Les proches impliqués dans le processus : entre ceux qui s’invitent et ceux qui se rapprochent

Au-delà des interactions avec la personne mourante, il est important de s’attarder également aux interactions des proches avec le reste de l’entourage impliqué dans le processus d’AMM puisqu’ils représentent une source d’influence importante dans l’expérience des proches rencontrés. En effet, les diverses interactions avec l’en- tourage impliqué dans le processus peuvent être considérées comme un soutien et un support moral, comme elles peuvent être perçues comme des difficultés dans l’expérience des proches. Cette section abordera donc les interactions des proches envers les autres membres de l’entourage présents durant le processus d’AMM afin de dépeindre l’ambiance générale entre les diverses personnes impliquées. Il sera question notamment des membres de l’entourage non invités qui imposent leur présence et des rapprochements ou de l’entraide familiale que cela permet par ailleurs.

Trois proches ont mentionné avoir vécu des conflits et des tensions avec les autres participants durant le pro- cessus d’AMM. Principalement et étonnamment, les conflits émergeaient des règles de visites imposées par les proches. En effet, des proches se sont improvisés comme des gardiens de la chambre afin de « protéger » l’intimité de la personne en fin de vie. Dans l’un des cas, où une travailleuse sociale était impliquée, des con- frontations ont eu lieu. Le proche rencontré a soulevé que deux personnes ont tenté d’entrer le jour du décès et qu’il a été obligé de retenir physiquement l’une d’entre elles. En effet, une amie de la personne en fin de vie a tenté d’entrer de force dans la chambre parce qu’elle ne faisait pas partie de ceux qui avaient l’autorisation d’assister au décès.

[Le matin du décès] il y a une de ses amies qui arrive, une des amies ça faisait longtemps qu’elle avait pas vu, en pleurs qui me dit « Je veux voir Jacynthe14 _{une dernière fois […] elle va mourir} aujourd’hui ! » Mais j’ai dit « Tu peux pas, c’est pas ce qui a été décidé pis je comprends bien que ça te fait de la peine, mais c’est pas ça qui est prévu! » Pis elle essayait d’ouvrir la porte là. Je la retenais de force. (Monsieur Fortin)

En ce sens, en raison notamment des conflits, ce proche révèle qu’il a ressenti le manque de support de la part de l’entourage et qu’il croit qu’il se serait senti moins affecté par le processus d’AMM si un encadrement psy- chosocial plus soutenu de la part de la travailleuse sociale, déjà présente dans le dossier, avait été réalisé

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Dans deux situations, où cette fois aucune travailleuse sociale n’était impliquée, une proche a raconté qu’un malentendu concernant les personnes autorisées le jour du décès a causé des tensions au sein de la famille. En effet, des membres de la famille élargie se sont également présentés le jour du décès, alors que ce n’est que la famille proche qui avait été autorisée par celle-ci. Pareillement dans ce cas, un membre de la famille a été désigné pour contrôler les visites à la porte de la chambre, mais cette fois-ci à la demande explicite du mourant. Dans une autre situation, où aucune travailleuse sociale n’était impliquée, la proche rencontrée a mentionné qu’elle a assuré la gestion des visites à domicile, ce qui a également causé des différends avec l’entourage par moment.

Dans l’une de ces situations, un membre de la famille transgressait néanmoins les règles de visites à sa guise, ce qui irritait grandement le reste des proches présents. Toutefois, la proche interrogée souligne que la relation, entre ce membre de la famille et le reste du clan familial, était déjà conflictuelle auparavant, sauf avec le mourant. De plus, ce membre en question a également adopté un comportement dérangeant durant l’administration de l’AMM selon la proche rencontrée.

[Durant l’injection de la] deuxième dose […] ils les mettent comme dans le coma, là on voyait qu’il était vraiment parti. Fait que…(Rires) là ma nièce elle dit « Là, vous pouvez parler » […]. Pis là mon frère s’est choqué, il lui a dit de se fermer (Rires). Pis là elle a pogné les nerfs après mon frère, elle a dit « Tu me diras pas quoi faire! » (Madame Bernier)

En revanche, selon six proches interrogés, le fait de participer au processus d’AMM a eu comme effet positif des créer des rapprochements entre les proches et les membres de la famille. En effet, dans la majorité des cas, les proches ont révélé que la solidarité et l’entraide étaient préexistantes au sein du clan familial bien avant le processus d’AMM. Toutefois, dans un cas impliquant des enfants, une proche a énoncé que cet événement avait fait en sorte que deux jeunes cousines impliquées dans le processus, et qui avaient peu en commun auparavant, ont tissé des liens significatifs qui se sont maintenus après le décès de leur grand-père.

[…] Ma fille elle a beaucoup aidé l’autre, pis je pense que le fait de l’aider pis de lui en parler de qu’est-ce qui va se passer pis pourquoi qu’il fait ça, pis pourquoi qu’il a choisi de faire ça, ben je pense que ça l’a elle-même ventilée parce que les enfants c’est pas fou là. Elle voulait pas nous en parler à nous parce qu’elle voyait qu’on avait nous aussi de la peine. (Madame Roy)

Dans une autre situation, une proche a énoncé que depuis le décès de sa mère, sa famille élargie l’appelle presque tous les jours concernant l’AMM parce qu’ils ont des questionnements irrésolus. Pour les aider à mieux comprendre cette réalité, la proche a révélé qu’elle tente au mieux de ses connaissances de répondre à leurs questions, avec le peu d’information qu’elle possède, ce qui a, par le fait même, créé des rapprochements entre la proche et le reste de la famille élargie.

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De plus, quatre proches ont mentionné également l’importance des rapprochements au sein du réseau familial dans ce processus.

[…] Je pense ça aide la famille, ça aide la famille…Ça nous a beaucoup rapprochés le 10 jours qu’on a été ensemble, pis les petits-enfants, On était… pas tout le temps triste, on était capable de rire […] (Madame Bouchard)

En résumé, il a été possible de constater que les interactions du microsystème familial durant le processus d’AMM étaient modulées en fonction de plusieurs éléments, ce qui a eu diverses conséquences pour les proches rencontrés dans le cadre de cette étude. En effet, tous les proches rencontrés étaient en accord avec le choix de recourir à l’AMM, toutefois ceux-ci étaient conscients que leur opinion de la situation n’était pas partagée par tous les membres de l’entourage impliqués dans le processus. En ce sens, les réactions plutôt négatives avaient une influence considérable sur l’expérience des proches. Les interactions entre la personne en fin de vie et ses proches ont également été analysées, puisqu’une proximité s’est développée au cours du processus d’AMM, en raison notamment du rôle de proche aidant. De plus, les difficultés rencontrées dans l’expérience des proches en lien avec le microsystème familial ont été survolées par le biais des interactions entre les proches et la personne en fin de vie, de la communication avec la personne mourante, des interactions modulées envers la personne mourante en fonction des perceptions des proches et des interactions entre les proches impliqués dans le processus.