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5.4 Propagation des noyaux

5.4.3 Injection mixte de noyaux aux sources

Nous étudions maintenant le cas plus réaliste d’une injection mixte, c’est-à-dire des sources d’éléments de masses variées. Le choix de la proportion relative des différentes masses à l’injection comporte nécessairement une part d’arbitraire. Nous notonsxAla proportion des noyaux de masse atomiqueA à une énergie par nucléon

donnée, c’est-à-dire àE/A donné. xAest une grandeur connue pour les sources des rayons cosmiques galac-

tiques. On suppose que les spectres de tous les noyaux ont la même pente proportionnelle àE−α. Le spectre d’injection par espèce est alors :

dnA

dE (E) = N xAA

α−1E−α

N est une constante de normalisation, et le facteur Aα−1résulte de la conversion deE/A en E. Nous adoptons

les xA déduits de l’observation des rayons cosmiques galactiques de plus basse énergie [131]. La Fig. 5.25

pour l’ensemble des métaux (au sens astrophysique du terme). Les spectres des différents éléments mesurés en-dessous du genou sont le produit de spectres d’injection (obtenus avec cesxA et avecα = 2.1 pour les

sources galactiques), et du temps de confinement de ces rayons cosmiques dans la galaxieτ (E/Z). Les mesures d’abondances relatives de certains élements ont permi d’estimerτ (E/Z)∼ (E/Z)−0.6. Mesurant les spectres

au voisinage de la Terre, on peut donc en tirer lesxA. Nous faisons ensuite l’hypothèse que cesxA restent

inchangés pour les sources extragalactiques.

FIG. 5.25 : Croix bleues : abondancesxAà une énergie par nucléonE/A donnée. Histogramme : abondances

résultantes à une énergieE donnée, en supposant un spectre∝ E−2.6. Noter que le proton a une abondance

x1 mille fois plus élevée que le fer, mais les abondances à énergie fixée de ces deux éléments sont du même

ordre de grandeur : il faut donc bien préciser de quelle abondance on parle.

Nous supposons par ailleurs, suivant les canons des modèles d’accélération astrophysique, que l’énergie maximale accessible est proportionnelle àZ : Emax/Z = 4×1020eV. L’indice spectralα est laissé en paramètre

libre. Nous simulons ensuite la propagation de ces noyaux et de leurs secondaires de la même manière que précédemment.

FIG. 5.26 : Distribution des temps de délai en fonction de l’énergie pour les rayons cosmiques observés pour

une composition mixte aux sources. Les lignes de niveau ont un pas logarithmique de 0.25.

Les déflections sont considérables, comme à la section précédente. La Fig. 5.26 présente la distribution des temps de délai par rapport à la propagation rectiligne. À1019eV, le délai est ainsi de∼ 5 × 1016s, soit∼ 1.6 milliards d’années. Cela est en accord qualitatif avec le temps estimé en supposant qu’il y a essentiellement diffusion de Bohm, dans les zones magnétisées autour des amas. Le temps de délai total est alors, selon cette

hypothèse, de l’ordre du temps d’échappement de ces amas, qui ont une extension de quelques Mpc, et où le champ magnétique est de l’ordre duµG :

τ (E) R 2 6D(E) ∼ ZeBR2 2E ∼ 4 × 10 16Z B µG   R 3Mpc 2  1019eV E  s

On a utilisé pour cette expression la valeur du coefficient de diffusion de BohmD(E) donnée précédemment.

FIG. 5.27 : Spectre moyenné observé sur Terre de l’ensemble des rayons cosmiques, pour un indice spec-

tral d’injection α = 2.2 (représenté par la ligne droite). Histogramme rouge : en l’absence de déflections extragalactiques. Histogramme bleu : en présence de déflections extragalactiques. La variance cosmique est représentée en présence de déflections. Les points représentent les données AGASA et HiRes.

Le spectre total résultant observé sur Terre est représenté en Fig. 5.27 dans le cas où α = 2.2. On ob- serve, comme précédemment, que la présence de déflections magnétiques extragalactiques modifie le spectre observable. En particulier,α = 2.2 permet d’interpréter raisonnablement les données actuelles uniquement si les déflections extragalactiques sont négligeables. En présence de déflections substantielles, il faut prendre α' 2.6 pour pouvoir reproduire les spectres observés. On peut interpréter cet effet ainsi : par conservation du facteur de Lorentz lors des photodésintégrations, un noyau de masseA et d’énergie AE/A0 va se désintégrer en noyau de masseA0 et d’énergieE. Le flux de ces noyaux secondaires peut alors être calculé par rapport au

flux des primaires :

dnA0 dE (E)'  A A0 2 ×dndEA AEA0 

Dans cette expression, un premier termeA/A0est dû à la conversion deAE/A0enE, et le second terme est dû

à la conservation de la masse. En utilisant alors le spectre d’injection des primaires donné plus haut, on obtient : dnA0

dE (E)' NxAA(A

0)α−2E−α

Cette formule est en particulier correcte pourA = A0 = 1. La spallation est complète pour A0 = 1 (on descend la chaîne de dissociation jusqu’aux protons), et incomplète pourA0 > 1. En cas de spallation incomplète, le

flux de secondaires est plus grand d’un facteur(A0)α−2que dans le cas de la spallation complète. Les champs magnétiques extragalactiques augmentent la distance moyenne de propagation des noyaux primaires, et per- mettent donc une spallation plus complète que dans le cas d’une propagation rectiligne. Cela explique que l’on observe un « aplatissement » du spectre plus important àE ≥ 10 EeV en présence de champs extragalactiques. Du coup, en supposant une distribution des éléments à l’injection telle que montrée en Fig. 5.25, on peut faire deux hypothèses compatibles avec le spectre actuellement mesuré àE ≥ 10 EeV :

FIG. 5.28 : Moyennes sur les réalisations de sources du spectre de l’ensemble des éléments (ligne noire) et

des spectres par groupes d’éléments dans le cas d’une injection mixte. Pour les particules plus lourdes que les nucléons, les groupes suivants sont définis : "éléments légers" (bleu) :2 ≤ A ≤ 11 ; "groupe du C" (vert) : 12 ≤ A ≤ 24 ; "groupe du Si" (noir) : 25 ≤ A ≤ 40, "groupe du fer" (jaune) : 41 ≤ A ≤ 56. Gauche : injection∝ E−2.2en l’absence de déflections. Droite : injection∝ E−2.6avec déflections substantielles. Les

fluctuations statistiques importantes sont dues à des limitations de CPU.

1. En l’absence de déflections extragalactiques substantielles, l’indice spectral d’injection des sources doit être∼ 2.2.

2. En présence de déflections importantes, la spallation est plus complète ce qui aplatit le spectre observé. L’indice spectral des sources doit alors être de l’ordre de 2.6.

La Fig. 5.28 présente les spectres par groupes d’éléments dans ces deux situations. Les deux hypothèses, bien que physiquement très différentes, mènent à des observables similaires. La fraction de protons à1019eV dans le premier cas est de' 58%, et de ' 63% dans le second cas.

Nous pouvons comparer ces résultats avec le cas de l’injection de protons seuls. Dans ce cas, l’indice spectral d’injection doit être environ2.4− 2.6, et surtout le spectre observé ne dépend quasiment pas des déflections extragalactiques, comme précisé précédemment.

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