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5.4 Propagation des noyaux

5.4.1 Sources de fer, sans déflections magnétiques

Commençons par le cas le plus simple : on considère le même modèle que décrit précédemment, mais on se place dans le cas extrême où les particules accélérées aux sources sont exclusivement des noyaux de fer. Nous ne prenons pas ici en compte les déflections (scénario « champs faibles »).

♠ Dans le cas de noyaux de fer, il est en fait peu probable que les déflections magnétiques extragalactiques soient négligeables. Même dans le modèle de champs magnétiques de [112], en extrapolant les déflections de protons annoncées au cas du fer, on arrive à des déflections de l’ordre de20◦.

La Fig. 5.19 représente le spectre et la composition prédites dans le cas de sources de fer, avechαi = 2.0 et une énergie maximale d’injection de 10 ZeV. C’est une énergie considérable, mais dans le cas de mécanismes d’accélération de type Fermi nous pouvons aller en théorie à des énergies 26 fois plus élevées avec du fer qu’avec du proton. La valeurhαi = 2.0, significativement plus faible que dans le cas des protons, permet de mieux ajuster le spectre mesuré par HiRes àE ≥ 30 EeV. En revanche, le spectre prédit à E ≤ 30 EeV n’est pas compatible avec les observations : à ces énergies, une composante plus légère est nécessaire (injection de protons). Au-dessus de 30 EeV, on observe une suppression rapide du flux due aux photodésintégrations nucléaires. Les interactions étant différentes, la forme de la suppression spectrale diffère du cas du proton. On observe en particulier un « retour » du spectre plus prononcé aux énergies extrêmement élevées,E & 200 EeV.

FIG. 5.19 : Spectre (gauche) et masse atomique moyenne (droite) en fonction de l’énergie, prédits pour des

sources de fer pur, en l’absence de déflections extragalactiques. La moyenne (lignes rouge) et la variance cosmique (bande bleue) ont la même signification que pour la Fig. 5.14. L’indice spectral moyen esthαi = 2.0, les lignes pointillées représentant les résultats pourhαi = 2.4. L’énergie maximale d’injection est repoussée à 10 ZeV.

FIG. 5.20 : Distribution des masses des élements dans le cas de l’injection de fer pur, en l’absence de déflec-

tions. Les barres d’erreur poissoniennes sont dues au nombre fini de trajectoires simulées.

Comme le montrent les fluctuations observables sur la Fig. 5.19 (droite), la composition moyenne est une grandeur extrêmement difficile à prédire. Aux énergiesE ≤ 50 EeV, la masse moyenne hAi est typiquement au-dessus de 35, reflétant en fait une distribution bimodale : à ces énergies, on a d’une part des protons issus des photodissociations de noyaux de très hautes énergies, et d’autre part des noyaux lourds accélérés et survivant à la propagation à plus basse énergie. La Fig. 5.19 montre aussi que, toujours dans ce même domaine d’énergie, la composition est d’autant plus lourde que le spectre d’injection α est important. En effet, quand α vaut 2.4 au lieu de 2, le nombre de noyaux de fer injectés à haute énergie diminue, et par conséquent le nombre de protons engendrés à basse énergie est aussi moins important, ce qui tend à augmenter la masse moyenne jusqu’àE ≤ 100 EeV.

À plus haute énergie, la composition ne semble pas être réellement prédictible : la variance cosmique est très importante et la composition moyenne fluctue beaucoup en fonction des paramètres de la simulation. Il y a en fait compétition entre deux phénomènes. D’une part, la conservation approximative du facteur de Lorentz au cours de la photodissociation fait que les protons secondaires ne peuvent pas avoir une énergie supérieure àEmax/56. Cela diminue la proportion des protons à haute énergie. En même temps les noyaux de fer sont

efficacement photodissociés àE & 100 EeV, ce qui diminue aussi fortement la proportion de noyaux lourds. Du coup la composition prédite dépend en particulier beaucoup deEmax.

La Fig. 5.20 montre en détail la distribution des masses des noyaux prédite à 10 EeV, dans l’hypothèse de l’accélération de fer pur avec un indice spectralα = 2. On peut ainsi observer la cascade nucléaire de photodissociation. L’abondance relative d’un élément par rapport à son « parent » est gouvernée par le rapport entre le taux de photodésintégration du parent et le taux de disparition du fils. Pour des noyaux fils instables, ce taux est en général inférieur à un, ce qui explique la décroissance approximativement exponentielle des abondances des éléments de la cascade en fonction de leur masse. Les fluctuations élément par élément réflètent les stabilité relatives des divers noyaux considérés.

FIG. 5.21 : Prédictions pour le spectre de puissance angulaire dans le cas de l’injection de fer en l’absence

de champ magnétique. La ligne pointillée correspond au niveau isotrope pour des simulations avec les mêmes pondérations (voir la discussion sur la repondération des événements). Les barres d’erreur représentent la variance cosmique obtenue en considérant les fluctuations des positions et des propriétés des sources.

La Fig. 5.21 montre le spectre de puissance angulaire prédit, toujours en l’absence de déflections. Le spectre de puissance est toujours plat, ce qui est attendu pour une distribution de sources ponctuelles : la carte du ciel étant une somme de fonctionsδ de Dirac, sa transformée de Fourier est plate. À 40 EeV, les sources contribuent au spectre jusqu’à des distances cosmologiques, on ne les distingue pas du fond et lesC`sont donc en moyenne

compatibles avec les valeurs attendues dans le cas isotrope. À 80 EeV, le nombre de sources observées est significativement réduit à cause de la réduction de l’horizon des particules, et le spectre de puissance prédit est donc plus élevé que le niveau isotrope.

♠ Les déflections galactiques ont pour effet de lisser les sources, il faut donc les prendre en compte pour prédire la forme de la fonction d’autocorrélation par exemple. Par contre, aux énergies élevées ces déflections induisent des temps de délai supplémentaires faibles devant les temps de propagation extragalactique. Les champs magnétiques galactiques ne modifieront donc pas la composition et le spectre prédits. Nous allons voir que ce n’est pas le cas pour les champs extragalactiques.

FIG. 5.22 : Spectre et composition prédits dans le cas de sources de fer en présence de déflections extragalac-

tiques. Les moyennes et variances ont les mêmes significations que pour la Fig. 5.19. On aEmax = 10 ZeV et

hαi = 2 sauf pour les lignes pointillées où hαi = 2.4.

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