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Le recours à l'aide médicale à mourir au Québec : l'expérience occultée des proches

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Joanie Arteau, 2019

Le recours à l'aide médicale à mourir au Québec:

l'expérience occultée des proches

Mémoire

Joanie Arteau

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Le recours à l’aide médicale à mourir au Québec :

l’expérience occultée des proches

Mémoire

Joanie Arteau

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Le but de cette recherche qualitative exploratoire est de documenter le point de vue des proches quant à leur expérience globale durant le processus d’aide médicale à mourir (AMM), plus particulièrement en lien avec l’environnement social. Elle vise à : 1) décrire l’accompagnement offert aux proches durant le processus d’AMM provenant de l’équipe médicale ; 2) explorer les relations et interactions des proches entre eux durant le pro-cessus d’AMM; 3) décrire les perceptions des proches concernant le propro-cessus d’AMM et 4) explorer le proces-sus de deuil des proches spécifique à l’AMM.

Les données recueillies proviennent d’entrevues individuelles, en partie libres et en partie semi-dirigées, réali-sées auprès de sept proches ayant accompagné une personne dans le processus d’une demande d’AMM. La méthode d’analyse de données phénoménologiques de Giorgi (1997) a été utilisée afin de codifier et d’interpré-ter les propos des proches. Les résultats ont été éclairés par la perspective théorique choisie, soit la théorie bioécologique de Bronfenbrenner (2005). Les résultats de cette étude suggèrent que l’accompagnement des proches est surtout pris en charge par le corps médical, soit les médecins et les infirmières, et que la place de la travailleuse sociale et de son accompagnement psychosocial ou de ses interventions ne sont pas clairement établis au sein de ce processus. Les proches ont globalement été satisfaits de leur expérience durant le proces-sus d’AMM, mais souhaitent que des modifications viennent améliorer la prestation de ce soin de fin de vie, surtout en ce qui concerne l’encadrement psychosocial des familles. Finalement, leur deuil ne semble pas dif-férent de celui qui suit un décès plus conventionnel, si ce n’est que leur processus semble pour certains accéléré ou facilité.

Mots-clés : aide médicale à mourir, mort médicalement assistée, euthanasie, proches, proches aidants, famille,

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iv

Summary

The aim of this exploratory qualitative research is to document the overall experience of relatives of the patient during the process of medical assistance in dying (MAID), focussing particularly on the social environment. It aims to 1) describe the accompaniment provided by medical team to relatives during MAID’s process; 2) explore the relatives’ relationships and interactions between them during MAID’s process; 3) describe the relatives’ per-ceptions about MAID’s process and 4) explore the relatives specific MAID’s mourning process.

Data was collected from semi-structured and free style individual interviews with seven relatives who accompa-nied a person in a MAID demand process. Giorgi’s (1997) phenomenological data analysis method was used to codify and interpret qualitatively relatives’ sayings. The results were highlighted according to the chosen theo-retical perspective, the Bronfenbrenner’s (2005) bioecological model. The results of this study suggest that rel-atives’ accompaniment is mainly supported by the medical team, such as doctors and nurses, and that the position of social workers and their potential psychosocial support or interventions is not clearly established in this process. Relatives were generally satisfied with their global experience during the MAID process, but they specify that this end-of-life care need to be improved, especially regarding the psychosocial support of families. Finally, relatives’ grief does not seem different from grief of a conventional death, except that their process seems for some of them to be accelerated or facilitated.

Keywords: medical aid in dying, medical assistance in dying, euthanasia, relatives, caregivers, family, palliative

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Table des matières

Résumé ... iii

Summary ... iv

Table des matières... v

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : La problématique de recherche ... 4

1. L’objet d’étude ... 4

1.1. Le Projet de loi n° 52 et la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec ... 4

1.1.1. La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité ... 4

1.1.2. Le Projet de Loi n° 52 ... 6

1.2. Pour le reste du pays : l’arrêt Carter de la Cour suprême du Canada ... 8

1.2.1. Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir) ... 9

1.3. L’AMM au Québec : ce qu’il en est concrètement ... 10

1.3.1. L’importance du rôle du médecin au Québec ... 11

2. La pertinence de l’objet d’étude ... 12

2.1. La pertinence sociale et disciplinaire ... 12

2.2. La pertinence scientifique ... 14

Chapitre 2 : La recension des écrits ... 16

1. La démarche documentaire ... 16

2. Les retombées positives de la mort hâtée médicalement ... 17

2.1. La notion du respect ... 18

2.2. Le deuil des proches par mort hâtée médicalement ... 19

2.3. L’environnement social et les morts programmées ... 20

3. Les dommages collatéraux des suicides assistés ... 21

3.1. Les deuils difficiles des morts hâtées médicalement ... 22

3.2. La désapprobation de l’environnement social ... 25

3.3. Le degré d’implication des proches dans le processus ... 26

4. Les éléments influençant l’expérience des proches en contexte de soins de fin de vie ... 28

4.1. Les soins centrés sur la personne en fin de vie et ses proches ... 28

4.2. Les soins palliatifs : les cinq éléments de l’expérience des proches ... 29

5. Le soutien psychosocial des proches dans les morts hâtées médicalement ... 31

6. Les limites de ces études ... 33

Chapitre 3 : Le modèle théorique ... 37

1. Les origines de la théorie bioécologique de Bronfenbrenner (2005) ... 37

1.1. L’approche bioécologique de Bronfenbrenner (2005) ... 37

1.1.1. Les différents systèmes de l’environnement social ... 38

Chapitre 4 : La méthodologie ... 41

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vi

2. L’approche privilégiée et le type de recherche ... 41

2.1. La population à l’étude et l’échantillonnage ... 42

2.2. Le recrutement des participants ... 42

3. La collecte des données ... 43

3.1. L’outil de collecte des données : l’entrevue ... 43

3.2. Le déroulement des rencontres avec les proches ... 44

3.3. La méthode d’analyse des données de Giorgi (1997) ... 44

3.3.1. La codification des données ... 46

3.4. Les considérations éthiques ... 47

3.4.1. Les avantages, risques ou inconvénients possibles liés à la participation... 47

3.4.2. La participation volontaire et droit de retrait ... 47

3.4.3. La confidentialité et la gestion des données ... 48

Chapitre 5 : Les résultats ... 49

1. Les profils sociodémographiques ... 50

1.1. Le profil des proches ayant participé au processus de l’AMM ... 50

1.2. Le profil des personnes ayant demandé l’AMM ... 51

2. Le microsystème médical et son mésosystème ... 51

2.1. L’accompagnement des médecins : une dichotomie bien présente pour les proches... 52

2.2. L’accompagnement des infirmières : entre une présence réconfortante et une absence remarquée par les proches ... 55

2.3. L’accompagnement des travailleuses sociales : des interventions absentes ou inadaptées ... 57

2.4. L’accompagnement général de l’équipe médicale : des pratiques qui transparaissent le degré d’aisance envers l’AMM ... 59

2.5. L’accompagnement des autres intervenants de la santé : d’une part inapproprié et de l’autre réconfortant ... 61

3. Le microsystème familial et son mésosystème ... 63

3.1. Les attitudes des proches et de l’entourage à l’égard du choix de recourir à l’AMM : entre désaccord et acceptation inconditionnelle ... 63

3.2. Les interactions entre la personne en fin de vie et les proches: une proximité qui se développe au sein du rôle de proche aidant ... 65

3.3. La communication à l’approche de la mort : un enjeu à considérer ... 67

3.4. Le maintien des aptitudes physiques et cognitives de la personne en fin de vie : un aspect inhabituel chez les personnes mourantes qui influence les interactions ... 69

3.5. Les proches impliqués dans le processus : entre ceux qui s’invitent et ceux qui se rapprochent grâce à l’AMM... 70

4. Les perceptions générales des proches sur le processus d’AMM ... 72

4.1. Les retombées positives de l’AMM : une expérience valorisante ... 72

4.2. L’envers de la médaille : L’AMM et ses inconnus ... 73

4.3. Le délai de 10 jours pour planifier une AMM : trop long ou trop court? ... 73

4.4. La vérification régulière du consentement aux soins : un élément à revoir ... 74

4.5. L’AMM : une procédure « trop » médicale ... 74

4.6. Les critères d’admissibilité trop restrictifs de la Loi ... 75

4.7. La diffusion et l’accès à l’information concernant le processus : une nécessité à développer ... 76

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vii

5. Le deuil spécifique de l’AMM : peu ou pas de différences avec les décès conventionnels ... 79

5.1. L’AMM : un deuil qui affecte la dynamique familiale ... 79

5.2. Les particularités du deuil en contexte d'AMM ... 80

5.3. Les craintes liées à l’annulation de l’AMM et au processus de deuil entamé ... 80

6. L’environnement physique ... 81

6.1. L’hôpital - Département de soins actifs : environnement dérangeant pour les proches ... 81

6.2. L’hôpital - Département des soins palliatifs : Ambiance particulière et propice à l’AMM ... 83

6.3. À domicile : personnalisation et flexibilité des soins ... 83

Chapitre 6 : La discussion ... 87

1. La théorie bioécologique pour éclairer l’expérience de l’accompagnement des proches ... 87

1.1. L'ontosystème et les difficultés personnelles ? ... 87

1.2. Le microsystème et le mésosystème : sources majeures d’influence ... 88

1.3. L’influence des mœurs du macrosystème concernant l’AMM, peu d’impact ... 88

2. Le processus de deuil ... 89

3. Liens entre notre recherche et la recension des écrits ... 90

3.1. Le respect de la demande ou l’acceptation sans équivoque ? ... 90

3.2. Les relations compliquées et les deuils difficiles ... 90

3.3. Les difficultés psychosociales des proches à l’approche de la mort ... 91

3.4. L’accompagnement humain par les équipes soignantes, un phénomène en voie de disparition ? . 93 3.5. La communication ouverte entre les personnes mourantes et les proches ... 94

3.6. L’AMM, un sujet de discussion sans tabou ... 94

4. Les faits saillants de l’étude ... 94

4.1. L’AMM : un acte médical ou un phénomène social ? ... 94

4.2. La collaboration interprofessionnelle centrée sur la personne et ses proches et l’AMM ? ... 95

5. L’apport de cette recherche pour le travail social ... 96

5.1. Les besoins des personnes en fin de vie et de leurs proches dans le processus d’AMM ... 96

6. Les limites de cette recherche ... 100

Conclusion ... 102

Références ... 104

Annexe 1 - Glossaire ... 112

Annexe 2 – Formulaire de demande d’AMM ... 115

Annexe 3 - Prospectus de recrutement ... 116

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Liste des tableaux

Tableau 1 - Données sociodémographiques des proches (n=7) ... 50 Tableau 2 - Données sociodémographiques des personnes ayant demandé l'AMM (n=7) ... 51

Liste des figures

Figure 1 – La théorie bioécologique adaptée à l'AMM ... 40 Figure 2 - Les principales dimensions de l’expérience d’accompagnement des proches dans l'AMM ... 49 Figure 3 - Le résumé de l'expérience globale des proches dans l'AMM ... 86 Figure 4 - Les besoins à considérer dans le processus d'AMM auxquels le travail social pourrait répondre.... 99

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ix

Remerciements

Je tiens à remercier l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval de m’avoir permis de réaliser ce mémoire, et tout particulièrement ma directrice Sophie Éthier, professeure agrégée et directrice du certificat en gérontologie, d’avoir cru en cette étude et de m’avoir tant appris sur le monde de la recherche. Merci pour ta patience et ton positivisme tout au long de ma maîtrise. Ce fut un réel plaisir de réaliser mes études supérieures et de travailler avec toi.

Un merci tout spécial à mon conjoint de m’avoir supporté au travers de ce périple parfois périlleux, à ma mère qui m’a félicitée et encouragée à toutes les étapes de ce projet et une pensée spéciale pour mon père qui serait sans doute très fier de sa fille. Je vous aime !

Merci à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cette recherche lors du recrutement des participants : Dr Alain Naud, Dr Pierre Viens, Michelle Girard T.S., MSs, Josée Masson T.S. et l’organisme Deuil-Jeunesse, Yvon Bureau T.S., MSs, et coprésident du Collectif Mourir Digne et Libre, Claudie Morin T.S., le Centrespoir-Charles-bourg, le Carrefour des proches aidants de Québec, la Société canadienne du cancer - Québec/Chaudière-Appalaches, à l’Association Québécoise pour le Droit de Mourir dans la Dignité (AQDMD) et à toutes les per-sonnes ayant partagé cette recherche.

Merci à tous les proches ayant partagé leur expérience, sans vous ce projet n’aurait pu avoir lieu. Votre expé-rience est importante non seulement pour moi, mais également pour toutes les autres personnes qui comme vous traverseront cette épreuve. Du fond du cœur, merci!

Merci aux fonds Nicolas-et-Suzanne-Zay et Micheline-Massé de l’École de travail social et de criminologie pour le soutien financier qui m’a permis de me consacrer à cette recherche sans trop de souci financier.

Finalement, un merci à tous mes collègues d’études et à mes amis pour le support moral et l’entraide durant ces années.

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1

Introduction

La thématique de ce mémoire de maîtrise concerne l’expérience des proches en contexte d’aide médicale à mourir1 (AMM) au Québec. Plus précisément, l’AMM est un soin destiné aux personnes en fin de vie, âgées de plus de 18 ans, et consiste en un acte médical posé uniquement par les médecins, sous forme d’injection intra-veineuse, à la suite d’une demande explicite de la part de la personne en fin de vie et à l’acception de celle-ci selon des critères stricts énoncés par la Loi. L’AMM est un soin récent au Québec, elle est en vigueur depuis le 10 décembre 2015 seulement et celle-ci est encadrée par la Loi concernant les soins de fin de vie, qui a été élaborée à la suite de plusieurs mois d’échange et de discussions lors des Consultations particulières sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie et de la Commission spéciale mourir dans la dignité. Au cours des six premiers mois de son entrée en vigueur, selon le rapport annuel d’activités de la Commission des soins de fin de vie, 167 AMM ont été administrées au Québec (Gouvernement du Québec, 2016). Au cours de la première année de l’application de la loi québécoise, 461 personnes ont eu recours à ce soin de fin de vie. Entre les six premiers mois et les six derniers mois de cette première année d’application de la loi, une hausse de 84% des demandes d’AMM a été observée (Gentile, 2017). Plus récemment, selon le premier rapport sur la situation des soins de fin de vie au Québec produit par la Commission des soins de fin de vie, 1632 AMM ont été administrée entre le 10 décembre 2015 et le 31 mars 2018 au Québec, ce qui représente une hausse de 73% en comparaison avec les demandes en 2016 (Gouvernement du Québec, 2019).

Or, au cours de l’année 2015 le gouvernement fédéral a également emboité le pas en ce sens et c’est ainsi que le 17 juin 2016 la loi fédérale modifiant les dispositions du Code criminel portant sur l’AMM est entrée en vigueur afin de décriminaliser l’assistance médicale à la mort partout au Canada. En somme, c’est plus de 3 714 Cana-diens qui ont eu recours à ce soin entre le 10 décembre 2015 et le 31 décembre 2017 (Gouvernement du Canada, 2018). Or peu d’écrits scientifiques québécois ou canadiens ont été produits jusqu’à présent sur le sujet, et encore moins concernant les proches des demandeurs d’AMM spécifiquement.

À l’international, quelques chercheurs se sont intéressés plus précisément aux proches, en contexte de suicides assistés majoritairement, où les personnes devaient se donner la mort devant leur famille. Or, les résultats de ces études ne sont pas transposables à la réalité québécoise, car l’AMM est plutôt comparable à l’euthanasie active. De plus, les contextes médicaux dans lesquels ils sont offerts comportent des particularités singulières. Concernant les études portant sur l’expérience des proches en contexte d’euthanasie active, celles-ci sont peu nombreuses et peu récentes. Le but de cette recherche consiste à mieux comprendre l’expérience globale de

1Afin de faciliter la compréhension du lecteur, un glossaire, regroupant les termes spécifiques aux morts hâtées médicalement, se

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2

l’AMM vécue par les proches au Québec, tout en portant une attention particulière sur l’accompagnement des professionnels de la santé auprès des familles, notamment celui des travailleuses sociales2. De surcroît, elle vise également à combler un écart entre les connaissances actuelles sur le sujet de la mort assistée médicale-ment et sur ce qu’il reste à connaître sur cette pratique en émergence. Ainsi, cette recherche s’inscrit dans un paradigme constructiviste, selon lequel toute connaissance est une construction produite par l’interaction entre l’individu et son environnement. Il est important de rappeler qu’il n’existe pas une réalité unique de l’expérience de ces proches, mais bien plusieurs réalités subjectives qui méritent d’être connues afin d’améliorer les pra-tiques d’accompagnement en travail social, notamment dans les soins de fin de vie, au sein du système de santé québécois.

Le but de cette recherche qualitative exploratoire est de documenter le point de vue des proches quant à leur expérience globale durant le processus d’AMM, plus particulièrement en lien avec les interactions et l’accom-pagnement reçu de la part de l’environnement social. La question spécifique de recherche qui guidera l’en-semble de cette étude est la suivante : « Quelle est l’expérience globale des familles accompagnant un proche dans le processus d’aide médicale à mourir ? ». Pour ce faire, voici les quatre objectifs pour y répondre : 1) décrire l’accompagnement offert aux proches durant le processus d’AMM provenant de l’équipe médicale ; 2) explorer les relations et interactions des proches entre eux durant le processus d’AMM ; 3) décrire les percep-tions des proches concernant le processus d’AMM et 4) explorer le processus de deuil des proches spécifique à l’AMM.

Le présent document se divise en sept chapitres. Au chapitre 1, il sera d’abord question de la problématisation de l’AMM, depuis le projet de loi jusqu’à son entrée en vigueur au Québec, mais également de la décriminalisa-tion de l’assistance à la mort au Canada qui sont intimement liées. Au chapitre 2, la recension des écrits expo-sera tout d’abord le point de vue des proches à l’international sur des réalités similaires à celle de l’AMM, soit le suicide assisté principalement, ainsi que quelques éléments pouvant influencer l’expérience des proches en contexte de soins de fin de vie. Ensuite, ces écrits seront remis en question et leurs limites seront exposées. De plus, la pertinence disciplinaire, sociale et scientifique de cette recherche portant sur un phénomène en émerge seront détaillées. Par la suite, au chapitre 3, la perspective théorique choisie pour l’analyse des résultats, soit la théorie bioécologique de Bronfenbrenner (2005) sera présentée. Par la suite, au chapitre 4, la méthodologie de cette étude y sera exposée : le but et les objectifs de recherche, l’approche privilégiée, le type de recherche, la population à l’étude, l’échantillonnage, le mode de collecte de données, le mode d’analyse des données et les considérations éthiques. Au chapitre 5, les résultats de cette étude seront décrits et au chapitre 6, ceux-ci seront

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repris et exposés, en parallèle avec les écrits scientifiques ainsi qu’avec le modèle théorique mentionné précé-demment. De surcroît, des pistes d’intervention psychosociales seront proposées pour accompagner les per-sonnes en fin de vie ainsi que leurs proches dans le processus d’AMM. À la fin de ce chapitre, les limites de cette étude seront également énoncées. Finalement, la conclusion représentera une synthèse générale de cette recherche, tout en présentant des perspectives futures pour la recherche et la pratique concernant l’AMM et le travail social.

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Chapitre 1 : La problématique de recherche

1. L’objet d’étude

1.1.

Le Projet de loi n° 52 et la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec

Afin de favoriser la compréhension du lecteur quant à la situation québécoise de l’AMM, un résumé du chemi-nement de la loi québécoise actuelle a été rédigé, en parallèle avec la place de l’accompagchemi-nement psychosocial et des proches dans la création de cette loi. De plus, un résumé quant à l’historique de la loi fédérale a également été rédigé afin de distinguer les mesures apportées par chacune des lois.

1.1.1.

La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité

Bien avant le Projet de loi n° 52, au cours des années 2000 selon plusieurs sondages effectués, entre 70 % et 80 % de la population québécoise était déjà en faveur de l’euthanasie (Assemblée nationale du Québec, 2012). Toutefois, comme il s’agissait d’un sujet délicat et empreint de questionnements éthiques, le 4 décembre 2009, l’Assemblée nationale créa la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité afin d’étudier la question de l’assistance médicale à la mort. Ces travaux furent menés principalement par la députée de Joliette, Véronique Hivon, qui en fut également l’initiatrice (Parti Québécois, 2018). Pour ce faire, les parlementaires ont procédé en deux temps, tout d’abord par la consultation d’experts provenant de plusieurs disciplines profession-nelles (médecine, travail social, psychologie, sociologie, etc.) et par la suite par une consultation générale avec la participation de la population. En ce sens, en mai 2010, un rapport fût rendu public afin d’informer la population et ainsi l’inviter à prendre part aux échanges (Assemblée nationale du Québec, 2012).

La Consultation générale sur la question de mourir dans la dignité, composée de 32 experts, dans le cadre de la Commission spéciale a permis de recueillir 273 mémoires, provenant de divers tiers et organismes (Assem-blée nationale du Québec, 2017b), et 75% de ceux-ci avaient été rédigé par des citoyens (Assem(Assem-blée nationale du Québec, 2012). Les mémoires de ces tiers avaient pour but de partager leurs préoccupations quant aux répercussions de l’AMM, ainsi que des recommandations selon leur expertise respective ou leur expérience personnelle.

Parmi les mémoires des grandes associations principalement concernées dans le dossier telles que le Collège des médecins du Québec (CMQ), (2010) et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), (2010), seuls l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ) (2010), l'Ordre des psychologues du Québec (2010), l'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) (2010) et le Réseau de soins palliatifs du Québec (RSPQ) (2010) ont accordé une attention particulière aux proches

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ou au deuil de ceux-ci dans le processus. Cantin (2019, à paraître) a par ailleurs effectué une étude sur la place du soutien psychosocial dans les 20 mémoires qui l’ont abordé.

Dans son mémoire, l’OTSTCFQ (2010) mentionne notamment qu’un travail interdisciplinaire est nécessaire puisque la fin de vie est un événement complexe et que les membres de la famille doivent être tenus au courant des discussions pour savoir comment participer au processus d’AMM. De plus, l’Ordre ajoute qu’« une nouvelle forme de deuil serait à prévoir pour les proches » (p.18) puisque les familles pourraient vivre un sentiment de responsabilité ou de complicité dans le fait d’avoir participé à sa mort ou par le fait de ne pas avoir été en mesure de prévenir ce choix de fin de vie. En ce sens

[l]es travailleurs sociaux et les thérapeutes conjugaux et familiaux attirent l’attention sur le support et l’accompagnement spécifiques à offrir, dans ces situations particulières, aux personnes proches d’un mourant ayant bénéficié d’une aide médicale pour mourir et favorisent l’actualisation de mesures d’éducation au deuil et à la mort appropriées pour les endeuillés. (OTSTCFQ, 2010, p.18).

En ce qui a trait au mémoire de l’Ordre des psychologues du Québec (2010), comme l’OTSTCFQ (2010), il énonce que la participation à ce genre de décès pouvait entraîner de la culpabilité ainsi que des remords ce qui pourrait compliquer le deuil des proches. De plus, les psychologues spécialisés en soins palliatifs « indique[nt] que le risque est grand de voir les regrets, les auto-reproches, la peur d’être jugé et l’isolement social qui en découle suivre leur participation active à la décision de fin de vie, quelle que soit cette décision. Il importe donc de bien peser la responsabilité que l’on fait porter aux proches. » (p.9). De plus, l’Ordre a mentionné que les proches ont besoin non seulement d’information, « mais également de conseils afin de partager avec l’équipe médicale le choix des orientations de traitement, de fin de traitement ou d’autres interventions de fin de vie » (p.9). Également, le mémoire suggère qu’affronter le rôle joué par les proches dans ce genre d’événement pourrait être vécu difficilement.

De son côté l’AQSP (2010) a énoncé ses préoccupations en lien avec la valorisation du suicide par l’entremise de cette loi, et avec le risque que les proches présentent des idées suicidaires après le décès de la personne par AMM. En ce sens, le RSPQ (2010) a mentionné que les deuils induits par les suicides traditionnels sont difficiles et se questionnait quant à savoir s’il en était de même pour les morts hâtées médicalement. De plus, le Réseau a dénoté que les impacts potentiels sur le deuil des proches des morts hâtées médicalement étaient peu connus.

Le rapport final de cette Commission spéciale fût rendu le 22 mars 2012 (Assemblée nationale du Québec, 2017a) et les nombreuses recommandations de celles-ci ont ainsi pu servir d’assise au Projet de Loi n° 52. En ce qui a trait aux proches, dans ce rapport l'Assemblée nationale du Québec (2012) énonce que, selon les

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différents mémoires et témoignages reçus, l’euthanasie aurait le potentiel de faciliter le processus de deuil des familles puisque ces morts sont « plus douces et humaines » (p.67) et que le départ de l’être cher serait « em-preint de plus de sérénité, car le passage serait voulu et planifié par la personne en fin de vie » (p.67). Le rapport mentionne également que la planification du soin permet aux familles de vivre les derniers moments jusqu’au bout. Toutefois, l'Assemblée nationale du Québec (2012) énonce que, d’autre part, la mort assistée médicale-ment « est une méthode violente qui ne peut en aucun cas favoriser un deuil serein, le temps consacré à ac-compagner une personne chère vers la mort contribuant à amorcer le processus de deuil pour l’entourage » (p.67).

Également, selon les témoignages et les mémoires, les morts hâtées ont souvent été comparées aux suicides traditionnels et au processus de deuil difficile associé. Finalement, la participation au processus d’une fin de vie assistée médicalement pourrait engendrer des conséquences tel un sentiment de culpabilité, dont il a été ques-tion précédemment. Somme toute, l'Assemblée naques-tionale du Québec (2012) a menques-tionné que l’absence de connaissances approfondies issues de la recherche sur les impacts potentiels de l’euthanasie ou du suicide assisté sur les familles ne permettait pas d’en savoir davantage à ce sujet. Cependant, le rapport stipule qu’après avoir consulté des équipes soignantes aux Pays-Bas et en Belgique, les intervenants de la santé n’ont pas remarqué une différence significative, concernant les impacts sur le deuil, entre les décès traditionnels et les morts hâtées. De surcroît, ces professionnels de la santé ont indiqué que « lorsque la décision d’avoir recours à l’euthanasie a fait l’objet de discussions avec les proches, leur deuil pourrait être facilité. » (p.69). Finalement, l'Assemblée nationale du Québec (2012) énonce que les proches peuvent ressentir « un sentiment de devoir accompli en ayant respecté et accompagné [la personne] dans son ultime choix. » (p.69), selon le témoignage d’une veuve belge, dont le conjoint est décédé par euthanasie.

1.1.2.

Le Projet de Loi n° 52

Le 22 mai 20143, le Projet de Loi n° 52 fut érigé et déposé à l’Assemblée par madame Hivon, en collaboration avec le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette (Assemblée nationale du Québec, 2017d). Principalement, ce projet de loi avait comme objectif principal « […] d’assurer aux personnes en fin de vie des soins respectueux de leur dignité et de leur autonomie et de reconnaître la primauté des volontés relatives aux soins exprimées clairement et librement par une personne. » (Assemblée nationale du Québec, 2014, p. 2). Pour ce faire, ce projet de loi prévoyait d’offrir des soins palliatifs de qualité accessibles, d’encadrer la sédation

3 « Ce projet de loi a été présenté initialement à la 40e législature, 1re session. Il a été présenté de nouveau à la 41e législature, 1re

session le 22 mai 2014, à la suite de l'adoption à l'unanimité d'une motion du leader du gouvernement ». (Assemblée nationale du Québec, 2017d)

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palliative continue, d’encadrer la création d’un nouveau soin, soit l’AMM et l’instauration d’une nouvelle procé-dure, soit des directives médicales anticipées (Assemblée nationale du Québec, 2014). Également cette loi prévoyait la mise sur pied de la Commission sur les soins de fin de vie ayant « pour mandat d’examiner toute question relative aux soins de fin de vie et de surveiller l’application des exigences particulières relatives à l’aide médicale à mourir. » (Assemblée nationale du Québec, 2014, p. 2) en plus de produire un rapport annuel d’ac-tivités portant sur ces soins de fin de vie (Collège des médecins du Québec, 2017). Finalement, ce projet visait également à modifier le Code civil du Québec; le Code de procédure civile (chapitre C-25); la Loi médicale (chapitre M-9); la Loi sur la pharmacie (chapitre P-10) et la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) (Assemblée nationale du Québec, 2014, p. 2).

Dans le cadre des Consultations particulières sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie, 63 mémoires finaux ont été déposés. Parmi les groupes principaux mentionnés précédemment, l'OTSTCFQ (2013) a énoncé dans ce mémoire que les travailleuses sociales « qui, par la nature de leur travail, sont en mesure de jouer un rôle actif au niveau de l’évaluation des demandes, du processus décisionnel et de l’accom-pagnement de la personne et de ses proches » (p.10) puisqu’un soin de fin de vie demeure une réalité délicate ayant des répercussions sur la personne en fin de vie, mais surtout à l’égard des proches et des familles. De surcroît, selon l’OTSTCFQ (2013), les travailleuses sociales, par leurs compétences et leur expertise en relation d’aide, celles-ci seraient les professionnelles les mieux placées dans l’AMM pour s’assurer « de l’évaluation des demandes de soins de fin de vie, du processus décisionnel et de l’accompagnement de la personne et de ses proches de façon à établir un plan de fin de vie adéquat » (p.14). En ce sens, l’OTSTCFQ (2013) recommande « d’initier le processus au moment où s’installent les conditions inexorables qui mènent à la fin de la vie, ou même avant, afin d’être en mesure de jouer un rôle déterminant auprès de la personne concernée et de ses proches » (p.14). De plus, l’OTSTCFQ (2013) mentionne que l’AMM comporte des « considérations [qui] font [sic] bien au-delà de la logique de soins et de l’encadrement légal. » (p.14) de sorte qu’une travailleuse sociale devrait absolument œuvrer au sein de la Commission instaurée par la loi.

Pour ce qui est du mémoire de l'OIIQ (2013), il est mentionné que les infirmières doivent être à la disposition des proches lorsque survient le décès et après afin « d’aider la famille à vivre cette dernière étape de fin de vie d’un être cher. » (p.16). De plus au Québec, même si l’infirmière n’administre pas l’AMM elle est appelée à participer au processus et à « apporter son soutien au patient et à ses proches avant, pendant et après l’inter-vention. » (p.17). L’OIIQ (2013) a énoncé que comme toute personne est susceptible d’être touchée par l’AMM, il est important que l’information à son sujet soit diffusée limpidement et que les Québécois soient assurés que « tout sera mis en œuvre pour leur offrir soutien et accompagnement tout au long du continuum de soins. » (p.26) tant pour les personnes en fin de vie que leurs proches.

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De son côté la Société québécoise des médecins de soins palliatifs (SQMDSP) a déposé ses premières recom-mandations et inquiétudes liées à l’AMM. En effet, ce groupe de médecins a déterminé que le projet de loi n° 52 ne prenait pas en compte les familles dans le processus et a évoqué que celles-ci pouvaient être affectées par l’AMM, sans toutefois aller plus loin dans les explicitations (SQMDSP, 2013). Concernant le deuil, l'AQPS (2013) mentionnait que le processus de deuil est nécessairement influencé par « la manière et la cause du décès » ( p.19), et que « [l’AMM] comme toute expérience de vie interpelant les valeurs personnelles et [étant] susceptible de générer de l’angoisse, de la tristesse et de l’incertitude, celle-ci comporte un risque pour les personnes qui resteront après le décès. » (p. 19). De plus, selon l’étude de Gamondi, Pott, Forbes et Payne (2013) citée dans AQPS (2013), les membres de la famille en deuil vivent des difficultés d’ordre morales, de l’isolement et une « gestion secrète de l’aide au suicide » (p.19) et il est donc impératif de prendre en compte les besoins des proches dans le processus d’AMM selon l’Association.

La Loi concernant les soins de fin de vie québécoise est donc le résultat de plus de 4 ans de discussion et d’échanges dans le cadre des « Consultations particulières sur le projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie » (Assemblée nationale du Québec, 2017c) et de la Commission spéciale mourir dans la dignité. Le 5 juin 2014, le projet de loi fût adopté majoritairement par les députés de l’Assemblée nationale (Vote : Pour 94, Contre 22, Abstention 0), et la loi est entrée en vigueur le 10 décembre 2015 (Assemblée nationale du Québec, 2017d).

Avant de voir en détail ce qu’est concrètement l’AMM au Québec, voici un aperçu de ce qui s’est fait au Canada, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi québécoise.

1.2.

Pour le reste du pays : l’arrêt Carter de la Cour suprême du Canada

Puisque la loi fédérale vient ajouter certains points à la loi provinciale, voici un résumé du cheminement de la Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir). Pour le reste du Canada, le développement de l’AMM résulte principalement du combat de Kay Carter, une femme qui souffrait d’une sténose spinale, et de celui de Gloria Taylor, une femme atteinte de sclérose latérale amyotrophique (maladie de Lou Gehrig). Ces femmes aux prises avec une maladie incurable et dégénérative

évoquaient que l’interdiction de l’assistance à la mort était contraire à la Charte canadienne des droits et liber-tés. Toutefois, avant l’issu du jugement de la Cour suprême, Kay Carter est décédée par suicide assisté en Suisse et Gloria Taylor est décédée d’une infection liée à sa maladie. (La Haye, 2015; Radio-Canada, 2012 ; 2016). À la suite du procès Carter c. Canada, le 6 février 2015, la Cour suprême a tranché et a statué « que l’article 14 et l’alinéa 241b) du Code criminel [étaient] inconstitutionnels étant donné qu’ils empêch[ai]ent les médecins d’aider à la mort par consentement d’une autre personne. » (Gouvernement du Canada, 2016a,

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paragr. 1). À partir de cette date, la Cour a autorisé un délai d’un an, afin que le gouvernement du Canada modifie ces articles. Toutefois, en raison d’un changement de gouvernement et afin d’effectuer les modifications pour être en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés, un délai supplémentaire de quatre mois fût autorisé le 15 janvier 2016 (Gouvernement du Canada, 2016a, 2017).

Entre temps, le 14 avril 2016 à la Chambre des communes, le projet de loi C-14, la Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir), fut présentée (Bibliothèque du Parlement, 2017), mais ce n’est que le 17 juin 2016, que la Loi fédérale modifiant les dispositions du Code criminel portant sur l’aide médicale à mourir, entra en vigueur (Gouvernement du Québec, 2019c). Or, comme la santé et les services sociaux relèvent d’une compétence provinciale, toutes les provinces canadiennes ont dû se munir d’une loi encadrant l’AMM, ou le suicide assisté le cas échéant, en conformité avec les dispositions de la loi fédérale (Gouvernement du Canada, 2018).

1.2.1.

Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir)

Concrètement, les objectifs principaux de cette loi fédérale visent à protéger les professionnels de la santé administrant ou fournissant les doses médicamenteuses létales (Gouvernement du Canada, 2016b). En ce sens, selon la loi fédérale, l’AMM peut être pratiquée par un médecin ou une infirmière praticienne4 et de deux façons différentes : le professionnel de la santé peut administrer à une personne qui en fait la demande, « une substance qui cause sa mort » (euthanasie) ou il peut prescrire ou fournir cette même substanceà la personne qui en fait la demande, « afin qu’elle se l’administre et cause ainsi sa mort. » (suicide assisté) (Gouvernement du Canada, 2016b, p. 5).

Pour être éligible, la personne qui désire l’AMM doit

être admissible à recevoir des services de santé financés par le gouvernement fédéral, une pro-vince ou un territoire, généralement, les personnes en visite au Canada ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir; être âgé d'au moins 18 ans et mentalement capable. […] avoir un problème de santé grave et irrémédiable; faire une demande délibérée d'aide médicale à mourir qui ne soit pas le résultat de pressions ou d'influences externes; donner un consentement éclairé pour recevoir l'aide médicale à mourir (Gouvernement du Canada, 2018, paragr. 7).

De son côté, la loi fédérale indique que la personne doit être

atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables; [vivant un] déclin avancé et irréversible de ses capacités; [qui] lui cause des souffrances physiques ou psycholo-giques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions

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10

qu’elle juge acceptables; sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie (Gouvernement du Canada, 2016b, p. 6).

La loi fédérale se distingue de la loi provinciale concernant quelques points. Tout d’abord, une infirmière prati-cienne peut recevoir une demande d’AMM, l’évaluer et l’administrer, là où les provinces le permettent, ce qui n’est pas le cas du Québec. Également, avec les dispositions de la Loi fédérale, deux types d’AMM sont tech-niquement possibles au Canada (Gouvernement du Canada, 2018). Toutefois, le suicide assisté n’est pas dis-ponible au Québec. De plus, la loi fédérale énonce que la mort naturelle doit être « raisonnablement prévisible […] sans nécessiter un pronostic précis. Il n'est pas nécessaire d'être atteint d'une maladie mortelle ou d'être en phase terminale pour être admissible à l'aide médicale à mourir. » (Gouvernement du Canada, 2018, paragr. 8) et qu’une personne en situation de handicap peut s’en prémunir. Or, au Québec, l’AMM est réservée aux per-sonnes en fin de vie uniquement et les délais avant la mort naturelle, doivent être prévisibles et mesurables (12 mois et moins d’espérance de vie environ).

Finalement, en ce qui concerne la loi fédérale, elle impose, notamment, à toutes les provinces que le formulaire d’AMM soit signé par deux témoins indépendants, qu’un délai de plus ou moins 10 jours soit imposé entre la demande et la concrétisation du soin et les lois provinciales ne peuvent pas être plus permissives que celle-ci.

1.3.

L’AMM au Québec : ce qu’il en est concrètement

Selon la définition officielle de la Loi concernant les soins de fin de vie, les soins palliatifs représentent « les soins actifs et globaux dispensés par une équipe interdisciplinaire aux personnes atteintes d’une maladie avec pronostic réservé, dans le but de soulager leurs souffrances, sans hâter ni retarder la mort, de les aider à conserver la meilleure qualité de vie possible et d’offrir à ces personnes et à leurs proches le soutien

né-cessaire » (Éditeur officiel du Québec, 2018, p. 3). Or selon cette même loi, l’AMM est « un soin consistant en

l’administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à la demande de celle-ci, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès. » (Éditeur officiel du Québec, 2018, p. 4). L’AMM ne fait donc pas partie des soins palliatifs, mais bien des soins de fin de vie. En ce sens, rien ne garantit dans la loi que les proches seront accompagnés et qu’ils obtiendront un quelconque soutien.

Concernant les critères d’admission pour demander une AMM, la personne qui en fait la demande doit : être assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie; être majeure; être apte à consentir aux soins […]; être en fin de vie; être atteinte d’une maladie grave et incurable; avoir une situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables. (Gouvernement du Québec, 2019c, paragr. 2)

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11

Concernant les lieux où il est possible de recevoir ce soin, l’AMM est un soin disponible dans tous les établis-sements publics de la santé et des services sociaux et à domicile, toutefois, les maisons de soins palliatifs (étant privées) peuvent choisir de l’offrir ou non (Éditeur officiel du Québec, 2018). Pour réaliser une demande d’AMM, la personne en fin de vie doit formuler verbalement sa demande à un professionnel de la santé et des services sociaux, tel que les médecins, les infirmières, les travailleuses sociales, etc. Par la suite, le formulaire écrit De-mande d’aide médicale à mourir (Voir Annexe-2) doit être rempli et il doit être signé en présence d'un profes-sionnel de la santé, mais également par deux témoins indépendants. La demande d’AMM doit être contresignée par un deuxième médecin non lié au premier, après avoir examiné la demande et établi que les critères énumé-rés ci-haut sont respectés. Finalement, la personne en fin de vie doit signaler son accord verbalement lors de chaque rencontre avec son médecin, comme quoi il consent toujours à ce soin. (Gouvernement du Québec, 2019b)

Le processus se déroule sur plus ou moins 10 jours, entre la demande et l’acte, puisque le médecin peut de-vancer la date s’il juge que la personne pourrait perdre son aptitude à consentir avant ce temps ou s’il croit que la personne décédera naturellement d’ici la date prévue. Il est primordial de souligner que la personne en fin de vie peut retirer sa demande d’AMM à tout moment ou reporter la date d’administration (Gouvernement du Qué-bec, 2019b). Initialement, entre décembre 2015 et juin 2016, la loi québécoise ne requérait pas la signature des deux témoins et ne prescrivait pas de délai entre la demande et le soin.

En somme, au Québec l’AMM est un soin de fin de vie offert pour les personnes majeures aptes à consentir à leurs soins et qui sont en fin de vie. Dans la belle province, seuls les médecins sont autorisés à administrer par injections l’AMM et tous les établissements de la santé du réseau public doivent fournir ce soin dans leur éta-blissement ou au domicile du demandeur.

1.3.1.

L’importance du rôle du médecin au Québec

Il est important de souligner que plusieurs réticences envers l’AMM ont été démontrées par divers professionnels de la santé, dont les médecins. En effet, ceux-ci dénonçaient, entre autres, le choix de l’AMM au détriment d’un accès de qualité aux soins palliatifs, le choix économique de recourir à l’AMM pour le système de santé, les craintes envers les sanctions judiciaires liées à des actes criminels (assistance à la mort), le fait que l’euthanasie entrait en conflit avec la philosophie des soins palliatifs ou que donner la mort à des êtres humains ne faisait pas partie des valeurs et des pratiques des médecins qui cherchent plutôt à soigner (Cameron, 2013; Gaudreau, 2009; Radio-Canada et La Presse Canadienne, 2013). Toutefois, bien que les médecins puissent refuser de pratiquer ce soin, ils conservent le devoir de référer la demande vers un autre médecin (Éditeur officiel du Québec, 2018).

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12

Lors d’une demande d’AMM, en plus d’évaluer la demande, le médecin doit également s’assurer que la per-sonne en fin de vie a eu l’occasion de discuter de son choix de fin de vie avec les proches qu’il désirait informer de sa démarche. Il a également la responsabilité de trouver un deuxième médecin afin d’obtenir un second avis professionnel pour attester que la personne répond bel et bien aux critères définis par la loi (Gouvernement du Québec, 2017b). De plus, un avis au Conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens de l’établissement où œuvre le médecin qui a administré l’AMM, doit être envoyé dans les dix jours suivants (en cabinet privé, le médecin doit alors se référer au CMQ) et le Formulaire de déclaration de l’administration d’aide médicale à mourir doit également être acheminé à la Commission sur les soins de fin de vie selon le délai prescrit ci-haut afin d’être analysé (Gouvernement du Québec, 2017b). Pour ce qui est de la place réservée aux proches dans le processus de l’AMM, selon le Gouvernement du Québec (2017b) « [l]e médecin doit aussi s’assurer que les proches reçoivent le soutien et l’aide nécessaires avant, pendant et après l’administration de l’aide médicale à mourir. » (paragr. 7).

Somme toute, il est possible de constater que l’AMM est une nouvelle réalité médicale, de prime abord très technique, ayant causé un remue-ménage politique important au Québec, mais également au Canada. Cepen-dant, force est de constater que les volets légaux et médicaux semblent avoir été au cœur du débat sur l’AMM, en plus des dilemmes éthiques suscités. En ce sens, il est possible de constater que le volet social de ce phénomène semble absent des débats, notamment dans les mémoires déposés durant la Commission spé-ciale. De plus, présentement, peu d’éléments sont connus concernant la concrétisation de l’AMM dans les centres hospitaliers ou à domicile, puisqu’il s’agit d’une nouvelle pratique, et que les connaissances scienti-fiques et québécoises en la matière sont actuellement en développement. En ce sens, près de trois ans après la légalisation de l’AMM au Québec, les effets et les impacts de ce soin sur les proches et les familles demeurent encore méconnus à ce jour, en plus de ne pas avoir été réellement discutés lors de la création de la loi, faute de connaissances académiques sur le sujet.

2. La pertinence de l’objet d’étude

2.1.

La pertinence sociale et disciplinaire

Sur le plan social, au Québec, l’AMM a sans aucun doute provoqué une remise en question des valeurs et des pratiques d’intervention en fin de vie, ce qui démontre l’intérêt de la société québécoise à l’égard de cette ques-tion, mais qui souligne également ses préoccupations. De plus, comme mentionné précédemment, les préoc-cupations d’ordre social de cette pratique médicale sont peu discutées et par le fait même peu connues, surtout en ce qui a trait aux familles impliquées dans ce processus. Or, cette recherche vise à produire des données susceptibles d’améliorer les connaissances à ce sujet, ce qui pose d’emblée sa pertinence sociale.

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En guise de rappel, au cours de la première année de l’application de la loi québécoise, 461 personnes ont eu recours à ce soin de fin de vie au Québec, ce qui équivaut à une hausse de 84% des demandes d’AMM entre les six premiers mois et les six derniers (Gentile, 2017). Cette augmentation n’est pas négligeable et le ministre de la Santé et des Services sociaux d’alors, Gaétan Barrette, a admis qu’il s’agissait d’une constatation surpre-nante puisque les estimations n’étaient pas si élevées pour la première année (Radio-Canada, 2016b). De sur-croît, 1632 AMM ont été administrée entre le 10 décembre 2015 et le 31 mars 2018 au Québec (Gouvernement du Québec, 2019). Même si les décès par AMM ne représentaient que 1,09 % des décès au Québec entre 2016 et 2018 (Gouvernement du Québec, 2019), il va sans dire qu'un nombre important de proches sont touchés et endeuillés par ce soin de fin de vie particulier en émergence.

Parmi les quelques écrits américains et européens concernant le point de vue de ces proches, suicide assisté et euthanasie confondu (Back et coll., 2002; Dees, Vernooij-Dassen, Dekkers, Elwyn, Vissers et Weel, 2012; Gamondi, Pott, Preston et Payne, 2018; Gamondi, et coll., 2013; Ganzini, Goy, Dobscha et Prigerson, 2009; Kuuppelomäki, 2000; Pott, Dubois, Currat et Gamondi, 2011; Pott et coll., 2011; Pott, von Baalmoos, Dubois et Gamondi, 2013; Starks et coll., 2007; Swarte, Lee, Bom, Bout et Heintz, 2003; Wagner, Keller, Knaevelsrud et Maercker, 2012; Wagner, Müller et Maercker, 2012), il n’existe pas de consensus clair sur les effets potentiels de l’assistance médicale à la mort. Certains concluent que ce type de fin de vie est plutôt une expérience néga-tive, problématique et qui peut provoquer des deuils compliqués, tandis que d'autres parlent d'une expérience positive et d'un deuil facilité par la préparation à la mort. De plus, certaines études indiquent que les diverses interactions avec l'environnement social et physique dans lequel est réalisé ce soin pourraient également in-fluencer l'expérience des proches (Gamondi et coll., 2013, 2018; Kuuppelomäki, 2000; Starks et coll., 2007; Wagner, Keller et coll., 2012; Zala, 2005). Considérant que ce soin de fin de vie peut avoir des répercussions potentielles sur la vie des Québécois et que les demandes d’AMM augmentent, il est impératif de documenter cette réalité sociale.

De surcroît, cette recherche comporte également une pertinence sur le plan disciplinaire pour le travail social. En effet, l’AMM est depuis très récemment un nouveau service offert dans la gamme des soins de fin de vie au Québec. Or, il apparait pertinent et primordial de documenter cette nouvelle réalité, dans l’optique de l’amélio-ration constante des pratiques des travailleuses sociales et des autres professionnels du système de santé québécois œuvrant en soins de fin de vie plus particulièrement. En effet, ce mémoire pourra certainement émettre des recommandations pragmatiques en lien avec l’accompagnement psychosocial des proches dans le contexte de l’AMM et ainsi améliorer les pratiques du travail social dans ce champ d’intervention. Ainsi, des pratiques et des interventions mieux adaptées à la réalité des proches, et des personnes en fin de vie par le fait même, pourront améliorer leur qualité de vie à une étape cruciale où un accompagnement psychosocial est

(23)

14

souvent de mise. Toutefois, la loi actuelle ne dispose pas de mesures particulières concernant la nécessité d’inclure des travailleuses sociales dans le processus.

2.2.

La pertinence scientifique

Or, malgré ce phénomène grandissant, jusqu'à présent, peu ou pas d'études ont été réalisées au Québec sur l'AMM. De surcroît, lorsqu’on se réfère aux écrits scientifiques sur les morts hâtées médicalement, celles-ci sont majoritairement quantitatives, ce qui traduit difficilement les phénomènes sociaux complexes, d’autant plus qu’elles se concentrent principalement sur l’expérience de l’équipe médicale ou des personnes en fin de vie, et non sur celle des proches.

Comme les écrits scientifiques portant sur l’expérience des proches en contexte d’euthanasie sont peu nom-breux et peu récents, il va de soi que le développement et la diffusion de nouvelles connaissances crédibles et fiables sur le sujet sont nécessaires. En effet, comme mentionné précédemment, à l’international certains cher-cheurs s’entendent pour dire que la mort hâtée médicalement aurait des répercussions négatives (deuil compli-qué, symptôme du trouble du stress post-traumatique (TSPT), etc.) (Bascom et Tolle, 2002; Swarte et coll., 2003; Wagner, Keller et coll., 2012; Wagner, Müller et coll., 2012; Zala, 2005) sur le deuil, tandis que d’autres suggèrent plutôt que les effets seraient positifs (dire au revoir au proche malade, se préparer au deuil, etc.) (Bascom et Tolle, 2002; Ganzini, Dobscha, Heintz et Press, 2003; Ganzini et coll., 2009; Sullivan, Hedberg et Fleming, 2000; Swarte et coll., 2003; Zala, 2005)

Comme ces écrits sont divisés, il est impossible d’en tirer une conclusion claire. Cette dichotomie peut hypothé-tiquement s’expliquer par la différence entre les milieux où les études ont eu lieu. En effet, certaines études suggèrent que l’environnement social serait un élément clé à considérer puisqu’il influencerait l’expérience glo-bale de ces proches en contexte de soins palliatifs ou en en cas d’euthanasie active (Kuuppelomäki, 2000; Wagner, Keller et coll., 2012). À la lumière de ces constatations, il n’est pas possible d’appliquer concrètement les résultats de ces études à l’AMM au Québec puisqu’elles proviennent de pays ayant un système de santé différent du modèle québécois. En effet, l’organisation des soins de santé est une réalité propre à chaque pays, province ou état. De plus, certaines de ces études traitent de suicide assisté, ce qui ne correspond pas à l’AMM puisque le degré d’implication des proches est complètement différent dans les deux cas, qu’il existe des diffé-rences au niveau de l’encadrement de ce soin et du cadre législatif, nous y reviendrons en détail au chapitre 2. En somme, les savoirs actuels sur l’euthanasie active au Québec demeurent donc insatisfaisants en ce qui a trait notamment les proches impliqués dans ce processus.

Sur le plan des savoirs, cette étude s’inscrit dans une prolongation des connaissances sur l’euthanasie active puisqu’elle explore une dimension peu abordée dans les écrits scientifiques à ce sujet, comme mentionné

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haut, soit le point de vue des proches. En effet, jusqu’à présent, aucune étude qualitative n’a été réalisée con-cernant les proches ayant accompagné une personne dans le processus de l’AMM au Québec spécifiquement. Sur le plan des connaissances québécoises, la recherche sur ce sujet permettra de mieux apprivoiser ce nou-veau phénomène et enrichira considérablement les savoirs dans le champ du travail social de la santé en soins de fin de vie. Ce mémoire permet non seulement de combler un vide au niveau des connaissances, mais il permet également de produire des données primaires et des résultats originaux qui pourront être utilisés pour les recherches futures sur le sujet.

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Chapitre 2 : La recension des écrits

Ce chapitre regroupe la démarche documentaire, la recension des écrits concernant les proches et les familles dans les morts hâtées médicalement, principalement portant sur le suicide assisté puisque les recherches avec des données primaires sur les proches au travers un processus d’euthanasie sont peu nombreuses. Ensuite, nous explorerons quelques écrits sur les éléments influençant l’expérience des proches lorsqu’ils accompagnent des personnes en fin de vie, un survol de ce qui se fait en termes de soutien psychosocial et finalement les limites de ces études.

1. La démarche documentaire

Peu d’articles scientifiques canadiens ont été publiés jusqu’à présent concernant l’AMM, néanmoins, les publi-cations canadiennes relatent, entre autres, les débats éthiques reliés à l’arrivée de ce soin dans le système de santé québécois. À l’international, l’euthanasie active et le suicide assisté ont fait couler beaucoup d’encre et ont fait réagir les équipes soignantes. Or ces écrits se concentrent plus spécifiquement sur l’expérience de l’équipe médicale et des personnes en fin de vie. En effet, plusieurs chercheurs indiquent qu’ils en savent peu au sujet des proches des personnes ayant hâté leur mort médicalement (Bascom et Tolle, 2002; Gamondi et coll., 2013, 2018; Ganzini et coll., 2003; Kimsma et Van Leeuwen, 2007; Pott et coll., 2011, 2013; Starks et coll., 2007; Swarte et coll., 2003; Wagner, Keller et coll., 2012; Wagner, Müller et coll., 2012; Zala, 2005). Parmi les écrits relatant l’expérience des proches d’une personne ayant hâté sa mort, une absence de consensus est observée.

Les différents mots-clés utilisés pour la recherche documentaire se résument à : aide médicale à mourir, medi-cally assisted death, medical assistance in diying, euthanasie active volontaire, active voluntary euthanasia, physician aid in dying, relatives, Family member, proches, Canada, Québec. Pour ce qui est des bases de données documentaires utilisées : Google Scholar, Social Work Abstracts, Érudit, ScienceDirect.

Les articles recensés sont divisés ici selon les résultats des études et les écrits de la littérature grise (publications gouvernementales, livre, articles provenant de quotidiens, etc.) sont regroupés selon les différents thèmes abor-dés dans la recension. On y retrouve, les retombées positives de la mort hâtée médicalement, les dommages collatéraux de la mort hâtée médicalement, les éléments influençant l’expérience des proches en contexte de soins de fin de vie et le soutien psychosocial des proches dans ce type de décès particulier.

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2. Les retombées positives de la mort hâtée médicalement

Selon les écrits scientifiques, certains auteurs proposent une vision optimiste de la mort hâtée et, en consé-quence, de l’expérience des proches (Ganzini et coll., 2009; Sullivan et coll., 2000; Swarte et coll., 2003; Zala, 2005). Selon l’étude néerlandaise de Swarte et ses collaborateurs (2003) portant sur l’euthanasie, une mort dite non naturelle, à l’instar d’un suicide, peut compliquer le deuil des proches, toutefois les chercheurs reconnais-sent qu’il existe une différence fondamentale entre le suicide et les morts hâtées médicalement puisque la mort est annoncée et planifiée, ce qui permet aux proches de faire leurs adieux. En ce sens, selon Zala (2005), en contexte de suicide assisté en Suisse, la mort hâtée médicalement n’est pas perçue comme étant « un acte de rejet ou égoïste » de la part du mourant, à l’instar des suicides traditionnels (p.86). Au contraire, la mort volon-taire programmée serait vue comme « un acte de responsabilité envers son entourage, un geste que l’on pour-rait situer dans la logique de l’éthique de la responsabilité chère à Max Weber » (Zala, 2005, p. 86). Toujours selon l’auteure, la mort hâtée médicalement n’a rien à voir avec le suicide traditionnel violent, brutal et solitaire. Pour les proches, la mort hâtée n’est pas « agonisante ou violente », elle est plutôt apparente à l’assoupisse-ment, au sommeil, ce qui semble faciliter le départ pour l’entourage (Zala, 2005, p. 73). De surcroît, selon l’au-teure, la mort hâtée médicalement implique que la « violence du ‘’mourir’’ » est substitué par la dignité, que l’aspect tragique de la mort est évacué et que la mort est « maitrisée » (p.73). Les proches accompagnants une personne en fin de vie dans ce type de processus auraient tendance à valoriser cette façon de mourir ainsi que la personne mourante (Zala, 2005). De plus, selon cette auteure, les proches qualifieraient ce décès comme étant une belle mort ou une mort douce et que ces souvenirs positifs construits pendant la phase du « mourir » (ce qui inclus l’avant-mort) vont servir d’assise au processus de deuil. Ces souvenirs sont alors source de ré-confort pour les proches et ceux-ci sont mieux outillés pour affronter la perte de l’être cher, ce qui renvoie au concept de loyauté épanouie de Zala (2005).

En ce sens, Starks et ses collaborateurs (2007), dans leur l’étude américaine réalisée en contexte de suicide assisté légal (Oregon) et illégal (Washington avant la légalisation), révèlent que les personnes considérant ce soin avaient tendance à discuter ouvertement de la mort ce qui facilite la fin de vie et la relecture de vie. De plus, selon les auteurs, lorsque la planification avait lieu, les familles avaient une meilleure compréhension de la conception de la représentation d’une « bonne mort » de leur proche et des moyens que celui-ci envisage pour y parvenir. De surcroît, selon Starks et ses collaborateurs (2007) et Swarte et son équipe (2003), comme l’euthanasie active (et également suicide assisté) est une demande explicite de la personne en fin de vie, celle-ci et les proches sont plus souvent enclins à discuter ouvertement de la mort, que les personnes décédées naturellement. Cette démarche leur laisse le temps de se confier et de verbaliser davantage leur point de vue sur la mort, ce qui rejoint également les conclusions de Ganzini et ses collaborateurs (2009). En effet, dans leur

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étude, ces derniers ont également remarqué que les proches des personnes décédées par suicide assisté se sentaient mieux préparés et mieux outillés pour accepter la mort.

Dans son livre, Zala (2005) énonce que des rapprochements entre les proches et les personnes désirant hâter leur décès sont observés régulièrement. Ce phénomène appelé « l’exaltation de l’appétence relationnelle » (De M’Uzan, 1977, cité dans Zala, 2005, p.45) a pour résultat d’intensifier les relations préexistantes et celui-ci dé-passe l’augmentation de la fréquence des contacts et des visites puisqu’il se situe surtout au niveau des émo-tions. Ce phénomène est également observé afin de mettre fin aux tensions existantes, de clarifier des situations entre les parties dans le but « de se quitter en bons termes » (Zala, 2005, p. 45). L’auteure ajoute que des rituels sont souvent pratiqués afin de souligner le départ futur du proche en fin de vie et que tous les événements sociaux (anniversaires, fête des mères, mariage, etc.) prennent une signification singulière durant cette période en raison du contexte de fin de vie. Ces moments rassembleurs se vivent en général dans l’intimité avec la famille proche et un repas y est servi. Maffesoli (1988), cité dans Zala (2005), décrit ce moment comme une célébration de « la sacralité des rapports sociaux » (p.48). Selon l’auteure, pour les proches, le fait de participer à ces rituels peut être associé à un témoignage de solidarité envers les personnes mourantes et leur choix de fin de vie anticipé. D’ailleurs, au cours du processus, les proches impliqués se familiarisent davantage avec la mort prochaine par « […] la participation à la gestion de cette mort dynamique, prévisible et programmée […] [Ce qui fait en sorte qu’] elle ne se réduit pas à un fait biologique, mais une pratique d'ordre social. » (Zala, 2005, p. 94).

2.1.

La notion du respect

Zala (2005) explique dans son livre que la notion de respect des proches est centrée sur les volontés de devan-cer la mort de la personne en fin de vie, mais également sur l’autre, c’est-à-dire le respect de la personne à part entière. Ce qui rejoint les conclusions de Gamondi et ses collaboratrices (2018), en contexte de suicide assisté, mentionnant en plus que ce sentiment de respect n’était pas lié avec le degré d’implication dans le processus. Selon Sullivan et son équipe (2000), les proches qui ont l’impression d’avoir respecté les volontés d’une per-sonne décédée par suicide assisté vivent leur deuil de manière plus positive. Une telle situation semble leur permettre de mieux vivre leur deuil et de mieux accepter la mort en général (Sullivan et coll., 2000), nous re-viendrons sur le deuil sous peu. L’étude de Gamondi et ses collaboratrices (2013), toujours en contexte de suicide assisté, a également abordé la notion de respect et les auteurs ont révélé que le respect de l’autonomie de la personne était responsable dans la plupart des cas, de la résolution des dilemmes moraux occasionnés par la mort hâtée médicalement chez certains proches. Ce qui rejoint également les conclusions de l’étude suisse de Pott, Stauffer et Gamondi (2015), réalisée auprès de 27 proches endeuillés par suicide assisté éga-lement. De plus, selon l’expérience du travailleur social Yvon Bureau, coprésident du collectif Mourir digne et

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libre, plusieurs familles vivent l’AMM de cette façon. Il ajoute que selon lui, le deuil des proches est facilité puisque la personne exprime clairement son choix de fin de vie et possède encore toute capacité à consentir. De surcroît, les personnes en soins palliatifs qui terminent leur vie naturellement « […] finissent souvent par perdre leur cohérence, leur confidentialité, leur identité, leur personnalité, leur dignité » (Caillou, 2017, paragr. 10). Ce qui rejoint les propos de Zala (2005) qui décrit « [l]a lucidité d’esprit, parfois [l’] autonomie physique la différencient radicalement de la figure du mourant ‘’classique’’ sur le lit de mort à l’hôpital ou, plus rarement, à la maison » (p.58).

En revanche, il est important de comprendre la nuance entre le respect du choix et l’acceptation de ce choix, bien qu’un malaise puisse persister. En effet, même s’ils respectent les volontés de la personne en fin de vie, certains proches, en contexte de suicide assisté, espèrent tout de même qu’un décès naturel survienne avant la date prévue de la mort hâtée médicalement puisqu’ils ne sont pas en accord avec ce choix de fin de vie (Gamondi et coll., 2013). À cet égard, dans les situations de suicide assisté, tout comme dans celles d’eutha-nasie active, les proches se sentent parfois contraints d’accepter le choix de la personne ayant recours à ce soin en raison de la persistance de sa demande (Ganzini et coll., 2003; Van Den Boom, 1995), ce qui réfère également au principe de tolérance évoqué par Zala (2005) où le proche prend en considération l’ambition de l’autre, surtout lorsque les points de vue sont divergents. De plus, si les proches n’ont pas le temps de participer au processus de la mort anticipée en raison des délais ou autre, leur cheminement vers l’acceptation du choix de fin de vie et de la mort est affecté. En effet, ces proches ont tendance à accepter et à supporter la personne mourante puisqu’elle « désire fortement » terminer ces jours ainsi (Zala, 2005, p. 88). Toutefois, d’un côté plus positif, Pott et ses collaborateurs (2011) suggèrent que les proches acceptent d’accompagner et de soutenir les personnes en fin de vie, qui font ce choix, en raison de « l’amour qu’ils portent au suicidant dans le respect de son autonomie » (p.279).

2.2.

Le deuil des proches par mort hâtée médicalement

Concernant le deuil de ces proches, selon les résultats de l’étude de Swarte et son équipe (2003) portant sur l’euthanasie, les familles endeuillées vivent moins de deuils traumatiques5, ressentent moins les symptômes associés au deuil, et ont moins de symptômes associés au trouble du stress post-traumatique6 (TSPT), que les familles des proches décédés conventionnellement. Swarte et son équipe (2003) concluent que les proches des

5 Le deuil traumatique réfère aux situations où les symptômes du deuil persistent ou au contraire, sont écourtés, sont trop intenses ou à

l’inverse, ne sont pas assez intenses ou alors ceux-ci se manifestent trop tardivement (Jacobs, Prigerson et Mazure, 2000), comparati-vement au deuil normal.

6 Maladie mentale résultant généralement de l’exposition à un événement traumatisant lié à la mort (Association canadienne pour la

Figure

Figure 1 – La théorie bioécologique adaptée à l'AMM
Figure 2 - Les principales dimensions de l’expérience d’accompagnement des proches dans l'AMM
Tableau 1 - Données sociodémographiques des proches (n=7)  Proches 10 Sexe  Âge
Tableau 2 - Données sociodémographiques des personnes ayant demandé l'AMM (n=7)
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