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4.2 Interactions sur les fonds cosmiques et particules secondaires

4.2.1 Interactions des nucléons d’ultra haute énergie

Protons et neutrons de haute énergie interagissent avec le CMB, ainsi que de manière sous-dominante avec le fond diffus infrarouge (CIB), par production de paire et photoproduction de mésons.

Production de paire

Il s’agit du processuspγ → pe+e, où un proton de haute énergie sert de « catalyseur cinématique » à la trans-

formation d’un photon de basse énergie en paire e+e−. Le seuil de cette réaction s’obtient en développant : √

sth≈ mp+ EγCM = mp+ 2me

Le centre de masse étant le référentiel de repos du proton, on en tire : Eth ≈ memp  ≈ 4.8 × 10 14  eV −1 eV

Pour un photon typique du CMB, ∼ 10−3 eV entraîneEth ∼ 5 × 1017 eV. L’inélasticité de cette réaction

est très faible (inférieure à10−3), ce qui justifie l’utilisation de l’approximation des pertes continues (CEL) pour cette interaction. La perte d’énergie pour un nucléon de facteur de Lorentz γ peut s’exprimer sous la forme [78] : dE dx =−αr 2 0(mec2)2 Z ∞ 2 dξ n ξmec 2 2γ  φ(ξ) ξ2

La fonctionφ(ξ) est obtenue par intégration de la section efficace sur l’espace des phases, et n est la densité du fond de photons considéré. En pratique, seul le CMB est important pour cette interaction. La production de paire est le processus de perte d’énergie dominant pour les protons aux énergies sub-GZK. La distance de perte d’énergie est minimale autour de2× 1019eV et reste toujours supérieure à 1 Gpc.

Photoproduction de pions

La production de photopions est à l’origine de la suppression GZK. Il s’agit de la réaction N γ → divers produits (un nucléon et un pion le plus fréquemment), oùN est un proton ou un neutron. Le carré de l’énergie dans le centre de masse s’écrit :

Le fond diffus infrarouge (CIB) et le fond diffus radio (CRB)

Parmi les fonds diffus jouant un rôle dans les interactions des UHECRs, le CMB est le mieux connu. Il est homogène à10−5près, l’évolution de sa température avec le redshift estT (z) = T0(1 + z) ; c’est donc prati-

quement le seul paramètre intervenant dans la physique des UHECRs qui ne soit pas une source d’incertitudes !

Le fond diffus infrarouge joue un rôle certain dans le développement des cascades électromagnétiques ainsi

que dans les interactions des noyaux lourds (son rôle est plus marginal pour les nucléons). Il y a deux contribu- tions à ce fond :

– L’émission stellaire des galaxies, en prenant en compte l’effet de redshift. Les longueurs d’onde où cette contribution compte le plus sont de l’ordre duµm.

– La réémission d’infrarouge par la poussière froide des galaxies. Les longueurs d’onde associées sont ∼ 100µm.

Des modèles semi-empiriques se proposent d’estimer ainsi ce fond [74]. De nombreuses incertitudes viennent entacher les prédictions, comme par exemple la forme de l’IMF (distribution initiale en masse des étoiles, qui détermine le spectre émis par une population d’étoiles d’âge donné). La luminosité des sources évoluant avec le redshift, il doit en aller de même pour le CIB. D’un point de vue observationnel, les mesures du CIB sont compliquées par la présence des avant-plans galactiques, qu’il faut soustraire en utilisant des modèles d’émission de poussière. Des mesures ont été faites en particulier par l’instrument DIRBE qui se trouvait à bord de COBE. Le CIB peut aussi être contraint de manière indirecte en intégrant les émissions infrarouge individuelles des galaxies, ce qui fournit une limite inférieure au CIB. D’autre part, en utilisant le fait que l’on n’observe pas encore à l’heure actuelle d’atténuation du spectre au-delà du TeV des blazars à grands redshifts, HESS a récemment publié une limite supérieure sur le CIB (aux courtes longueurs d’ondes seulement) [75]. Au final, les progrès théoriques et observationnels ont permis depuis COBE de contraindre assez fortement l’ordre de grandeur du CIB, mais les détails de son spectre demeurent hypothétiques.

Le fond diffus radio, aux longueurs d’ondes supérieures à celles du CMB, importe surtout pour les interactions

des photons super-GZK [76]. Il est a priori dû au rayonnement radio des galaxies normales et des radiogalaxies. Des estimations théoriques ont été calculées, et des mesures en ont été faites, là encore potentiellement biaisées par l’avant-plan galactique. Les estimations de ce fond semblent encore bien moins contraintes que celles du CIB.

Figure : Gauche : Spectre global du fond extragalactique de photons de basse énergie. Le CMB est parfai-

tement déterminé, alors que les CIB (à courtesλ) et CRB (à grandes λ) ont des spectres variant selon les auteurs, quelques exemples étant représentés sur la figure. Droite : Revue des contraintes expérimentales sur le CIB [77]. Les points verts sont obtenus par intégration de la lumière de sources détectées. Les données à grande longueur d’onde sont de COBE-FIRAS (ligne) et DIRBE (points).

s = m2N + 2Ep(1− cos θ)

Le seuil cinématique est déterminé en imposant√sth= mN+ mπ, soit :

Eth= mπ 4(2mN + mπ)≈ 6.8 × 10 16  eV −1 eV

Le seuil sur les photons du CMB (dépendant du choix de) est de l’ordre de 40 EeV. La réaction peut néanmoins avoir lieu à plus basse énergie sur les photons du CIB (voir encadré), qui jouent un rôle non négligeable à E∼ 20 − 30 EeV [79]. La section efficace associée à cette interaction est bien connue sur accélérateur, où les photons interagissent avec des protons-cibles. La section efficace est maximale à la masse de la résonance∆+à 1230 MeV. On a alorsσ∼ 500µb. À plus haute énergie, la section efficace décroît jusqu’à 100µb puis augmente lentement. Les sections efficaces des protons et neutrons sont très voisines. L’inélasticité de cette réaction est importante (∼ 20% au seuil), et on définit donc deux distances : la longueur d’interaction Lint, et la longueur

de perte d’énergieLperte = −Edx/dE. L’inélasticité Kel étant égale à la perte relative d’énergie∆E/E du

nucléon à chaque interaction, ces deux longueurs sont reliées parLperte= Lint/Kel. Cette grande inélasticité

rend stochastique le processus des pertes d’énergie d’un nucléon dans le CMB ; l’utilisation de simulations

Monte-Carlo (consistant à suivre les pertes d’énergie de particules individuelles) permet de prendre en compte cette stochasticité, contrairement à l’utilisation d’un système d’équations de transport (qui n’étudient

que la densité spectrale de nucléonsn(E, z)).

0 50 100 150 200 250 300 350 0.1 1 10 100 σ ( µ barn) ε’ (GeV) SOPHIA 1.4 γp → p π0 0 50 100 150 200 250 300 0.1 1 10 100 σ ( µ barn) ε’ (GeV) SOPHIA 1.4 γp → n π+

FIG. 4.6 : Sections efficaces totales des réactions générant un pion uniqueγp→ π0p et γp → π+p : compa-

raison des données d’accélérateur et des simulations SOPHIA [80].

Le taux d’interaction d’un nucléon de grand facteur de Lorentz dans le référentiel terrestre s’écrit : R(E) = 1 8E2 Z ∞ th dn() 2 Z smax sth ds(s− m2N)σN γ(s)

oùσN γest la section efficace photohadronique totale, etth = (sth− m2N)/2(E + p) et smax= m2N + 4E.

n() est la densité de l’ensemble des fonds de photons. Dans une simulation Monte-Carlo, ce taux sert à estimer si un nucléon subit ou non une photoproduction de pion au cours d’un petit intervalle de temps donné. Dans l’affirmative, il faut ensuite préciser quels sont les produits finaux de l’interaction. Cela dépend du processus exactement impliqué [80] :

– A basse énergie, le nucléon est excité en une résonance baryonique par l’absorption du photon, qui se désintègre ensuite généralement en un nucléon et un pion. Si la nature du nucléon est conservée, le pion émis est unπ0, générant ainsi des photons à ultra-haute énergie, les « photons GZK ». Si la nature du nucléon change (ce qui a environ une chance sur deux de se produire à l’énergie de la résonance∆+), le

pion émis est unπ ou unπ−, générant en bout de chaîne de désintégration des neutrinos (les neutrinos

GZK, dits « cosmogéniques ») et dese+/−d’ultra-haute énergie.

– Il peut aussi y avoir production directe de pion, que l’on peut considérer comme la diffusion électro- magnétique d’un méson virtuel associé au nucléon ; ce méson gagne suffisamment d’énergie lors de l’interaction avec le photon pour se matérialiser. Dans ce cas, le pion émis est forcément chargé, donc la nature du nucléon doit changer.

– Aux plus hautes énergies, les interactions photohadroniques ont comme produits finaux plusieurs hadrons (on parle de production de pions multiple).

Pour conclure, la photoproduction de pions, en particulier sur le CMB, est la plus importante des interactions pour les nucléons d’ultra-haute énergie. Elle réduit l’horizon des particules, qui passe de plusieurs centaines de Mpc à 30 EeV à une vingtaine de Mpc à2× 1020eV, limitant ainsi les sources possibles des particules de plus

haute énergie. Notons enfin que la longueur d’interaction GZK est même plus faible encore à grand redshift, en raison de la variation de la température du CMB avec le redshift (voir Fig. 4.7).

Désintégration des neutrons

Les neutrons, étant neutres, ne sont a priori pas accélérés aux sources d’UHECRs. Ils peuvent néanmoins être créés par interactionspp au voisinage des sources ; de plus, ils sont générés lors des interactions de photo- production de pion des protons. Ils se désintègrent ensuite suivantn → p¯νee−. Voilà encore une source de

neutrinos et de particules électromagnétiques secondaires à ultra-haute énergie. L’énergie du proton issu de la désintégration s’obtient en utilisant le fait que son énergie cinétique est négligeable dans le référentiel de repos du neutron ; autrement ditΓp≈ Γnet doncEp ≈ Enmp/mn≈ 0.9986En.

La distance de désintégration vautLdes= cτnΓnoù la durée de vie du neutron estτn≈ 885 s, soit [81] :

Ldes≈ 0.9  En 1020eV  Mpc Cette relation a des conséquences intéressantes :

– A E = 1 EeV, on a Ldes = 9 kpc. Cela a amené des auteurs à envisager qu’une source de neutrons

venant du centre galactique à l’EeV pourrait être observée (voir chapitre précédent).

– AE = 100 EeV, Ldes∼ 1 Mpc. Il y a donc peu d’espoir de voir une source astrophysique UHE grâce à

sa composante « neutrons ».

Effet de redshift

L’expansion de l’Univers entraîne des « pertes adiabatiques » d’énergie pour les rayons cosmiques se pro- pageant sur des distances cosmologiques. La longueur de perte d’énergie associée actuellement estLred(z =

0) = c/H0 ≈ 4000 Mpc en prenant H0 = 75 km s−1Mpc−1.

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