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Le deuil spécifique de l’AMM : peu ou pas de différences avec les décès conventionnels

Chapitre 5 : Les résultats

5. Le deuil spécifique de l’AMM : peu ou pas de différences avec les décès conventionnels

L’analyse des résultats a également permis de mettre en lumière des éléments spécifiques au deuil, ce qui rejoint l’objectif 3 de cette étude, soit « explorer le processus de deuil des proches spécifique à l’AMM ». Ce- pendant, aucun outil de mesure n’a été utilisé pour évaluer les phases du deuil des proches, ainsi l’évaluation est entièrement subjective selon leurs perspectives, en comparant leur deuil à d’autres qu’ils ont vécus par le passé ne résultant pas de l’AMM.

5.1. L’AMM : un deuil qui affecte la dynamique familiale

Trois proches ont mentionné que l’expérience vécue en tant qu’accompagnateur dans le processus a été un élément plutôt marquant pour le deuil, mais également au niveau des relations sociales entre les membres de l’entourage. En ce sens, des proches ont consulté à propos de l’AMM et du deuil, mais également à propos des difficultés familiales ayant resurgi pendant le processus. En effet, deux de ces proches ont consulté une profes- sionnelle de la relation d'aide, soit une travailleuse sociale référée par le médecin de famille de la proche et dans l’autre cas une psychologue, après le décès de l’être cher par AMM. Dans ces deux cas, aucune travail- leuse sociale ou psychologue n’avaient été impliquée dans le processus à l’hôpital. De ces proches, l’une d’entre

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elles s’est dite insatisfaite des services d’aide reçus du psychologue, puisqu’il ne l’a pas redirigé vers des res- sources d’aide psychosociale de type intervention familiale. De ces deux proches, l’une d’entre elles mentionne également qu’un autre membre de sa famille est allé chercher de l’aide auprès d’une psychologue. Une proche mentionne également que ce décès est plus significatif pour elle puisqu’elle a constaté qu’elle en parlait davan- tage à son entourage que des autres décès et deuils vécus par le passé.

5.2. Les particularités du deuil en contexte d'AMM

Dans tous les cas d’AMM, comme c’est un événement prévisible, plusieurs proches étaient impliqués tout au long du processus et certains ont demandé des congés à leur employeur pour profiter des derniers jours. En ce sens, une proche a mentionné que le deuil vécu en famille ou en groupe a été un élément facilitant dans son expérience. Également, trois proches ont relaté que le fait de participer au processus d’AMM facilitait le deuil puisqu’il permet de se préparer à la mort. En effet, une proche a mentionné que le deuil par AMM n’est pas comparable à celui suivant un suicide, et parle de son expérience versus celle d’une connaissance dont le conjoint s’est enlevé la vie.

[...] On s’entend-tu pour dire que cette dame-là, a l’a pas eu le temps de se préparer ? […] Moi j’ai eu la chance de me préparer. […] Mais l’aide à mourir permet de préparer le voyage, permet de dire les choses, nonobstant le fait qui aille une échéance. Pis même à ça, l’échéance, ce qui est plaisant avec l’aide à mourir, si on a pas fini de tout se dire ce qu’on avait à se dire, elle peut même être déplacée, mais quelle chance ! Quel bonheur! […] moi j’ai l’impression que je vis beaucoup mieux mon deuil que elle, et beaucoup plus rapidement. (Madame Lanctôt)

Deux proches ont mentionné que leur deuil avait débuté à l’annonce du diagnostic de cancer, et non lors du début du processus d’AMM. Finalement une proche a mentionné que le processus d’AMM fait vivre aux proches un « deuil inversé », ce qui réfère en fait au concept au prédeuil.

[…] le choc du décès on dirait je l’ai eu avant moi. Le jour même ça été comme un poids qui s’est enlevé… Quand c’est l’heure du décès, tout est parti en même temps que lui j’ai l’impression fait que moi mon choc je l’ai eu au moment où ça été accepté pis qu’on a eu une date pis après ça oui le processus se fait parce que…tu le sais que tu t’en vas vers là, tu le sais. (Madame Roy)

Deux proches ont relaté de pas avoir vécu de prédeuil, et ont mentionné que leur processus de deuil a débuté après le décès puisque selon eux, ce processus ne peut être entamé avant celui-ci.

5.3. Les craintes liées à l’annulation de l’AMM et au processus de deuil entamé

Au cours du processus, deux proches ont pris conscience de l’importance du pouvoir décisionnel de la personne mourante et de la réversibilité de la demande d’AMM. En effet, le fait que la personne en fin de vie puisse modifier la date du décès ou même l’annuler est une source de stress pour ces proches, notamment parce que

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leur processus de deuil était déjà entamé, et ils ne se sentaient pas prêts à recommencer le processus à partir du début.

[…] Mais nous ça faisait 10 jours qu’on était avec elle pis qu’on attendait qu’elle meurt finalement. Et on avait tellement peur qu’elle change d’idée. Pas parce qu’elle avait pas le droit de changer d’idée, plus parce que on se disait : « C’est pas facile pour nous autres là, si du jour au lendemain elle dit qu’elle veut pu… », je sais pas ce qu’on aurait fait. (Madame Bouchard)

Également, dans deux cas d’AMM, les proches ont craint que la personne en fin de vie perde son aptitude à consentir au cours du processus. Dans un cas, la personne en fin de vie a eu un épisode de confusion ou de délirium le jour prévu du décès, ce qui a créé des inquiétudes et du stress chez les proches, car ceux-ci étaient prêts émotionnellement à affronter la mort et ils craignaient que la demande d’AMM ne soit annulée en raison de l’inaptitude momentanée à consentir aux soins.

[…] Moi dans ma tête j’me disais « Ok s’ils le font pas, il se réveille dans deux jours, il revient correct, il va refaire sa demande, pis on recommence un autre sept huit jours encore comme ça » C’est comme trop de charge émotive là, j’me disais « Je peux pas endurer ça un autre… faut que ça se fasse là ». J’étais rendu au point de dire « Faut que ça se fasse ». […] Pis là, c’est ça on se posait la question « Ils peuvent tu nous retarder ça ? Que ça va être à soir ? » Pis là on se disait : « Qu’est-ce qu’on va faire pendant cette journée-là de…de sursis que… » Non, on était prêts, on savait que c’était à neuf heures…(Rires) (Madame Roy)

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