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L’accompagnement des médecins : une dichotomie bien présente pour les proches

Chapitre 5 : Les résultats

2. Le microsystème médical et son mésosystème

2.1. L’accompagnement des médecins : une dichotomie bien présente pour les proches

Sans grande surprise, les médecins se sont avérés être les professionnels de la santé les plus présents en matière d'accompagnement pour quatre proches dans le processus d’AMM. Or, l’analyse des interactions et des attitudes des médecins envers les proches a démontré que l’accompagnement offert à ces derniers était dichotomique parmi les sept cas d’AMM. De fait, les données font ressortir une disponibilité et des soins centrés sur la personne en fin de vie et ses proches, mais également la présence d’une confusion quant au soin et d’une exclusion des proches dans le processus d’AMM.

En effet, dans un premier temps, il est possible de constater que plusieurs médecins se montraient disposés et accessibles pour les familles, à l’écoute de leurs besoins, de leurs questionnements, de leurs inquiétudes et qu’ils faisaient preuve d’empathie, de compassion, d’humanité envers les mourants et leurs proches, comme le témoigne cette proche :

Après que ça été fait, il s’est assis au pied du lit à mon frère, pis (Pleurs) il a dit que ça avait été spécial pour lui aussi. […] Pis ça nous a fait du bien. (Pleurs) Moi j’étais là à ce moment-là pis j’ai trouvé ça réconfortant. (Pleurs) Il fait pas juste le faire, il a de la compassion. Ha! Ça m’a fait du bien! (Mme Bernier)

De plus, les proches ont souligné que les médecins étaient réellement centrés sur les volontés et sur la demande d’AMM des personnes en fin de vie. Parfois, l’AMM a par ailleurs été proposée parmi les autres options dans la gamme des soins de fin de vie. Dans les situations où l’AMM s’est déroulée à domicile, les proches ont révélé que le médecin responsable du dossier assurait la prise en charge complète de la demande d’AMM en plus de se préoccuper des besoins des proches, ce qui avait comme avantage selon eux d’alléger leur situation de diminuer le stress et de les rassurer, ce qui fut apprécié des familles.

En revanche, le processus de l’AMM ne paraissait pas toujours maitrisé et l’accompagnement des familles ne semblait pas faire partie des préoccupations de certains médecins. Plusieurs exemples le démontrent. Dans deux cas d’AMM en milieu hospitalier dans un département de soins actifs, les proches ont soulevé que les

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médecins n’étaient pas en pleine possession de leurs moyens face au processus et semblaient faire preuve d’insécurité quant aux aspects légaux de ce soin, ce qui avait pour conséquence de créer des inquiétudes quant à sa réalisation tant chez les proches que chez certaines personnes en fin de vie.

Les gens avaient l’air un peu confus. Déjà que nous autres on est confus, si les gens qui le font sont confus j’trouve ça difficile. […] On leur posait des questions pis ils étaient pas sûrs vraiment… […] les règlements de comment la procédure, pis c’était quoi qu’ils pouvaient faire ou pas faire… (Madame Côté)

De plus, dans l’un des cas sur un département de soins actifs, une proche a mentionné qu’une mauvaise inter- prétation des procédures techniques de l’AMM de la part des médecins, quant à la pose des cathéters pour les injections, a fait en sorte que la personne en fin de vie et la proche rencontrée, craignaient que l’AMM soit retardée. En effet, selon la compréhension erronée d’un médecin, ces cathéters devaient être posés absolument 24 heures avant l’AMM. Or, l’erreur a été constatée lorsqu’un autre médecin, venu dans la chambre pour installer les cathéters moins de 24 heures avant l’AMM, a réalisé qu’ils avaient déjà été installés. Ainsi, en raison de cette confusion, la personne en fin de vie et sa fille ne savaient plus si le soin allait être pratiqué à l’heure prévue le lendemain. Cet événement leur a causé un stress important selon le témoignage de la proche rencontrée, puisque sa mère ne pouvait concevoir que son décès allait être repoussé. Heureusement, son décès a eu lieu à l’heure prévue initialement.

Dans deux situations, sur des départements de soins actifs, les proches ont également senti que les médecins ne les prenaient pas en considération dans le processus et que les soins et la prise en compte des besoins étaient davantage axés sur la personne en fin de vie ainsi que sur les procédures médicales.

[…] le médecin […] il nous skippait un peu […] il allait poser des questions à ma mère, si était encore correcte pis toute si elle l’avait changé d’idée. Mais nous on était comme pas là. […] on était dans même salle… dans même chambre, mais on n’était comme pas là. On n’a pas rencon- tré le médecin, disons. Dans ces quatre jours-là je n’ai pas eu comme de médecin venir nous demander « Est-ce que vous avez des questions ou quelque chose ? ». On a comme pas vu le médecin passer, ben on les a vus, mais ils posaient juste les questions à ma mère. (Madame Côté)

Également, l’acte médical semblait parfois réalisé à l’instar d’un traitement de soins actifs, ce qui a donné le sentiment aux proches que l’acte était réalisé machinalement sans tenir compte du fait que ce soin de fin de vie provoque la mort. Pour les proches rencontrés, ce manque de considération de la part des médecins envers le sens existentiel de ce soin pour les personnes en fin de vie et leur entourage leur a laissé une impression que l’AMM n’était pour eux qu’un acte médical banal.

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Dans l’un des cas à domicile, le premier médecin référé par le CIUSSS pour les soins palliatifs à domicile a d’abord annoncé à la personne en fin de vie et à sa proche qu’il ne pratiquait pas l’AMM, tout en la questionnant maladroitement au sujet de ses motifs pour recourir à ce soin. Ainsi, la proche rencontrée et sa sœur en fin de vie ont quitté le médecin, visiblement agacées par ses questions.

[Il] a quand même posé la question « Pourquoi ? Avez-vous peur de mourir, madame ? De quoi vous avez peur ? ». […] je dirais pas qui est allé jusqu’à essayer de convaincre que les soins palliatifs c’était mieux là, mais il y a une petite pression morale là-dessus. […] On était telle- ment…surtout avec sa petite mise en scène judéo-chrétienne là! On avait juste envie de sortir de là. (Mme Lagacé)

Dans certains cas, les professionnels de la santé ont partagé avec les personnes en fin de vie et les proches des difficultés liées à l’organisation et la planification de ce soin faisant en sorte de leur imposer le moment de la mort dans l’horaire habituel de travail. Dans l’un de ces cas, les médecins ont même tenté de renégocier la date du décès avec la personne en fin de vie, en présence de ses proches, puisque le jour choisi correspondait également à une journée où le médecin responsable de la demande était en congé et que l’autre médecin pratiquant l’AMM dans cet établissement devait travailler dans une clinique médicale ce jour-là ou encore qu’il s’agissait d’une fin de semaine. Cette négociation entre les médecins et la personne en fin de vie pour trouver le bon moment pour les médecins a offusqué les proches présents.

Eille ça là! On en est pas revenu encore. […] « Ça pourrait pas être le vendredi parce qu’on est en vacances, fait que faudrait remettre ça » fait qu’elle dit : « Le lendemain ? », ben il dit : « La fin de semaine ça se fait pas, on fait pas ça la fin de semaine, ça se fait sur semaine, fait que faudrait attendre à lundi ». (Silence) (Madame Bouchard)

Dans cette situation, la personne en fin de vie n’a pas cédé à la demande des médecins et est décédée comme convenu, selon la date choisie initialement. Pour les proches, cette négociation a été vécue négativement puisque selon eux les médecins se devaient de respecter les volontés de la personne mourante, sans avoir à en débattre avec eux. La date choisie peut être symbolique pour la personne mourante, donc revêtir une impor- tance capitale pour elle.

Par ailleurs, un médecin qui a pratiqué l’AMM à domicile a toutefois pris le temps d’expliquer à la personne en fin de vie et à ses proches que les contraintes organisationnelles étaient hors de son contrôle et qu’il en était lui aussi profondément choqué.

[…] tu peux pas mourir une fin de semaine de férié, tu peux pas mourir quand c’est les vacances de tout le monde rendu au mois d’août. Parce que les gens sont tous en vacances, sont difficiles à rejoindre, en tout cas c’est l’enfer! C’est l’enfer et c’est là-dessus Dr Simard12 , ça le mettait

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vraiment hors de lui, parce que les gens qui s’attendent à mourir, ou qui sollicite l’aide à mourir, pour eux y’en a pu de vacances, y’en a pas…de fériés (Pleurs et silence). (Madame Lanctôt)

En somme, la majorité des proches ont relaté que l’accompagnement des médecins était englobant et empreint d’humanité. En effet, certains proches ont mentionné que leurs besoins étaient également pris en considération dans le processus et qu’ils se sentaient supportés par ces professionnels de la santé. En revanche, l’accompa- gnement des médecins dans l’AMM était aussi perçu comme étant centré sur les tâches médicales et sur le suivi strict du processus et des protocoles définis par la loi encadrant ce soin, notamment par crainte de pour- suites ou de préjudices pour la personne mourante. Ces actions ont été décrites comme froides et mécaniques par les proches rencontrées. De surcroît, certains proches n’avaient pas l’impression que l’AMM était un soin de fin de vie particulier et qu’ils ne se sentaient pas considérés dans le processus.

2.2. L’accompagnement des infirmières : entre une présence réconfortante et une ab-

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