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SITUATION DE LA MARIOLOGIE DANS CE CADRE GÉNÉRAL

1.1. L'ITINÉRAIRE D'UNE PENSÉE

1.1.5. SITUATION DE LA MARIOLOGIE DANS CE CADRE GÉNÉRAL

Ce serait faire violence à la pensée du P. Congar que de vouloir établir une sorte de mariologie congarienne. Marie, toujours plutôt en marge de ses préoccupations majeures, se présente chez ce théologien entièrement en solidarité avec les autres mystères de la foi chrétienne et, comme en une sorte d'avant-garde des textes du Concile, toujours en relation à la christologie et l'ecclésiologie; christologie avant tout, car, comme nous avons pu le voir, elle constitue le cadre même de son ecclésiologic.

L'engagement œcuménique, la passion pour l'unité, contribue à faire de Congar un mariologue discret, attentif, modéré. Avant le Concile, le thème mariai apparaît par deux fois: une première fois attaché au dogme de l'Assomption, puis une autre fois en lien avec l'anniversaire du Concile de 451; dans les deux fois stimulé par le dialogue œcuménique. En

1952 vient l'article Marie et l'Église chez les protestants (édité à nouveau en 1964 dans

Chrétiens en dialogue pp. 491 - 518.) dont nous avons présenté les conclusion plus haut.

Durant le Concile, le P. Congar ne publie qu'une seule méditation sur le sujet. Pour le

Psautier de Notre-Dame, il reprend le thème du Mystère du Temple. Il préface aussi le livre du

K. Delahaye : Ecclesia mater chez les Pères des trois premiers siècles, paru dans Unam sanctam, n° 46 en 1964. La source principale pour la période conciliaire reste son Journal du Concile, où le stylo du père dominicain, un peu agacé203, inscrit en gros caractères son souci constant d'une mariologie sobre qui évite une mise à part de Marie, à côté de Dieu et hors de la communauté des disciples. Il condamne vigoureusement la mariologie majorante204 et ne s'attarde pas trop sur la

Walter Kasper, «La théologie œcuménique d'Yves Congar», Bulletin de littérature ecclésiastique, CVI/2, p. 9. Cf. Par exemple le 21. septembre 1961.

SX

crise du 29 octobre 1963. «Il restera un malaise, dit-il, ...mais c'est décidé»205. Finalement on

peut dire que les conclusions même du Concile, l'insertion du De Beala dans De Ecclesia, et la présentation de Marie comme servante et pauvre, - est-ce un hasard que ce soit aussi le titre du livre programme sur l'Église que le P. Congar édite durant le Concile206 ?-, répondent exactement

à la sensibilité congarienne. La thématique mariale se fait par la suite rare et semble être dès lors liée à sa réflexion sur la note ecclésiologique sancta et à son dialogue sur la médiation.

Récapitulons brièvement la pensée principale du P. Congar. Il cherche toujours à situer Marie dans le cadre global de l'ecclésiologie. Le point d'ancrage fondamental se trouve à la jonction entre le Nouveau et l'Ancien Testament, dans le mystère tout à fait déterminant de la pensée congarienne de l'Incarnation. L'autre point d'ancrage se trouve dans le dogme christologique des premiers Conciles où le discours mariologique accompagne les énoncés sur le Christ. La théologie médiévale est le troisième lieu des recherches congariennes sur l'Eglise et Marie. Notre théologien maintient une distance plutôt analytique par rapport au développement du dogme mariai. Le théologien dominicain trouve en effet peu souhaitable un engagement mariologique synthétique qui aboutirait à une sorte de mariologie isolée. C'est donc seulement après avoir pris toutes ces distances qu'il cherche à déterminer le rôle personnel de Marie et qu'il nous livre sa propre vision. Elle prend les traits de la figure biblique de l'humble servante, celle qui s'ouvre à la Parole de Dieu et s'offre à l'accueil du Verbe. La fonction typique reste cependant la plus approfondie et la plus présente chez Congar. Trois cercles thématiques s'y entrelacent : l'Incarnation, la médiation ecclésiale et l'eschatologie.

Le P. Congar soutient sans cesse les affirmations de la tradition catholique et les défend dans son débat avec le protestantisme. Il invite cependant à la retenue quant à la piété et la théologie mariale qui risque d'évincer la primauté du dogme christologique en son rapport à l'Église. À la racine de ces choix théologique du P. Congar nous trouvons en toute évidence : la pensée œcuménique, l'attachement à la méthode privilégiant le concret de l'histoire, l'attachement au concept christocentrique dans l'ecclésiologie, tout cela étant prolongé par la recherche d'un équilibre trinitaire; s'ajoute enfin le souhait de voir la figure de la Mère de Dieu

205 Yves Congar, Mon journal du Concile, t. I, Paris, Éditions du Cerf, 2002, 595 pp.,p. 508 et aussi 509 où l'opinion est complétée.

en plus grande corrélation avec les dogmes centraux du catholicisme, ce qui éviterait les positions extrêmes.

Même si notre relecture a été nécessairement partielle - plusieurs grandes œuvres portant notamment sur l'articulation entre l'histoire et le dogme n'ont pas été abordées -, nous avons pu ébaucher un tableau représentant les lignes principales du rapport «Marie-Eglise» chez le P. Congar. Notons qu'à cet égard, il nous manque encore une étude plus complète de la part d'un spécialiste. Il nous a donc paru bon de parcourir l'ensemble de la période allant depuis le temps de sa formation jusqu'aux années 1970, mais de ne pas entrer dans la période suivante qui demanderait, nous semble-t-il, un examen à part. Notre exposé introductif de la problématique a été assez long, mais il nous a paru indispensable. La même nécessité ne s'impose pas chez le P. Balthasar. Nous rencontrerons une œuvre plus homogène quant à la figure mariale, où le thème du rapport entre Marie et l'Église demeure un des plus centraux. Cette ecclésiologie mariale balthasarienne a fait l'objet d'un grand nombre d'analyses très complètes de la plume de théologiens des plus avisés.