• Aucun résultat trouvé

Diffusions des UHECRs dans les champs magnétiques des grandes structures

5.2 Régimes de propagation en milieu hétérogène

5.2.3 Diffusions des UHECRs dans les champs magnétiques des grandes structures

FIG. 5.10 : Échantillon de trajectoires de particules de rigidité 50 EeV constante (sans interactions), dans les

champs magnétiques de [110]. On représente la distance à la « source » de la particule, celle-ci étant choisie aléatoirement dans l’espace.

La Fig. 5.10 montre des exemples de propagation d’UHECRs de rigidité donnée (on a « coupé » les inter- actions) dans des champs magnétiques extragalactiques structurés. On observe clairement que les trajectoires sont quasi-rectilignes pendant des durées qui peuvent dépasser 100 Mpc, et qu’elles sont au contraire très dif- fusives par moments. Cela est cohérent avec le fait que l’essentiel de l’espace est quasiment vide de champs magnétiques, alors qu’une faible fraction, associée aux grandes structures, possède des champs magnétiques suffisants pour déflechir fortement les trajectoires sur une courte distance, voir pratiquement pour les confiner.

Modélisons les trajectoires des UHECRs comme des marches aléatoires. On peut avoir les deux cas sui- vants :

– Lorsqu’une particule traverse un vide, elle fait des « pas » bien plus grands que lorsqu’elle reste dans une structure magnétisée. La distribution desp(`) a donc une queue importante à grand `.

– Lorsqu’une particule se retrouve quasiment confinée dans un amas, on peut considérer qu’entre chaque pas de propagation il y a un temps d’attente important. La distribution desψ(τ ) a donc aussi une queue importante à grandτ .

Il est donc naturel, étant donnée la grande inhomogénéité des champs ~B associés aux grandes structures, que l’on ait au moins dans certains cas un régime de propagation qui soit sous- ou superdiffusif. En propageant un grand nombre de trajectoires dans les champs magnétiques de [110], on peut reconstruire la moyennehd2i

de la distance au point initial en fonction du temps de propagation des particules pour une rigidité donnée. La Fig. 5.11 (gauche) montre le résultat pour des protons de 10 et de 100 EeV. On utilise deux modèles de champs : le modèle 1 suppose que les champs sont générés aux chocs des grandes structures alors que le modèle 2 suppose des champs « primordiaux » à grand redshift. On a vu au chapitre précédent que les champs du modèle 2 étaient bien plus concentrés dans les amas, donc plus inhomogènes encore que les champs du modèle 1.

On distingue clairement deux régimes de propagation, aux temps courts et aux temps longs, qui corres- pondent à la transition balistique (temps courts) - diffusif (temps longs) décrite au début de cette section. On

FIG. 5.11 : Gauche :hd2i en fonction du temps de propagation pour des particules de rigidité 10 et 100 EeV/Z,

dans deux modèles de champs magnétiques structurés. Droite : ajustement de la loihd2i = f(t) par deux lois de puissance aux temps courts (régime balistique) et aux temps longs (régime diffusif). Les indices ajustés sont respectivementγbaletγdif, etRcritest le temps (en Mpc) de la transition entre les deux régimes.

observe quehd2i est naturellement plus importante pour E = 100 EeV que pour 10 EeV, les déflections étant

moindres. Aux temps longs, la diffusion est aussi significativement plus prononcée pour le modèle 2 de champ magnétique que pour le modèle 1. On peut, pour chaque courbehd2i(t), ajuster une loi de puissance aux deux régimes de propagation (Fig. 5.11, droite). Dans le cas d’un champ magnétique statistiquement homogène, le régime balistique doit être caractérisé par un coefficientγbal = 2, et le régime diffusif par γdif = 1. L’exemple

de la Fig. 5.11 montre que ce n’est pas le cas avec les champs très structurés du modèle 2 : on a significative- mentγbal< 2, ce qui montre que le régime balistique est en fait superdiffusif. D’autre part le fait que γdif < 1

montre que le régime diffusif est en fait sous-diffusif. Il y a donc bien des phénomènes de diffusion anormale

des UHECRs dans les champs magnétiques construits à partir des simulations de grandes structures.

Évolution des paramètres de propagation avec l’énergie

On applique ici systématiquement la procédure illustrée à la Fig. 5.11 (droite) à diverses énergies et pour les deux modèles de champs magnétiques considérés.

La Fig. 5.12 montre les propriétés de la distance caractéristique associée à la transition balistique - diffusif (nous continuons à la nommer ainsi même si les régimes ne sont plus strictement balistiques et diffusifs). Cette distance augmente avec la rigidité, et elle est moins élevée pour le modèle 2 de champs magnétiques. On peut comparer ces courbes avec la courbe de la Fig. 5.7 de [121] :

– Comme pour le modèle de [121], la courbeRcrit(E) croise la courbe lloss(E), représentant les pertes

d’énergie, dans le domaine des énergies GZK, en ordre de grandeur.

– Aux plus basses énergies, la transition balistique - diffusif a lieu à des distances bien plus courtes sur la Fig. 5.7 que sur la Fig. 5.12.

La Fig. 5.13 compare les coefficients γ obtenus en ajustant hd2i ∼ tγ aux simulations, aux cas idéaux

γ = 2 dans le cas balistique et γ = 1 dans le cas diffusif. Il reste parfois des incertitudes importantes sur ces coefficients liées au fait qu’on n’ajuste la fonctionhd2i(t) que sur un petit domaine temporel. Néanmoins il

apparaît clairement des régimes superdiffusifs et sous-diffusifs, surtout à faible rigidité et pour le modèle 2 de champ magnétique. Cela est naturel car c’est le modèle le plus inhomogène de champ ~B.

FIG. 5.12 : Évolution de la distance caractéristique associée à la transition « balistique - diffusif » en fonction

de l’énergie, pour deux modèles de champs magnétiques.

FIG. 5.13 : Évolution des coefficientsγ ajustant la loihd2i ∼ tγaux temps courts (gauche) et aux temps longs (droite), en fonction de l’énergie et du modèle de champs magnétiques. Les coefficients attendus dans le cas de champs homogènes sont représentés en pointillés (γ = 2 pour le régime balistique et γ = 1 pour le régime diffusif).

Conclusion temporaire

On a ainsi mis en évidence des régimes de diffusion anormale des UHECRs dans le cadre de certains modèles de champs magnétiques extragalactiques. On peut les résumer et les expliquer ainsi :

• Sur des temps de propagation petits devant ∼ 100 Mpc, les UHECRs se propagent essentiellement en ligne droite dans les vides, mais la présence localisée de zones fortement magnétisées peut les faire diffuser de temps en temps. Le régime de propagation est alors superdiffusif au lieu d’être balistique. • Aux temps longs (plusieurs centaines de Mpc), les UHECRs diffusent dans les champs extragalactiques,

mais il leur arrive d’être parfois quasiment confinés dans des amas ou des filaments, ce qui rend leur régime de propagation sous-diffusif.

Étant données les idées actuelles sur les champs ~B, il est tout-à-fait probable que la nature ait effectivement imposé ces régimes de propagation aux UHECRs. Si c’est le cas, la physique des UHECRs serait ainsi une application élégante supplémentaire de la théorie de la superdiffusion.

Il reste maintenant à tirer les conséquences observables de ce phénomène. Une première méthode, qui est celle qui sera suivie au cours des sections suivantes, consiste à utiliser des Monte-Carlo pour estimer le spectre, la composition et les anisotropies des UHECRs. On peut aussi, et cela reste à faire, intégrer directement l’équation de transport des rayons cosmiques comme dans [123], en remplaçant le noyau de diffusion gaussien par un noyau plus approprié comme les fonctions de LévyLµ,0. Le formalisme le plus approprié reste encore à

trouver...

Documents relatifs