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MARIE ET L'ÉGLISE DANS LA DRAMATIQUE DIVINE

1.5. LE DIALOGUE ENTRE CONGAR ET BALT1IASAR

2.1.2. MARIE ET L'ÉGLISE DANS LA DRAMATIQUE DIVINE

Notre première question va s'intéresser à l'Église comme à une personne dramatique. Nous allons y rencontrer la terminologie et les éléments fondamentaux de la théologie balthasarienne. Nous allons nous appuyer notamment sur les travaux déjà cités de Pascal Ide,

Être et mystère, La philosophie de Hans Urs von Balthasar, d'Achiel Peelman, Le salut comme

307 Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, I, 2, Styles (d'Irénée à Dante), [Théologie], Grenoble, Aubier, 1975, 416 pp., pp. 1 1 - 1 2 .

308 Henriette Danet, la Gloire et la Croix de Jésus-Christ, L'analogie chez H. Urs von Balthasar comme introduction

drame Irinitaire, La Theodramatik de Mans Urs von Balthasar, d'Angelo Scola, Hans Urs von Balthasar, Un grand théologien de notre siècle et sur certains chapitres de l'étude d'Henriette

Danet, La Gloire et la Croix de Jésus-Christ, L dnalogie chez II. Urs von Balthasar comme

introduction à sa christologie.

La seconde question va porter sur la permanence de la signification du thème mariai dans l'ccclésiologie de Balthasar, suivant l'ordre chronologique de la parution des deux ouvrages types : Qui est l'Eglise? de 1961 et Marie, première Eglise de 1980. Il semble que l'auteur ait conservé sans grands changements la perspective mariale dans son ecclésiologie, et cela depuis le début de son travail jusqu'à ses derniers travaux. Quand en 1978 paraît le second tome de sa

Theodramatik, Die Personen des Spiels {Les personnes du drame I et II), qui représente en

quelque sorte le noyau de son univers théologique, la place de l'Église et de Marie y est ancrée de manière stable.

L'examen des deux ouvrages ecclésiologiques nommés ci-dessus sera accompagné par les travaux de Jean-Noël Dol «Qui est l'Église, Hans Urs von Balthasar et la personnalité de l'Église», et d'Achiel Peelman dans son oeuvre déjà citée. C'est également ici que nous allons rencontrer le P. Yves Congar qui, dans son article «La personne "Eglise"», dialogue avec le P. Balthasar. Par là, nous serons alors amenés à visiter quelques pages de la Theodramatik où Balthasar réagit à la lecture congarienne de ses propres positions.

Chez Balthasar, Marie joue par rapport à l'Église un rôle typique à plusieurs niveaux. Dans la troisième partie de notre chapitre, nous essayerons de les déterminer et de souligner les particularités qui soutiennent son argumentation. Nous signalerons, enfin, quelques réserves que les autres commentateurs expriment, notamment quant à une certaine inflexibilité de la théologie de Hans Urs von Balthasar.

Mentionnons ici le fait que nous aurions pu nous interroger sur les autres perspectives marialcs présentes chez Balthasar, celles qui se situent en dehors du champ de l'ccclésiologie; comme l'a fait par exemple le P. Brendan Leahy, qui, malgré le titre de son livre, The marian

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profile in the ecclesiology of Hans Urs von Balthasarsm, donne une revue plus large que simplement ecclésiologique du statut de la Vierge Marie chez le théologien suisse. Mais, ce Taisant, notre travail tomberait plutôt dans le domaine de la théologie mariale. En nous tenant aux limites ecclésiologiques de notre travail, nous nous contenterons de renvoyer aux travaux qui s'intéressent à l'intégralité de la mariologie balthasarienne. Nous pouvons mentionner aussi, dans cette même perspective, un ouvrage majeur - thèse de doctorat en langue allemande - de la théologienne autrichienne Hilda Steihauer : Maria als Dramatische Person bei Hans Urs von

Balthasar. Zum marianischen Prinzip seines Denkens (579 pages), éditée chez Tyrolia Verlag en

2001. Selon la thèse fondamentale de Balthasar, le principe mariai est un principe universel inhérent à la structure de la création, manifesté dans la conscience de la liberté finie, personnifié de manière excellente et éternelle en Marie. En elle le principe atteint son expression authentique110, à l'intérieur de l'ordre de la rédemption. Hilda Steihauer, en s'appuyant sur la deuxième partie de la Theodramatik, exploite dans son ouvrage la notion de principe mariai. Elle le considère d'un point du vue épistémologique, théologique, mariologique et, enfin, du point de vue de la piété mariale. Fidèle à la pensée de Balthasar qui a toujours voulu élaborer une dogmatique touchant la vie, elle s'intéresse à la transmission du message d'une mariologie centrée sur le mystère pascal, s'écartant volontiers du discours universitaire classique.

Comme on peut déjà le deviner, il est donc possible d'aborder chez Balthasar le rôle de Marie par rapport à l'Église, soit à partir de la personne et de la mission de Marie, soit à partir du statut dramatique de l'Église. Dans la troisième édition française de Marie, première Église, Balthasar reprend le principe célèbre de Scheeben (Dogmatique V, n° 1819) : le mystère de Marie et le mystère de l'Église se compénètrent en périchorèse et s'éclairent mutuellement, de sorte que

l'un a besoin de l'autre pour qu'ils soient situés et éclairés de façon correcte. Or la préséance de

Marie sera clairement indiquée par Balthasar à travers la structure de sa Trilogie, et présentée explicitement au chapitre « La réponse de la femme » du second tome de la Dramatique divine :

305 P. Brendan Leahy, The Marian Profile in ihe Ecclesiology of Hans Urs von Balthasar, New York-London- Manila, New City Press, 2000, 205 pp.

310 Balthasar précise bien aux pages 234 - 236 de la Dramatique divine II, 2, en quel sens on doit comprendre le mot

principe afin que celui-ci n'englobe pas la personne de Marie dans une abstraction froide. 11 dit la même chose avec beaucoup de vigueur au sujet du Christ dans Complexe antiromain p. 139, au moment où il s'apprête à parler de la figure centrale de Jésus-Christ : «Jésus-Christ n'est pas un «principe» ni un «programme», mais premièrement un

homme de chair et de sang qui a vécu en Galilée, a été sur la croix percé par une lance romaine... cependant il est (aussi) la vérité divine qui se révèle.»

D'après ce que nous avons dit, la mariologie et l'ecclésiologie sont étroitement impliquées l'une dans l'autre. Ainsi se pose la question : lequel des deux rôles doit être posé d'abord? Bien que la doctrine de l'Église (dont Marie aussi est un membre sous certains aspects) soit l'objet le plus vaste, la mariologie doit revendiquer une priorité, en tant qu'elle traite de la mère du Rédempteur, sans lequel il n'y aurait ni une Église structurée, ni tout simplement une grâce divine dans l'histoire du monde avant et après le Christ3".

Ce principe n'est cependant pas respecté systématiquement, surtout pas comme une règle méthodologique. Ainsi, par exemple, le livre Qui est l'Église? commence par la figure de l'Eglise et, à partir de l'image de l'épouse, arrive à Marie, qui apparaît, après coup, comme le centre personnel de l'Eglise, mais qui est nécessairement présupposé dès le départ.

Tournons-nous alors vers cet ouvrage dont la première édition allemande date de 1961, et qui constitue la première référence de notre travail.