtée est inappropriée lorsqu’elles exercent leur rôle. Les conclusions mentionnent que les tra- vailleuses sociales utilisaient principalement des approches classiques du travail social, telles que l’intervention individuelle (counseling) et l’intervention de crise, pour prévenir les arrêts de traitements chez les personnes en fin de vie. Ces interventions avaient pour but d’améliorer le fonctionnement social des personnes en fin de vie, de réduire leurs idées suicidaires, d’assurer la sécurité de cette personne et de ses proches, de contrôler la douleur et les symptômes, d’augmenter le support du réseau social et de dégager les travailleuses sociales de quelconque sentiment de responsabilité si la personne choisie tout de même de procéder à un arrêt de traite- ment, en dépit des interventions réalisées (Arnold et coll., 2004).

De son côté, selon l’étude américaine sur le suicide assisté de Beder (1998), trois scénarios peuvent compliquer le deuil des proches: 1) La religion comme source de conflit puisque le suicide est perçu par plusieurs comme un péché, 2) Le désaccord envers le choix de la personne et les conflits non résolus engendrés par le choix et 3) Les proches sont réfractaires au choix, mais acceptent finalement et se sentent coupables de ressentir un certain soulagement. Ainsi Beder (1998) identifie des pistes d’intervention à explorer avec les proches après le décès, à l’attention des travailleuses sociales, des infirmières et des professionnels de la santé mentale. L’auteur

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y nomme plusieurs thématiques : la honte, la colère, la culpabilité, le sentiment d’abandon, le sentiment de rejet, les questions existentielles du « pourquoi? » (Worden, 1982, cité dans Beder, 1998) et les tâches non terminées envers ou avec le proche décédé (Rando, 1993, cité dans Beder, 1998).

Selon l’étude américaine de Back et son équipe (2002), portant sur 35 cas de suicides assistés, dont 30 réalisés en contexte illégal, l’ouverture des médecins envers le suicide assisté, l’habileté du médecin à parler du proces- sus de la mort (incluant les habilités de communication, les attentes raisonnables, la gestion de la douleur et le savoir sur les médicaments potentiellement létaux) et le maintien de la relation médecin-patient même s’ils n’étaient pas du même avis sur le sujet, ont été des facteurs mentionnés comme importants et aidants par les proches dans cette recherche. Ce qui rejoint également les propos de Dees et son équipe (2012) en contexte de suicide assisté et d’euthanasie, concernant l’importance de la construction d’une relation avec le médecin empreinte d’ouverture où la personne demandant ce soin et ses proches pourra discuter librement. De surcroît, Dees et son équipe (2012) mentionnent que les personnes impliquées dans ce type de décès doivent être informées des détails liés aux préparatifs et à la procédure. Finalement ces auteurs tout comme énoncent qu’un suivi après le soin de fin de vie doit être également assurer.

E ce sens, selon l’étude américaine de Starks et ses collaborateurs (2007), ayant utilisés le même échantillon que l’étude de Back et son équipe (2002), émettent des recommandations et mentionnent que « les cliniciens doivent prendre en considération les conséquences uniques des morts assistées médicalement pour les membres de la famille qui participent, directement ou indirectement, au processus8 » (p.126-127). De plus, ils ajoutent que ces cliniciens doivent comprendre que lorsque les phases d’accompagnement des proches chan- gent, les besoins de ceux-ci se modifient également et qu’ainsi un suivi après le décès devrait être assuré afin de déterminer s’ils ont besoin de support pour la phase du deuil. En ce sens l’étude suisse de Gamondi et ses collaboratrices (2018), en contexte de suicide assisté, mentionne que les proches ont besoin d’être pris en considération dans le processus. En effet selon les auteurs, les morts hâtées médicalement impliquent la parti- cipation de l’entourage dans l’organisation de cette fin de vie particulière, en étroite collaboration avec la per- sonne demandant ce soin, ce qui représente des tâches supplémentaires pour les membres de la famille qui sont déjà pour la plupart proches aidants. Ainsi, dans leur étude, Gamondi et ses collaboratrices (2018) montrent qu’en plus des responsabilités pratiques (trouver un médecin, solliciter les organisations d’aide au suicide as- sisté, enquête policière, etc.), les proches impliqués dans ce genre de décès ressentent également une respon- sabilité morale à l’égard de la personne en fin de vie, sachant qu’elle participe à son décès futur. Ce qui rejoint également les conclusions de Starks et ses collaborateurs (2007) qui ajoutent également dans l’expérience des proches, le fardeau des considérations légales, ou illégales, dépendamment du pays où ce soin est dispensé.

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Dans l’étude de Gamondi et ses collaboratrices (2018), les chercheuses ont mentionné qu’aucun des 28 proches participants à l’étude n’avaient reçu ou demandé d’aide psychosocial après le décès de la personne par suicide assisté. Toutefois, les résultats de Gamondi et ses collaboratrices (2018) suggèrent également que plusieurs proches ont vécu « des sentiments d’ambivalence, de la détresse et de la fatigue9 » (p.1090) pendant le pro- cessus de planification et d’organisation du suicide assisté, ce pourquoi leurs besoins devraient être pris en considération par les professionnels.

En somme, dans cette section, il a été possible de constater que les résultats des études concernant les morts hâtées médicalement sont divisés et que les conclusions ne sont pas unanimes. D’une part, le respect des volontés de la personne en fin de vie est valorisant pour les proches et leur deuil serait facilité par les préparatifs ante mortem (adieux, cérémonie, préparation à la mort, etc.). Toutefois, les suicides assistés, dans un contexte parfois non surveillé par des professionnels ou même illégal, seraient des événements difficiles pour les proches et pour leur deuil, en raison de la participation concrète à ce genre de décès. En revanche, ces difficultés pour- raient être expliquées par la désapprobation de l’environnement social et du stigma associé au suicide ainsi que du degré d’implication des proches dans l’assistance à la mort. Outre ces éléments, plusieurs aspects pourraient influence l’expérience des proches, notamment le fait de prendre en considération les proches, la relation avec la personne en fin de vie, l’aide formelle et informelle reçue durant l’épisode de fin de vie. Finalement, en ce qui concerne le soutien psychosocial offert aux proches, peu d’études ont été réalisées sur le sujet, mais celles-ci recommandent fortement d’accompagner les familles durant les morts hâtées médicalement.

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