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5.2 Régimes de propagation en milieu hétérogène

5.2.1 Régimes de diffusion en milieu homogène

Nous décrivons ici des résultats classiques sur la propagation des rayons cosmiques, dans le cas de champs magnétiques qui peuvent être chaotiques mais dont les propriétés statistiques sont homogènes dans l’espace.

Régime de déflections faibles

Si le champ magnétique est suffisamment faible et la distance de propagation considérée est courte, alors l’angle de déflectionθ d’une particule chargée entre sa source et un observateur sera petit. On peut estimer cet angle analytiquement dans deux situations :

d

θ

l

c

FIG. 5.6 : Gauche : géométrie d’une déflection faible dans un champ magnétique uniforme. Droite : géométrie

d’une déflection faible dans un champ magnétique de longueur de cohérence`c. Les « cellules » représentent

des domaines de cohérence du champ magnétique.

– Dans un champ magnétique uniforme, avec les notations de la Fig. 5.6 (gauche), on a aux petits angles d' rLθ, où rLest le rayon de Larmor de la particule. On en tire la relation :

θ' 0.52◦ Z × 10 20eV E   d 1Mpc   B 1 nG 

Best la composante du champ perpendiculaire à la trajectoire. On voit ainsi immédiatement que si le rayon cosmique se propage uniquement dans un vide (pour lesquels on a vu que les champs magnétiques sont probablement inférieurs au nG), et sur une distance de quelques Mpc, alors l’identification d’une éventuelle source doit être possible aux plus hautes énergies, puisque l’extension typique de cette source sera de l’ordre du degré, soit le même ordre de grandeur que la résolution angulaire des instruments.

– On se place dans l’hypothèse plus réaliste où le champ a une longueur de cohérence`c. Cela signifie que

le spectre de puissance ˆB(k) du champ a une coupure à 2π/`c. On peut alors modéliser grossièrement le

champ comme étant uniforme à l’échelle de cellules d’extension spatiales`ccomme le montre la Fig. 5.6

(droite). Sur une distance`c, on peut appliquer le résultat précédent et on aura une petite déflection

δθ' `c/rL. Sur une distance de propagationd, il y a N = d/`c « cellules » traversées, et la déflection

totale estθPN

i=1δθi (en supposant le mouvement bidimensionnel pour simplifier, et tant que l’angle

θ n’est pas grand). Les δθiétant des grandeurs aléatoires indépendantes, on a donc une marche aléatoire

dont le résultat estθ'√N δθ, soit :

θ' √

d `c

rL

Une modélisation plus fine fait apparaître un facteur2/9, si bien qu’on a la relation [119] : θ' 0.8◦ Z × 10 20eV E   d 10 Mpc 1/2 `c 1 Mpc 1/2 B 1 nG 

On voit là encore qu’en supposant que les champs magnétiques extragalactiques sont de l’ordre du nG et ont une longueur de cohérence de l’ordre du Mpc, ce qui est raisonnable en moyenne dans le milieu extra- galactique, les déflections sont suffisamment faibles pour permettre la détection d’une éventuelle source proche aux plus hautes énergies. Mais cette relation ne prend pas en compte l’extrême inhomogénéité des champs magnétiques que nous avons décrits au chapitre précédent.

Champs magnétiques turbulents

On modélise des champs magnétiques turbulents statistiquement homogènes par leur spectre de puissance ˆ

B(k). La densité d’énergie spectrale associée au mode k est notée w(k)∼ k2Bˆ2(k). Les mécanismes de tur-

bulence hydrodynamique imposent en général une loi de puissance ˆB(k)∼ k−αpourk ≥ 2π/`c, c’est-à-dire

à des échelles inférieures à une certaine longueur de cohérence`c.

♠ Numériquement, on construit donc un tel champ en calculant ˆB(k) (qui fait intervenir des coefficients de phase aléatoire), pour2π/`c ≤ k ≤ kmax,kmaxétant déterminé par la résolution numérique de la grille. On

calcule alors le champ ~B en appliquant une transformation de Fourier inverse.

Un cas particulier courant de champ turbulent est le champ de Kolmogoroff. En faisant l’hypothèse que le flux d’énergie associé à la turbulence d’une échelle à l’autre est indépendant dek, on montre que w(k)∼ k−5/3,

soit ˆB(k)∼ k−11/3.

Régime diffusif

Si la propagation a lieu sur une distance suffisante, dans des champs ~B assez élevés, on entre en régime diffusif ce qui signifie que pour une trajectoire donnée, la distanced à une source n’augmente que proportionnellement à√t. Le coefficient de diffusion est par définition D = hd2i/6t, où h·i est une moyenne d’ensemble sur les trajectoires. Le facteur 6 est lié à l’aspect tridimensionnel de la propagation.

Des études précises de l’évolution du coefficient de diffusion avec l’énergie, en fonction des propriétés de la turbulence magnétique, on été faites dans [120] et [121]. On définit une énergie critiqueE telle que rL(E∗) = `c/2π, soit : E eV ' 1.45 × 10 20 B µG   `c Mpc 

• Pour E  E∗, le rayon de Larmor est grand devant la longueur de cohérence, si bien qu’aux courtes dis-

tances les résultats obtenus dans le cas des faibles déflections est valable. On peut estimer classiquement le coefficient de diffusion par :

D' 1 3c ldiff

Oùldiff est la longueur de diffusion, c’est-à-dire la longueur typique pour laquelle l’angle de déflection

est d’ordre unité. En utilisant la relation obtenue précédemment,θ(d)∼√d`c/rL(valable formellement

pourθ 1), la relation θ(ldiff)∼ 1 permet d’obtenir :

D 1 3

c r2L `c

En particulier, le coefficient de diffusion augmente proportionnellement àE2. L’étude approfondie de [120] permet d’obtenir pratiquement la même relation,D∼ E7/3.

• Pour E  E∗, la diffusion est dominée par « l’interaction » entre la particule et les ondes de MHD

résonantes, avec une longueur d’onde de l’ordre du rayon de Larmor. Dans le cas d’une turbulence de Kolmogoroff, on montre alors qu’on a :

D∼ 1 3c `c  rL `c 1/3 ∼ E1/3

• Pour E ∼ E∗, la longueur de diffusion est de l’ordre de rL et on a le coefficient de diffusion, dit de

Bohm :

D∼ 1

3c rL∼ E

Notons que ce régime de diffusion de Bohm n’est qu’un régime de transition entre les deux précédents, qui n’existe éventuellement que dans une petite fenêtre en énergie [122].

Transition balistique - diffusif

Pour une particule de rigidité donnée, dans un champ magnétique turbulent donné, le régime de propagation est toujours balistique aux temps courts (pour lesquels la déflection reste faible), et diffusif aux temps longs. Il y a donc une transition entre ces deux régimes pour une certaine distanceRcritde propagation. La modélisation

des phénomènes de propagation des UHECRs dépend de la comparaison entreRcritet la distancellossassociée

aux pertes d’énergies des UHECRs :

– SiRcrit  llossalors il est pertinent d’utiliser un modèle de propagation balistique des UHECRs. L’ap-

proximation unidimensionnelle pour résoudre les équations de transport est justifiée.

– SiRcrit  lloss, le régime de propagation des UHECRs entre leurs sources et la Terre est diffusif. Il faut

donc prendre en compte un noyau de diffusion dans l’équation de transport des particules, ce qui a été fait par exemple dans [123].

– Si Rcrit etlloss sont comparables, alors les choses se compliquent car le régime de propagation n’est

ni totalement diffusif, ni totalement balistique. Dans ce cas, on est forcé, pour étudier la propagation des UHECRs, de passer par des simulations où l’on suit intégralement les trajectoires des particules à 3 dimensions.

La Fig. 5.7 montre qu’avec des estimations « raisonnables »du champ magnétique, les distanceslloss et

Rcrit sont comparables dans la région d’énergie GZK. On attend donc que, même avec une turbulence

magnétique homogène, le régime de propagation des UHECRs ne soit ni balistique, ni diffusif. Cela justifie

                                                                        Energy (EeV) R crit (E) (Mpc) 10 −1 1 10 10 2 10 3 1 10 102 EGZK Xloss Ballistic Regime Diffusive Regime

FIG. 5.7 : Comparaison entre la distance de transition balistique - diffusif d’une part, et la distance de perte

d’énergie d’autre part, pour des protons dans un champ magnétique turbulent homogène de 100 nG [121].

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