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Nous utilisons ici la version unidimensionnelle deCRPropapour prédire les fonds diffus de haute énergie de photons et de neutrinos issus des interactions des UHECRs sur des distances cosmologiques avec les fonds de photons de basse énergie. Il s’agit de fonds relativements « garantis » car la probabilité que les rayons cosmiques observés àE ≥ 10 EeV soient d’origine extragalactique est très forte. L’amplitude exacte de ces fonds est par contre l’objet d’incertitudes.

En se limitant à une dimension, on ne prend pas du tout en compte la diffusion des rayons cosmiques aux grandes échelles. C’est une hypothèse faite pratiquement partout dans la littérature ; elle est probablement incor- recte car on parle ici de distances de propagation énormes, de l’ordre du Gpc. Elle est néanmoins conservative, dans le sens suivant : la diffusion des UHECRs aux très grandes échelles doit augmenter la proportion des secondaires neutres par rapport aux rayons cosmiques ; le flux prédit de ces secondaires dans l’approximation unidimensionnelle peut donc être pris comme une limite inférieure.

Prédiction des fonds diffus

On considère le modèle suivant de sources des rayons cosmiques extragalactiques dans la bande d’énergie E≥ 1017eV :

– Les UHECRs sont des protons.

– Le spectre d’injection est j(E) = j0E−α pour E ≤ Emax = 1021 eV. L’indice spectral α est un

paramètre libre du modèle.

– La densité comobileρ des sources évolue avec le redshift. La loi ρ(z) est un paramètre libre du modèle. On peut prendre un simple modèle en loi de puissanceρ = ρ0(1 + z)m, la densité physique des sources

d’objets comme les quasars :ρ = ρ0(1 + z) jusqu’àz∼ 2, puis une densité constante jusqu’à z ∼ 3,

puis une décroissance exponentielle de la densité des sources.

Dans tous les cas on prend en compte les interactions des UHECRs et le développement des cascades électro- magnétiques dans le CMB et les fonds infrarouges et radio. On normalise ensuite les spectres observés àz = 0 au spectre des UHECRs mesuré sur Terre. Des exemples de tels spectres sont donnés en Fig. 6.1.

Nous décrivons maintenant en détails les composantes protons, neutrinos et photons représentées sur ces deux graphiques. Considérons d’abord le spectre des UHECRs, normalisé au fond diffus mesuré par HiRes. On prédit naturellement la cheville dans ce modèle où seuls des protons sont propagés, en tant que signature de la production de paires sur le CMB ; on observe aussi bien sûr l’atténuation GZK. La forme du spectre prédit dépend à la fois de l’indice spectralα et de la fonction d’évolution des sources ρ(z). En particulier, le spectre prédit reproduit raisonnablement les données à la fois pourα petit et une évolution importante des sources (m∼ 3), et pour α plus grand (α ∼ 2.6) et ρ constante. En effet, pour α petit, le fait que l’injection soit moins efficace à basse énergie peut être compensé par la surabondance de sources à grand redshift (les sources les plus lointaines contribuent essentiellement au flux d’UHECRs à basse énergie).

En dessous de1017.5eV, une autre composante, galactique, doit être rajoutée pour expliquer complètement

le spectre HiRes. Notons qu’il est prédit que la composante extragalactique s’atténue fortement autour de cette énergie à cause des effets de diffusion dans les champs magnétiques [136] (on parle même d’effet « anti- GZK » ). Cet effet n’est pas visible dans le cadre de nos simulations unidimensionnelles.

Sur la Fig. 6.1, le flux de neutrinos issus de l’interaction GZK (neutrinos « cosmogéniques » ) et de la désintégration des neutrons est représenté en bleu. Les sensibilités des expériences à un tel fond diffus sont représentées en bleu (limites supérieures publiées) et en vert (expériences en projet). On remarque en particulier que l’amplitude du fond diffus de neutrinos cosmogéniques est très sensible à l’évolution des sources à

grand redshift. En effet, la distribution des sources aux grands redshifts n’a que peu d’effet sur le flux des

UHECRs à cause de leurs interactions. Au contraire, le fond de neutrinos est généré par toutes les sources y compris celles à grand redshift. Il apparaît ainsi que Auger pourra détecter ce fond diffus cosmogénique à long terme, si la luminosité des sources d’UHECRs est significativement plus élevée aux grandes distances que dans notre environnement local.

Le flux de photons cosmogéniques est représenté en rouge. Le développement des cascades électromagné- tiques sur des distances cosmologiques fait que l’essentiel de l’énergie de ces cascades est distribué dans la bande du GeV - TeV. Par analogie avec les grandes gerbes atmosphériques, on pourrait parler de cascades élec- tromagnétiques « âgées ». L’effet des champs magnétiques sur le développement des cascades est quasi nul dans cette situation : la ligne en pointillés sur la Fig. 6.1 (bas) représente le flux de photons en présence d’un champ uniformeB = 1 nG. Le spectre du fond diffus extragalactique mesuré par le satellite EGRET est représenté sur la Fig. 6.1. Le fond de photons cosmogéniques prédit a une intensité significativement moins élevée que ce fond mesuré, il ne peut donc pas être détectable dans ce domaine d’énergie.

Il est remarquable que les spectres de photons au GeV et de neutrinos à l’EeV aient la même amplitude en échelleE2× J(E). Cela s’explique par le fait que l’interaction qui génère ces deux particules répartit l’énergie

des secondaires dans les mêmes proportions :E(γ) ∼ E(ν). L’énergie totale de chacune de ces composantes s’écrit par ailleurs :

Etot=

Z

dE EJ(E)∼ [E2J(E)](Epeak)

oùEpeakest l’énergie caractéristique de la cascade de particules considérée. On voit ainsi l’intérêt de représen-

ter les spectres en échelleE2J(E) pour ces études « multi-messagers ».

Pour terminer, remarquons que la Fig. 6.1 montre qu’on prédit naturellement une fraction d’environ0.1% de photons dans le flux d’UHECRs vers∼ 10 EeV. Cette valeur est à comparer avec les valeurs limites ex- périmentales déjà posées, ou que l’on pourra poser avec les expériences en cours comme Auger, qui sont de l’ordre de10%. De plus, le flux de photons à ultra-haute énergie dépend de manière cruciale de la distribution

FIG. 6.1 : Spectres des fonds diffus d’UHECRs et des neutrinos et photons secondaires prédits dans des modèles

de propagation rectiligne de protons. La normalisation est fixée par les mesures de HiRes. Haut : la densité des sources évolue avecz. Bas : densité comobile de sources uniforme. Les flux de neutrinos représentent un flux par saveur, en supposant explicitement un mélange total de ces saveurs sur des distances cosmologiques. On représente par ailleurs les flux mesurés de photons (EGRET) et le flux moyen de neutrinos atmosphériques, ainsi que les valeurs limites supérieures sur le flux de neutrinos qui sont établies (en bleu), et les sensibilités des expériences futures ou en cours (en vert).

des sources au voisinage de l’observateur, étant donnée la très faible longueur d’interaction des photons à ces énergies : nous avons ici supposé une distribution continue de sources alors qu’il est probable que la source

la plus proche soit tout de même à quelques Mpc ou dizaines de Mpc, ce qui est une distance très faible aux échelles cosmologiques mais de l’ordre de grandeur de la longueur de perte d’énergie par production de paires. De façon générale, on voit que ces flux de photons et neutrinos secondaires « garantis » sont bien moins copieux que ceux des modèles plus exotiques.

Liens avec les autres travaux

L’étude du spectre des UHECRs et des neutrinos cosmogéniques associés a fait l’objet de nombreuses études, par exemple [137], [138]. Nous avons pu ainsi tester la validité du code dans certaines situations.

L’effet GZK n’est qu’une source possible de neutrinos à l’EeV. Il peut y avoir d’autres mécanismes de production de tels neutrinos, directement aux sources en particulier. Néanmoins, quel que soit ce mécanisme, il doit pratiquement toujours y avoir production simultanée de cascades électromagnétiques : les neutrinos sont en effet issus de la désintégration de pions, qui engendrent en même temps des photons. AvecEtot(γ)∼ Etot(ν),

on voit donc que la mesure du fond diffusγ au GeV par EGRET fournit naturellement une limite supérieure sur le flux possible de tels neutrinos. Cette limite, dite parfois de limite de Waxman-Bahcall [139], est représentée en rouge sur la Fig. 6.1. Remarquons néanmoins qu’elle peut être contournée dans le cas de sources de neutrinos optiquement épaisses (transparentes aux neutrinos, mais pas aux cascades électromagnétiques).

10-19 10-18 10-17 10-16 10-15 12 13 14 15 16 17 18 19 20 dN ν /dlnE ν , cm -2 s -1 ster -1 Log10 Eν, eV

FIG. 6.2 : Gauche : Spectres des neutrinos dans le cas (α = 2, m = 3) pour les courbes du haut, et dans le cas (α = 2.5, m = 4) pour les courbes du bas. Les lignes fines sont calculées uniquement avec le CMB, tandis que les carrés prennent en compte aussi les interactions avec le fond infrarouge (dont l’évolution avecz est la même que dansCRPropa). La zone grisée correspond à la limite de Waxman-Bahcall. D’après [137]. Droite : Spectres prédits par saveur, dans le cas d’une injection de fer aux sources avecEmax= 4Z× 1020eV

et (α = 2, m = 3). On voit en particulier la contribution due à la désintégration des neutrons. D’après [140]. La Fig. 6.2 illustre deux propriétés importantes de ces neutrinos cosmogéniques. Le graphique de gauche montre l’effet des interactions des protons avec le fond diffus infrarouge (qui est pris en compte dans notre modèle). Ces interactions ayant lieu en moyenne à des énergiesEp plus faibles que dans le cas du CMB, les

neutrinos secondaires associés ont des énergies moins élevées. Le graphique de droite montre le flux cosmogé- nique dans le cas où les UHECRs sont des noyaux de fer (cas que nous n’avons pas du tout traité). Dans ce cas, le flux est diminué aux hautes énergies par rapport aux protons car la photodissociation domine par rapport à la photoproduction de pions. Néanmoins, la photodissociation produit copieusement des neutrons dont la désinté- gration augmente le flux deν¯eà basse énergie, formant le pic visible àEν ∼ 0.1 PeV dans la représentation de

E× J(E). Ce pic existe mais est beaucoup moins prononcé dans le cas où les UHECRs sont des protons (cf. Fig. 6.1, haut).

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