• Aucun résultat trouvé

1.5. LE DIALOGUE ENTRE CONGAR ET BALT1IASAR

2.1.5. LE PRINCIPE MARIAL

Dans l'histoire de salut, le dialogue entre Dieu et l'homme prend progressivement une forme spécifique où le sujet, non seulement crée - l'humanité -, mais aussi croyant - Israël dont la Vierge Marie est le zénith de la foi -, se dispose à se laisser sauver. En elle, le caractère de l'épouse qui répond à son époux divin par sa disponibilité chaste et totale prend vie. La foi même (ies disciples fondateurs, Pierre en premier lieu, est une foi reçue, mariale en quelque sorte. En lisant dans cette lumière l'épisode de la confession de Pierre à Césarée de Philippe (Mt 16, 13-

19), on peut dire que Pierre se comporte comme une épouse vis-à-vis de son Époux; épouse qui, dans la joie, confirme son union à lui. La foi est sponsale, féminine, et donc toute âme croyante a ce caractère.

Cette foi féminine, ecclésiale, est le sein pouvant porter du fruit et dans lequel sont formées les fonctions servantes de l'Eglise... on comprend pourquoi, chez les Pères de l'Église, l'Église est considérée, surtout dans ses actes sacramentels, comme un sein maternel qui met au monde, et pour ceux qui sont nés, comme une mère qui les élève... Cela suppose, bien sûr, que l'Église en tant que prototype possède elle-même, afin de pouvoir administrer la fonction sacramentelle, non seulement la «sainteté objective» des structures, mais déjà

la sainteté subjective et personnelle de la foi, de la charité et de l'espérance

effectivement vécues341.

L'Église a une forme substantiellement féminine34 . Plus concrètement, elle est

une personne mariale. Le «principe mariai», comme un principe, avant d'être ecclésial et mariai est féminin et propre à la créature. Il s'agit d'un principe porteur de la création «qui se reçoit entièrement de Dieu. Il est seulement ensuite un principe ecclésial étant la réponse libre et virginale de la foi à la sanctification et à la divinisation de l'homme en

Christo. Il est également un principe de la participation de l'homme à son propre salut

et au salut des autres, qui se manifeste dans la fécondité de la mission d'un sujet (ievenant une personne théologique. Or un principe est dépassé dans son abstraction par le fiât personnel, inconditionnel et universel de Marie, une personne théologique par excellence. Nous avons déjà dit que la personnalité de l'Église ne peut pas être hypostasiée. Elle réside en définitive en ceux que Balthasar appelle animae

ecclesiasticae.

141 Hans Urs von Balthasar in La Dramatique divine, IV, Le dénouement, pp. 56 - 57.

106

Si l'Église comme personne réside dans le sujet singulier qui se laisse le plus saisir et modeler par Dieu, qui est le plus assumé dans la personne archétypique du Christ, le plus dilaté à l'universel, c'est bien Marie que nous rencontrons; Marie est l'Église, et l'Église est Marie343.

L'ecclésiologie de Balthasar est profondément imprégnée de ce «principe mariai»344.

Nous pouvons citer Balthasar dans son Qui est l'Église?, dans le passage qui est comme un pivot de cette réflexion:

Marie est cette subjectivité qui, à sa manière féminine et réceptive, est capable de correspondre pleinement, par la grâce de Dieu et par son Esprit venant sur elle, à la subjectivité masculine du Christ. En Marie, l'Église émanant du Christ trouve son centre personnel et la pleine réalisation de son idée. Sa foi qui aime et qui espère, dans son ouverture féminine à l'époux divin, Dieu et homme, est coextensive au principe masculin ministériel et sacramentel inscrit dans l'Église, même s'il n'appartient pas à son caractère féminin de comprendre exhaustivement l'esprit objectif qui y règne. Marie n'est pas la Parole, mais la réponse adéquate, telle que Dieu l'attend, du monde créé et telle que, dans sa grâce et par sa parole elle y est suscitée345.

Cependant, le fait que c'est en Marie Immaculée que la sainteté objective de l'Église trouve son expression subjective par excellence, «ne signifie pas que l'Église (soit) limitée à Marie, mais que l'Église n'est personne réellement et adéquatement qu'en Marie»346. Ce concept

trinitaire et mariai de l'Église doit être précisé du point de vue systématique par au moins quatre points conjoints :

Le rapport entre la sainteté subjective, mariale, eschatologique de l'Église, et la sainteté objective qui s'enracine dans la vie trinitaire et qui trouve son expression dans le ministère apostolique.

Le rapport entre la féminité de l'Église et la masculinité du Christ, dans lequel s'engagent toutes les relations entre le Christ et la Vierge Marie, sa participation à sa passion entre autres, et qui s'appuie sur un développement théologique sur le domaine de notre existence sexuée.

Jean-Noël Dol, «Qui est l'Église... », p. 385-386.

Achiel Peelman, Le salut comme drame trinitaire, pp. 248 - 270. Hans Urs von Balthasar, Qui est l'Eglise, p. 59.

Jean-Noël Dol, «Qui est l'Église... », p. 387. 143

344 145 346

Le rôle de la mission ad extra de l'Église comme autotranscendance de l'Église. Le rapport entre Marie et l'Esprit Saint.

Or la complexité de l'argumentation balthasarienne qui, à chaque moment, ouvre devant le lecteur de nouvelles possibilités d'appréciation, une nouvelle contemplation du mystère de l'Église, nous pousse, encore une fois, à nous référer aux commentaires mentionnés plus haut. Nous rencontrerons toutefois deux de ces thèmes durant l'examen de l'ouvrage Marie, première

Eglise, ouvrage vers lequel nous voulons nous tourner maintenant. En nous interrogeant sur la

permanence du statut mariai de l'Église dans l'ecclésiologie de Balthasar, c'est le rapport de Marie (sa mission) avec la personne et l'œuvre de son Fils et c'est la sainteté eschatologique de l'Église dans son rapport avec l'Immaculée qui seront abordés. Le rapport entre la sainteté de Marie et la sainteté de Pierre sera brièvement abordé en relation avec la réponse de Balthasar à l'article de Congar.