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5.4 Propagation des noyaux

5.4.2 Sources de fer, déflections extragalactiques substantielles

Le spectre prédit dans le cas de déflections magnétiques extragalactiques importantes, toujours avec des sources de fer pur, est représenté en Fig. 5.22 (gauche). On peut comparer ces figures avec les résultats de la section précédente (Fig. 5.19). La « bosse » qui apparaissait dans le spectre un peu avant la coupure GZK n’existe plus. La pente du spectre augmente très progressivement avec l’énergie, si bien qu’on ne peut plus du tout parler de « coupure » àE ' 100 EeV, contrairement aux cas des protons ou en négligeant les déflections. Par ailleurs, aux énergies les plus élevées, les effets de variance cosmique restent considérables mais le retour post-GZK du flux est en moyenne plus important que sans champ magnétique.

La Fig. 5.22 (droite) montre l’évolution de la masse moyenne en fonction de l’énergie. ÀE . 60 EeV,hAi dépend beaucoup deα comme en l’absence de champ ~B, mais en moyenne la composition est plus légère que

sans ~B :hAi ∼ 15 − 30 au lieu de hAi ∼ 30 − 50. En effet, les champs ~B augmentent la distance parcourue entre les sources et l’observateur, ce qui augmente aussi les interactions et donc renforce la proportion relative des secondaires légers par rapport aux noyaux lourds. On peut tirer de ces remarques la conclusion suivante : si l’on mesure une masse moyenne des UHECRs supérieure à' 35 pour des énergies 10 . E . 30 EeV, cela est non seulement la signature de sources de noyaux lourds mais aussi de déflections relativement faibles dans le milieu extragalactique. Cela peut donc être un autre test des effets des champs magnétiques extragalactiques, indépendemment des études d’anisotropies.

Pour conclure, notons que les déflections dans des champs magnétiques extragalactiques peuvent mo-

difier de façon non triviale le spectre et la nature des UHECRs observables sur Terre. Cela complique

potentiellement l’interprétation de ces observables. Remarquons que cela est en contradiction apparente avec le « théorème » d’universalité du spectre des rayons cosmiques extragalactiques [123], qui dit essentiellement que le spectre observé a une forme indépendante des champs magnétiques extragalactiques pourvu que la den- sité des sources soit suffisamment importante. Mais ce « théorème » n’est vrai que pour des nucléons, qui ne génèrent pas de particules secondaires contribuant au flux UHECR. Il ne s’applique donc pas au cas, pourtant probable, de noyaux plus lourds.

Déflections et autocorrélation angulaire

Comme attendu, l’histogramme des angles de déflection entre la source et l’observateur, pour l’accélération de fer, présenté en Fig. 5.23 (gauche), montre des déflections typiques plus importantes que pour les protons. Cela

est particulièrement le cas aux plus hautes énergies, où la composante lourde domine. Ainsi, des déflections typiques de10◦ ou plus sont attendues dans ce modèle même à 500 EeV ! La Fig. 5.23 (droite) montre la distribution sur le ciel de ces déflections pourE≥ 80 EeV. L’inhomogénéité considérable de cette carte reflète la présence de structures magnétisées étendues distribuées selon les grandes structures. Il y a une différence frappante entre cette carte de déflection, et celles de la Fig. 4.21 : même à 80 EeV, les déflections sont≥ 50◦

sur une partie non négligeable du ciel. Cette différence est due aux facteurs suivants : – On considère ici des noyaux de charge élevée.

– Les champs magnétiques sont plus étendus dans notre modèle que dans [112].

– Dans le modèle utilisé ici, les sources sont en moyenne plongées dans des zones denses, donc magnéti- sées, ce qui est plus réaliste que de considérer des sources distribuées uniformément dans l’espace.

FIG. 5.23 : Gauche : histogramme des angles de déflection des UHECRs observés pour différentes coupures

en énergie, dans le cas de sources de fer. Droite : distribution sur le ciel des déflections prédites à partir des « événements » enregistrés par l’observateur dans le cas d’une injection de fer avec des champs magnétiques substantiels, pourE≥ 80 EeV. La carte est lissée par une gaussienne de largeur 5.

Ces déflections (auxquelles il faut ajouter les effets des champs galactiques) pourraient nous empêcher de faire de manière précise de l’« astronomie des particules chargées » avec un observatoire comme Auger. Néan- moins, il est important de noter qu’elles n’effacent pas toutes les structures sur le ciel, et en particulier même dans ce cas très défavorable on devrait pouvoir observer des sources étendues, à condition que la densité de sources soit suffisamment faible. Cela est visible en particulier dans la fonction d’autocorrélation moyenne prédite, représentée à diverses énergies en Fig. 5.24. À cause des limitations présentées précédemment, les cascades de nucléons sont comptées chacune comme un unique événement, et le premier bin n’est pas pris en compte. On peut observer qu’au-dessus de 40 EeV, le signal prédit d’autocorrélation est quasiment plat, alors que, l’horizon des particules se réduisant avec l’énergie, il atteint un facteur de l’ordre de 4 au-dessus du niveau isotrope pourE ≥ 80 EeV, et bien plus au-dessus de 120 EeV. L’amplitude du signal d’autocorréla- tion est moindre que dans le cas de l’accélération de protons. La variance cosmique est importante, le signal d’autocorrélation dépendant de la configuration des sources, comme l’avait déjà montrée la Fig. 5.16.

Nous prédisons ainsi dans cette situation « pessimiste » l’observation d’anisotropies uniquement aux plus hautes énergies, au-delà du seuil GZK ; seules des sources étendues sur∼ 10◦peuvent être observées. On peut

se demander si de telles anisotropies peuvent être détectées avec Auger. Avec la densité de sources de10−5 Mpc−3considérée, le signal d’autocorrélation prédit estN ∼ 3 pour des séparations angulaires θ . θ0= 5◦à

80 EeV (Fig. 5.24). PourNobsévénements effectivement observés, il est facile de voir que l’erreur poissonienne

FIG. 5.24 : Fonctions d’autocorrélation des « événements » observés au-dessus de 40, 80 et 120 EeV dans le

cas de l’injection de fer en présence de champs magnétiques extragalactiques substantiels. Les barres d’er- reur représentent la variance cosmique, qui a la même signification qu’aux figures précédentes.N (θ) = 1 correspond à l’isotropie.

à la conditionNobs ≥ 70 événements au-dessus de 8 × 1019 eV. On peut donc dire que les anisotropies qui

apparaissent dans ce modèle sont détectables par un observatoire comme Auger.

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