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Les éléments influençant l’expérience des proches en contexte de soins de fin de vie

Chapitre 2 : La recension des écrits

4. Les éléments influençant l’expérience des proches en contexte de soins de fin de vie

Puisque l’environnement social semble constituer un facteur déterminant dans l’expérience des proches dans le contexte d’un suicide assisté, mais que peu d’études existent à ce sujet, voici quelques écrits explorant les facteurs d’influence de l’expérience de familles ayant accompagné un proche dans la mort au travers des soins palliatifs réguliers.

4.1.

Les soins centrés sur la personne en fin de vie et ses proches

Dans leur étude sur les guides de pratique et sur les besoins des membres de la famille en soins palliatifs aux États-Unis, Teno, Casey, Welch et Edgman-Levitan (2001) énoncent qu’au moins 70% des guides de pratique mentionnent les mots « soins centrés sur la famille et leur satisfaction », qu’au moins 63% mentionnent « le deuil avant et après le décès de la personne », et qu’au moins 53% abordent informellement « le bien-être des proches aidants (avec expériences positives et négatives) ». Les participants de cette étude correspondaient aux membres de la famille inscrits dans le dossier médical de la personne et devaient avoir été présents auprès de celle-ci au moins 48 heures précédant le décès. Ces résultats indiquent qu’en théorie, la personne en fin de de vie ainsi que ses proches devraient bel et bien être au centre des soins et que ces derniers sont importants et à considérer dans l’épisode de soins.

Toutefois, dans la pratique, il semble y avoir un certain décalage. En effet, dans l’étude de Teno et ses collabo- rateurs (2001), à la suite de six groupes focalisés entre les proches d’une personne décédée récemment (n=42), cinq conditions concernant les soins de fin de vie ont émergé : 1) Que les soins de confort désirés par la per- sonne en fin de vie, soient bel et bien prodigués, 2) Que les proches puissent avoir un certain contrôle sur les décisions quotidiennes et un contrôle partagé sur les décisions de traitement 3) Que le fardeau associé à leur rôle de proches aidants et que leur rôle d’advocacy soit diminué, 4) Que les proches soient formés et outillés afin d’augmenter leurs connaissances, mais également leur confiance en eux lorsqu’ils prodiguent des soins à domicile et 5) Qu’un soutien émotionnel avant et après le décès de la personne soit fournis. Selon cette étude, ces conditions sont primordiales dans leur expérience en tant que proches accompagnant un membre de la famille dans un contexte de soin de fin de vie puisqu’elles ont une incidence sur leurs perceptions. Teno et ses collaborateurs (2001) révèlent d’ailleurs que certains membres de famille se sont sentis abandonnés par l’équipe médicale et n’ont pas eu l’impression d’avoir été écoutés lorsqu’ils jouaient leur rôle d’advocacy puisqu’ils ne se sentaient pas dans une relation égalitaire. Les familles ont aussi souligné qu’elles ne se sentaient pas adéqua- tement outillées pour assumer pleinement leur rôle d’accompagnant. En outre, les participants ont révélé avoir besoin de soutien moral et émotionnel avant, mais aussi après le deuil. De plus, ils désireraient recevoir autant

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de soutien psychologique que la personne malade et également de l’information sur les effets psychologiques lorsqu’un proche est gravement malade. Les familles relatent avoir non seulement besoin d’information sur le deuil, mais également d’aide durant le processus. Teno et ses collaborateurs (2001) en conclu alors que pour ces membres de la famille, il était important de se sentir inclus dans les prises de décision quotidiennes (pas uniquement médicales) et d’être adéquatement informés avec compassion de la part de l’équipe soignante.

4.2.

Les soins palliatifs : les cinq éléments de l’expérience des proches

Dans le même sens, Lamontagne et Beaulieu (2006), se sont attardées aux éléments influençant l’expérience des membres de la famille, dans ce cas-ci des proches aidants plus spécifiquement, en soins palliatifs à domicile au Québec. Les auteurs énoncent qu’il y a cinq éléments pouvant influencer les représentations de l’expérience en soins palliatifs : 1) les caractéristiques du conjoint malade, 2) celles de l’aidant, 3) l’histoire familiale, 4) l’aide formelle et 5) l’aide informelle. Pour ce qui est des caractéristiques du conjoint malade, ce n’est pas le type de maladie qui influence les perceptions du proche aidant, c’est plutôt l’impression que les douleurs du conjoint ne sont pas bien contrôlées. Il est possible de faire un lien avec l’étude de Teno et coll. (2001) et le rôle d’advocacy inéquitablement joué par les proches en contexte de soins palliatifs. En effet, si les membres de la famille n’ont pas l’impression que les douleurs de leur proche sont soulagées et s’ils ont l’impression de ne pas être entendus par l’équipe médicale, l’expérience de ces individus sera nécessairement plus difficile.

Toujours selon Lamontagne et Beaulieu (2006), l’attitude de la personne en fin de vie envers son conjoint est également un facteur influençant l’expérience du proche aidant en soins palliatifs. En effet, dans la maladie, la dynamique familiale peut demeurer inchangée, s’améliorer ou se détériorer, ainsi le conjoint aidant en sera influencé positivement ou négativement (Lamontagne et Beaulieu, 2006; Zala, 2005). En ce sens, il est important de souligner que les dynamiques relationnelles, positives ou négatives, ont tendance à s’intensifier durant cette période et que l’évolution de la relation dépend de la période précédant la fin de vie (Zala, 2005). L’auteure énonce également que c’est davantage le mourant qui orientera l’évolution de la relation, en imposant, par exemple, ses préférences ou ses attentes à son entourage concernant sa fin de vie. La personne mourante va ainsi mettre ces proches « en condition d’agir » ce qui fait en sorte que les proches vont assumer un rôle qui est orienté par l’attitude de celle-ci (Zala, 2005, p. 93). De surcroît, selon Beder (1998), c’est la profondeur (selon une perspective psychodynamique) ou la nature et la force (selon la théorie de l’attachement) de la relation de la relation entre la personne décédée et la personne endeuillée qui est considérée comme l’un des facteurs principaux dans le processus de deuil. Or, bien que l’article porte sur le suicide assisté, l’auteur ne fait aucun lien direct entre l’acte et les processus de deuils compliqués.

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Une attitude positive envers le décès de la part du mourant aurait pour effet de dédramatiser la situation et de faciliter l’accompagnement des proches selon Zala (2005). Selon l’auteure, les personnes en fin de vie requérant ce soin ont souvent hâte au jour du décès et l’expriment ouvertement. Or, cette attitude de la part de la personne mourante ne serait pas indubitablement vécue négativement, ce serait plutôt la preuve de la détermination de cette dernière à recourir à une mort devancée. La satisfaction exprimée par une expression heureuse sur le visage lors du décès par exemple, et la détermination de mourir de la personne en fin de vie ont également le potentiel de réconforter les proches qui assistent à la scène (Zala, 2005)

Pour ce qui est des caractéristiques de l’aidant, l’attitude adoptée envers la maladie et les soins palliatifs influen- cera leur expérience globale. Dans l’étude de Lamontagne et Beaulieu (2006), le combat contre la maladie était source d’espoir et n’était donc pas perçu négativement. La formation en soins donnée aux membres de la famille s’est avérée être un élément important et aidant pour les familles, surtout pour favoriser le sentiment de com- pétence, tout comme suggérait les résultats de Teno et ses collaborateurs (2001). L’histoire familiale peut éga- lement influencer l’expérience en soins palliatifs des proches, puisque des conflits peuvent ressurgir à ce mo- ment, comme le suggèrent également Bascom et Tolle (2002). D’où l’importance de l’aide formelle, qui est également un élément influençant, positivement ou négativement, l’expérience des familles. Pour ce qui est de l’aide informelle, Lamontagne et Beaulieu (2006) énoncent que la famille et les amis offrent aux aidants une aide psychologique et morale et viennent ainsi compléter le réseau d’aide formelle. Toutefois, pour faire un parallèle avec l’étude de Wagner, Keller et ses collaborateurs (2012) concernant le suicide assisté, si les proches hésitent à aborder le sujet par crainte de jugement et si leur environnement social a davantage une opinion négative, cela peut poser problème et expliquer, en partie, les TSPT et les deuils compliqués. En effet, Lamon- tagne et Beaulieu (2006) concluent que l’aidant est en constante interaction avec son conjoint malade, les proches et les réseaux d’aide formelle et informelle, ce qui nécessairement teintera son expérience. En ce sens, Zala (2005) énonce qu’après le décès, le survivant ayant accompagné quelqu’un dans un tel processus « doit rendre compte de cette mort » à l’entourage (p.81). Ainsi, les questionnements, provenant des proches et de la famille élargie n’étant pas au courant des motifs derrière ce choix de fin de vie, amènent ce survivant à faire une « reconceptualisation de l’expérience » afin de légitimer le décès de la personne, à soi-même ou aux autres (p.82). Toujours selon l’auteure, à ce moment il arrive que le survivant mente à l’entourage sur la cause du décès en raison des mœurs. Cette reconceptualisation n’est complétée qu’après le décès « pour justifier le bien fondé de son attitude », une fois que tous les éléments composant son expérience sont réunis (Zala, 2005, p. 83).

En résumé, l’expérience des proches semble être modulée par l’environnement social dans lequel ils gravitent. De plus, le degré d’implication des proches dans les soins, tant au niveau des décisions, du partage des infor-

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mations et de la formation, tend à démontrer une expérience davantage satisfaisante pour ces derniers. Cepen- dant, dans les cas de suicide assisté qui ne sont pas encadrés, le degré d’implication des proches est associé à une expérience négative et traumatisante, en raison de l’absence de soutien de la part d’une équipe médicale. De surcroît, dépendamment du réseau social, de l’aide formelle et informelle reçue durant l’épisode de soins, l’expérience des proches sera influencée positivement ou négativement.

5. Le soutien psychosocial des proches dans les morts hâtées médicalement

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