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Ce chapitre présentera tout d’abord le cadre théorique principal de cette recherche soit la théorie bioécologique de Bronfenbrenner (2005), qui se concentre sur l’environnement social des individus.

1. Les origines de la théorie bioécologique de Bronfenbrenner (2005)

L’approche bioécologique a été utilisée afin de bien saisir l’expérience globale vécue durant le processus d’AMM en lien avec l’environnement social, ainsi que pour analyser l’accompagnement des professionnels de la santé proposé aux proches. L’approche bioécologique de Bronfenbrenner (2005) tire ses origines de l’approche éco- logique des systèmes du développement humain de Bronfenbrenner (1979). Urie Bronfenbrenner (1917-2005) est un psychologue américain d’origine russe ayant développé la populaire théorie écologique des systèmes (Zierten et Gilstrap, 2018) qui ne comportait à l’origine que le microsystème, le mésosystème, l’exosystème, et le macrosystème dans lequel l’enfant se développe et s’organise au cours de sa vie (Bronfenbrenner, 1979). Or il est important de mentionner que cette approche n’est pas utilisée que dans la petite enfance, mais bien tout au cours de la vie des individus (Bronfenbrenner, 2005). Selon l’approche écologique classique, l'individu est considéré comme étant un système ayant la possibilité d’agir et d'influencer les autres systèmes et pouvant également être influencé par ces derniers (Bouchard, 1987). De plus, l’idée centrale de cette approche est que tous les systèmes forment un tout interdépendant, en constante interaction entre eux (Bouchard, 1987).

1.1.

L’approche bioécologique de Bronfenbrenner (2005)

L’approche écologique s’est modifiée au cours des années 1990 et a évolué pour devenir l’approche bioécolo- gique, lorsque les éléments centrés davantage sur l’individu, c’est-à-dire liés à la biologie, à la psychologie et aux comportements, ont été ajoutés à la théorie de base (Lerner, 2005, dans Carignan, 2011). En effet, l’ap- proche bioécologique moderne comprend l’ontosystème, lié aux caractéristiques personnelles de l’individu, ainsi que le chronosystème, lié au temps et aux périodes historiques (Rosa et Tudge, 2013), puisqu’ils influencent également le développement des individus. Dans cette section, tous les systèmes seront explicités en détail, avec notamment un parallèle avec l’AMM lorsqu’applicable. L’approche bioécologique de Bronfenbrenner (2005) très connue en travail social

[…] est un paradigme théorique pour l’étude scientifique du développement humain qui est con- sidéré comme tributaire de l’interaction entre l’individu et les systèmes qui l’entourent, ainsi que l’interaction entre les systèmes eux-mêmes. […] [Elle] propose un cadre conceptuel pour étudier la complexité des dynamiques individuelles et des interactions entre les personnes et leurs envi- ronnements. (Carignan, 2011, p. 147)

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Or, selon la recension des écrits présentée précédemment, l’environnement semble être un élément central dans l’expérience des proches en contexte de soins de fin de vie. Cette approche compréhensive axée sur les individus en interaction avec leur environnement permettra donc d’étudier et d’analyser les réalités et les inter- férences des individus en relation avec les différents systèmes, pendant le processus de l’AMM. En effet, tous les facteurs, toutes les interactions et tous les éléments de l’environnement présents dans les différents sys- tèmes, selon l’approche bioécologique, forment un tout indissociable et toutes interactions entre ces systèmes influencent globalement l’expérience des individus. Comme l’holisme est un élément important dans la perspec- tive bioécologique, il est également à considérer dans le concept central de cette étude, soit l’expérience. En effet, l’analyse des relations existantes entre les différents systèmes permettra de mettre en lumière, entre autres, le point de vue des proches concernant les interactions entre les systèmes par rapport à eux durant le processus d’AMM.

La théorie complète de Bronfenbrenner (2005) comporte 10 propositions, toutefois dans le cadre de cette étude, il ne sera question que de la première, en lien avec l’importance de l’expérience. Brièvement, cette proposition veut que les faits scientifiques pertinents ne soient pas que les propriétés objectives de l’environnement, mais soient aussi la perception subjective de ces derniers. Or, les faits expérientiels sont complexes et continuent d’évoluer après le fait objectif (l’événement), influençant par le fait même les individus dans le futur (Bronfenbren- ner, 2005). En ce sens, avec l’AMM, il est possible de faire le lien entre le vécu du processus, sa signification subjective pour chaque proche et des répercussions possibles maintenant (deuil compliqué, conflit non résolu, dépression, etc.).

En somme, l’approche bioécologique est directement en lien avec le but de cette recherche, puisqu’elle est englobante, centrée le subjectivisme, qu’elle est holiste et qu’elle tente de comprendre les dynamiques entre les individus et leur environnement social.

1.1.1.

Les différents systèmes de l’environnement social

Les six différents systèmes composant la théorie bioécologique, adaptés à l’objet d’étude, soit l’AMM, se défi- nissent ainsi :

i. L'ontosystème

Réfère aux éléments individuels comme l’âge, le sexe de la personne au cœur des systèmes, mais plus parti- culièrement aux « caractéristiques (physiques, intellectuelles, spirituelles), états (physiques, mentaux), compé- tences (personnelles, parentales, sociales, professionnelles), habiletés (reconnaissance d’un talent, d’un savoir- faire, d’une qualité, d’une force) et déficits innés ou acquis de la personne. » (Carignan, 2011, p. 149).

39 ii. Le microsystème

Réfère aux « endroits » régulièrement fréquentés par la personne et où « un schéma d’activités, des rôles et des interactions » (Carignan, 2011, p. 150) prennent lieux, consciemment ou non. En ce sens les groupes de l’environnement immédiat peuvent référer ici aux membres du foyer, à la famille élargie, aux amis, aux collègues de travail, aux gens travaillant dans les services, aux voisins, aux ressources du milieu, à la communauté reli- gieuse. Il est important de mentionner que les caractéristiques des gens au sein de ces microsystèmes s’y retrouvent également. Dans le cas de l’AMM, il faut y ajouter les divers intervenants et professionnels de la santé et des services sociaux puisqu’en ce sens, dans leur expérience ils font partie de l’environnement immé- diat durant l’épisode de soins palliatifs, puisqu’ils sont présents dans le quotidien durant une période de temps circonscrite. (Carignan, 2011)

iii. Le mésosystème

Réfère à l’ensemble des interactions, des relations, des liens, entre les membres du microsystème et la per- sonne (ex. : la relation entre le proche et la personne en fin de vie, les relations entre le proche et la famille élargie, les relations entre le proche et les divers intervenants et professionnels de la santé et des services sociaux, etc.). (Carignan, 2011)

iv. L'exosystème

Réfère aux endroits, lieux, non fréquentés directement par la personne, comme les instances et les activités, politiques ainsi que les décisions qui l’influencent (le ministère de la Santé et des Services sociaux, les médias, le gouvernement, les lois, les systèmes économiques, les syndicats, l’OTSTCFQ, etc.). Selon Carignan (2011), ce système n’est pas perçu directement par la personne au centre, mais il influence tout de même les microsys- tèmes où celle-ci est présente. En effet, selon Bronfenbrenner et Morris (2006) cités dans Carignan (2011), l’exosystème influence directement l’environnement immédiat de la personne. Dans le cas de l’AMM nous pour- rions par exemple penser à la légalisation de l’AMM, pouvant affecter la personne au cœur des systèmes si une personne proche prend la décision de recourir à ce soin de fin de vie.

v. Le macrosystème

Réfère ici aux valeurs, coutumes, croyances, normes, idéologies « qui se reflètent dans la culture et les lois véhiculées au sein d’une communauté et d’une société données. Elles sont les empreintes du comportement et des conduites qui devraient être adoptés par l’individu. Ces valeurs sociales, ces croyances, ces politiques ont une influence directe et indirecte sur la vie de la personne […]. » (Carignan, 2011, p. 150‑151). Dans le cas de

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l’AMM, bien que la population québécoise soit favorable à l’AMM, plusieurs membres de la société s’opposent à ce soin de fin de vie, puisqu’il s’agit d’une mort induite, à l’instar d’un meurtre. Toutefois, l’acception sociale à l’égard de ce soin démontre un certain consensus au sein de la population du Québec. Or, ce discours partagé dans la société peut influencer l’expérience des proches.

vi. Le chronosystème

Réfère ici à la temporalité (âge, durée, synchronie, etc.) dans la vie d’une personne. Ce système réfère égale- ment à tous les événements se déroulant au travers de tous les systèmes d’une personne (ex. déménagement, décès, cataclysme naturel, événements historiques, cycles de vie, aspirations des individus afin de comprendre le présent et organiser le futur, etc.) (Carignan, 2011, p.151). Au sens large, ce système fait référence à une période de temps historique marquée par les différents événements de la vie, selon le contexte socio politique de référence durant cette période. Dans le cas de l’AMM il est question du temps entre le pronostic, la demande d’AMM, l’attente, le soin/ le moment du décès et le temps qui suit deuil.

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