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L’accompagnement des travailleuses sociales : des interventions absentes ou inadaptées

Chapitre 5 : Les résultats

2. Le microsystème médical et son mésosystème

2.3. L’accompagnement des travailleuses sociales : des interventions absentes ou inadaptées

Les propos des proches concernant l’expérience d’accompagnement de la part des travailleuses sociales sont peu nombreux, puisque l’accompagnement psychosocial n’est pas systématique dans le processus d’AMM. Ainsi, les propos des proches ont davantage porté sur la pertinence ou non de ce type de suivi de la part des travailleuses sociales dans ce processus.

Dans un premier temps, il sera question des cas où un soutien psychosocial n’était pas proposé aux familles et où les proches avaient des avis plutôt divergents quant à la nécessité d’une relation d’aide professionnelle. Il est important de spécifier que les proches semblent méconnaître le rôle de la travailleuse sociale de la santé au sein des établissements comme les centres hospitaliers. En effet, trois proches ont révélé qu’une travailleuse sociale n’avait pas été présente dans le processus et se questionnaient quant à son utilité concrètement. Ce- pendant, dans un cas, une proche a mentionné qu’elle pense qu’une travailleuse sociale aurait pu aider sa famille à mieux s’adapter à la situation, notamment au niveau de la compréhension de ce soin de fin de vie, si elle avait été impliquée dans le processus d’AMM.

Dans l’un des cas à domicile, une proche a mentionné que ses expériences antérieures d’accompagnement dans la mort lui ont probablement été bénéfiques dans le processus d’AMM, ce qui expliquerait l’absence d’un besoin de soutien psychosocial dans son cas. Dans un autre cas, la proche a jugé que le soutien psychosocial n’était pas requis dans leur situation puisque le processus fût de courte durée, mais soulève que s’il y avait eu une « crise » au sein de la famille le jour même du décès, le soutien aurait pu être nécessaire et pas forcément disponible.

Au contraire, une proche jugeait que l’absence de soutien psychosocial à l’hôpital était inadéquate. Cette proche raconte avoir eu recours aux services d’aide d’une travailleuse sociale, au sein d’un groupe de médecine de famille (GMF), après le décès de sa mère afin de régler des difficultés relationnelles familiales vécues avant, pendant et après l’AMM.

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Fait que nous on était pognés avec ça. On avait besoin d’émotions, qu’elle [la personne en fin de vie] nous en montre, pis elle nous le donnait pas. J’pense c’est ça qui était dur. Pis on ne com- prenait pas, c’est après qu’on a compris, qu’on était capable d’en parler pis que…ça faisait moins mal pis tout ça. Mais sur le coup, on comprenait rien! Fait que peut-être que oui, si on avait été accompagné on aurait compris plein d’affaires! On se serait senti moins…coupable peut-être! (Madame Bouchard)

Une proche, dont l’AMM a eu lieu à l’hôpital sur le département de soins palliatifs sans travailleuse sociale impliquée, a souligné qu’aucune ressource d’aide potentielle (pour le deuil entre autres) n’avait été partagée durant tout le processus d’AMM, ce qui selon elle représente un manquement important.

Peut-être que les ressources étaient…il y en avaient pas beaucoup. Mais y devrait en avoir hein de disponibles! […] Pis y nous ont jamais donné ça [elle tient dans ses mains la feuille de res- sources d’aide offerte par l’étudiante-chercheuse en début d’entrevue], (Silence). C’est un mini- mum hein! (Silence). Nous autres on connaît pas ça, on le sait pas là. Pis quand on va consulter, moi la psychologue que j’ai vue [à mon travail], m’ont jamais parlé de ça non plus là! Pis mon médecin m’a jamais parlé de ça. […] Moi ma sœur aurait aimé avoir de l’appui moral beaucoup. Elle a l’aurait vraiment aimé consulter. (Madame Bernier)

En revanche, l’implication d’une travailleuse sociale a tout de même été proposée dans quatre cas d’AMM, mais seulement trois de ces professionnelles ont été impliquées tout au long du processus. Encore une fois, les réponses des proches étaient diversifiées quant à l’accompagnement reçu par celles-ci.

Tout d’abord dans les deux cas à domicile, l’accompagnement psychosocial a été offert aux personnes en fin de vie, mais a été décliné par l’une d’entre elles. Ensuite dans deux autres cas à l’hôpital, des travailleuses sociales ont été impliquées dans les processus d’AMM, mais l’accompagnement semblait incomplet selon les proches puisque des besoins sont restés insatisfaits. En effet, dans le premier cas, bien que la proche se soit dite satisfaite du soutien émotionnel et de la présence de la travailleuse sociale pendant le processus, il sem- blerait que cette dernière n’ait pas rencontré tous les proches impliqués dans le processus. Ce qui a pour con- séquence que les informations qu’elle a potentiellement transmises à certains d’entre eux, selon la proche, n’ont pas été partagées à l’ensemble de la famille présente, comme les ressources disponibles pour le deuil et la possibilité d’un accompagnement personnalisé pour les membres de la famille durant le processus. La proche a évoqué sa déception à cet égard et son souhait non réalisé d’une rencontre familiale avec cette profession- nelle.

Dans le deuxième cas où l’accompagnement psychosocial semblait incomplet ou inadéquat, le proche a énoncé que la travailleuse sociale de l’hôpital était bienveillante et attentionnée envers la personne en fin de vie et son entourage durant le processus. Toutefois, selon le proche, ces interventions n’étaient pas suffisantes dans la situation. Le proche a soulevé le manque de soutien psychosocial familial considérant la présence de conflits et de tensions entre les membres de la famille concernant la fréquence des visites qualifiées de dérangeantes. En

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effet, dans ce cas particulier, la personne en fin de vie était incapable de fixer ses limites avec ses proches à la veille de sa mort, ce qui lui causait une grande fatigue. Nous y reviendrons.

Je trouvais que ce qui m’était offert, j’en avais pas besoin! J’avais pas besoin…comment je dirais ça ? J’avais pas besoin de me faire demander sans arrêt si je feelais ben ou pas. Je feelais pas ben bon! […] C’était quelqu’un de sympathique là, c’est pas du tout ça, c’était quelqu’un qui était…qui allait plus disons vers les personnes, à demander « Comment tu te sens à matin? ». C’était fin ça, mais ça prend plus d’encadrement que ça ! (Monsieur Fortin)

Finalement, dans les situations où l’aide psychosociale des travailleuses sociales a fait partie du processus, deux proches ont énoncé que leurs besoins émotionnels et moraux immédiats, soit d’être en présence d’une personne neutre usant d’une écoute active, leur a permis de ventiler et de verbaliser les émotions, ont été comblés. Dans l’un des cas à domicile, la travailleuse sociale a par ailleurs aidé la proche à reconnaître son rôle de proche aidante en soins de fin de vie.

[J’ai] souvent tendance à m’oublier par rapport aux autres, donc [la travailleuse sociale et la psy- chologue] sont venues me recentrer sur moi, mes besoins à moi. Elles m’ont fait ventiler […], [elles] m’ont aidé à comprendre aussi que j’étais une aidante naturelle, parce que je me voyais pas comme une aidante naturelle. C’était pas un patient que j’avais à côté de moi, c’était mon mari. (Madame Lanctôt)

En résumé, l’accompagnement psychosocial des travailleuses sociales selon les proches est hétéroclite. En effet, les proches n’ayant pas été accompagnés dans le processus par cette professionnelle étaient plutôt am- bivalents envers la nécessité d’une aide psychosociale durant le processus, tandis que d’autres étaient convain- cus que celle-ci aurait pu les accompagner pour diverses raisons et jouer un rôle important. En revanche, les proches ayant été accompagnés ont apprécié ce soutien moral et la présence de cette professionnelle dans le processus de l’AMM lors d’entretiens individuels, toutefois certains d’entre eux ont énoncé que le soutien psy- chosocial familial était parfois insuffisant ou incomplet ou non adapté à la situation ce qui leur a créé des insa- tisfactions et n’a pas comblé tous leurs besoins.

2.4. L’accompagnement général de l’équipe médicale : des pratiques qui transparaissent

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