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1.5. LE DIALOGUE ENTRE CONGAR ET BALT1IASAR

2.1.3. QUI EST L'ÉGLISE ?

Wer ist die Kirche? (Qui est l'Église?) est tout d'abord un article qui faisait partie d'un

recueil d'études ecclésiologiques que Balthasar publia sous le titre Sponsa Verbi en 1961. Il le réédite en 1965 et en 1971 dans une édition limitée à quatre études, qui doivent former un tout ecclésiologique fondamental. Maurice Vidal, qui a fait et présenté la première traduction française de cet article, eût le souci de le situer dans le contexte de ce second recueil:

Balthasar prévient le lecteur que ces [quatre] études ainsi isolées, peuvent paraître «abruptes», voire «choquer», alors que les autres études «les complètent, les éclairent et les protègent»... Balthasar regroupe (les études de

Sponsa Verbi) en trois parties. La première [...] tourne autour du mystère en

son centre, qui est aussi le centre de gravité de l'ensemble. Elle regroupe six études [...] dont Qui est l'Église? occupe la quatrième place312.

311 Hans Urs von Balthasar, La Dramatique divine, II. Personnes du drame, 2. Les personnes dans le Christ, Paris- Namur, Éditions Lethielleux, Le Sycomore, Culture et Vérité, 1988, 436 pp., p. 233.

312 ... après avoir introduit l'ensemble de cette manière : «L'Église, dans la mesure où elle est l'épouse du Christ, demeure cachée dans le mystère sponsal... C'est un mystère d'amour que nous ne pouvons qu'entourer de respect.» Cf. in Hans Urs von Balthasar, Qui est l'Église? Présentation et traduction de Maurice Vidal, [Cahier de l'École Cathédrale, 45], Saint-Maur, Parole et Silence, 2000, 121 pp., pp. 7 - 9 .

98 Les précédentes étaient: «L'expérience de l'Église en ce temps», «Sur la foi du Christ» et «Suite du Christ et ministère»; les suivantes étaient: «Casta meretrix», une étude très poussée et importante sur «l'épouse prostituée que Dieu sauve et purifie», et «La racine de Jessé» qui porte sur l'Eglise composée de juifs et de païens. Une deuxième partie de Sponsa Verbi est consacrée à des formes de vie chrétienne. Elle comporte cinq études, marquées par l'itinéraire propre de la vie de Balthasar, et portent les titres : «Grâce et charisme», «Le laïc dans l'Eglise», «Philosophie, christianisme, monachisme», «L'existence sacerdotale», «Théologie des instituts séculiers». La troisième partie de Sponsa Verbi, de 1961, offre quatre ébauches théologiques sur le «Lien sacramentel entre l'Époux et l'Épouse», dont le dernier est consacré au Congrès eucharistique de 1960.

Les éditions de 1965 et de 1971 ne reprennent de cet ensemble que les quatre chapitres aux noms un peu modifiés : «Qui est l'Église?» en introduction, puis «La sainte prostituée», «Frère juif»et «Le cœur secret; théologie des instituts séculiers». Maurice Vidal nous rappelle que c'est justement ici que se cache un des aspects les plus importants de la théologie balthasarienne que nous rappelons brièvement. Selon Balthasar ce dernier chapitre répond, dans l'ordre existentiel, à la question posée par le premier chapitre:

La quatrième esquisse cherche un lieu où l'on puisse se trouver aujourd'hui le plus près possible du cœur secret de l'Église : totalement dans le monde et totalement spirituel, loin de l'opposition stérile entre la fuite du monde et le désir captif du monde [...] Quel est ce lieu? S'il existe et si on le trouve, ne nous donnera-t-il pas la meilleure réponse à la question : qui est vraiment l'Église?313.

Nous n'avons pas choisi de présenter en introduction la vie de Balthasar, son itinéraire théologique et spirituel exceptionnellement fécond au cœur du renouveau de l'Église du XXe

siècle. Beaucoup de ceux qui ont réfléchi en profondeur sur sa théologie pourraient nous reprocher cette omission méthodologique. Non sans raison. En étudiant la production balthasarienne, nous pourrions nous rendre rapidement compte, que, de manière semblable à la théologie de Congar, la théologie de Balthasar, si peu académique, est indissociable de son

engagement personnel et pastoral1'4. Sa disponibilité ignatienne à la voix du Christ, base de toute sa vie de prêtre et de religieux, source de son activité d'éditeur, de fondateur de l'Institut séculier Saint-Jean et de théologien - qui va le conduire à de douloureuses décisions et lui donnera de goûter jusqu'à la persécution - est le principe herméneutique par excellence de sa théologie. Il existe cependant assez de bons ouvrages et d'articles biographiques, pour que, dans notre travail, nous nous contentions de mentionner occasionnellement les aspects de sa vie qui peuvent être reliés à notre thématique ecclésiologique. Pour le reste, nous nous référons surtout au livre d'Angclo Scola, Hans Urs von Balthasar, Un grand théologien de notre siècle, aux actes du symposium à l'occasion du 90e anniversaire de sa naissance (Fribourg, 1995) édités en français sous le titre Hans Urs von Balthasar, Mission et méditation, à la bibliographie de 391 pages d'Elio Guerriero Hans Urs von Balthasar, dont l'édition française est parue en 1993, préfacée par Jean Guitton, sans oublier le n° 2 du tome XIV de la revue Communia publié à l'occasion de la mort du professeur de Bâle315.

Revenons sur l'étude Wer ist die Kirche?. En 1964 le théologien allemand Heribert Miihlen publie le livre Una mystica persona. L'Église comme mystère de l'identité de l'Esprit

Saint dans le Christ et les chrétiens : Une Personne en de nombreuses personnes.

Balthasar le qualifie comme complément et fondement indispensable de ses

propres réflexions. Il note néanmoins un désaccord sur le point central de la

sponsalité mariale dans l'Église. Ce désaccord est développé par Miihlen dans la seconde édition en 1969 sous le titre L'Esprit dans l'Église316. La

controverse est reprise par Balthasar dans la Dramatique divinem.

Là, Balthasar s'oppose à Miihlen en affirmant : « Lorsque l'on compare l'essai de H. Miihlen et le nôtre, on remarque, malgré bien des convergences, ces différences: 1) que «l'inversion trinitaire» est repoussée [...]; 2) que Miihlen ne distingue pas comme nous entre le 314 On peut se reporter au colloque à Lyon. Le statut théologique du laïc en débat : Yves Congar et Hans Urs von

Balthasar, par Jacques Servais s.j. professeur de théologie à l'Université Grégorienne de Rome.

315 La bibliographie sans cesse mis à jour des ouvrages sur l'œuvre et la vie de Balthasar se trouve sur le site Internet http://www.mvpage.bluewin.ch/HuvB.S.Lit/ Nous pouvons aussi indiquer les pages de la faculté de théologie à Lugano qui a ouvert une section de recherche sur l'œuvre de Balthasar, riches de toutes sortes d'information :

http://www.aventicum.ch ainsi qu'un site anglophone http://www.ratzingerfanclub.com/Balthasar/index.html

contient également les éléments intéressants de la vie de Balthasar.

316 Heribert Miihlen, L'Esprit dans l'Église, I et II t., [Bibliothèque œcuménique, 6 et 7], Paris, Éditions du Cerf, 1969, 472 pp. et 356 pp.

317 Maurice Vidal, in Hans Urs von Balthasar, Qui est l'Église? p. 7., (Dramatique Divine, II, 2, surtout les pp. 275 - 283)

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sujet spirituel et la personne (théologique) [...]; et 3) que le sujet ccclésial est initialement présent en Marie, et qu'elle peut, pour autant qu'elle remplit sa mission personnelle dans le geste du Fils qui la remet à Jean, être appelée centre personnel de l'Eglise. »

Par ces remarques, le théologien suisse dévoile sa propre vision de l'Église et de Marie comme personnes dramatiques dans le drame trinitaire dont le Christ est la Figure par excellence. En effet nous avons ici in nuce trois perspectives fondatrices du rapport entre l'Église et Marie chez Balthasar : le concept de «l'inversion trinitaire», celui de la personne théologique en Christo et celui du centre personnel de l'Église qu'est Marie

Ces trois concepts sont évidemment bien présents, plus ou moins explicitement, dans l'étude Wer ist die Kirche?. Qu'est-ce qu'ils signifient dans l'ecclésiologie de Balthasar? Ce que Balthasar appelle «l'inversion trinitaire», «sans doute une des contributions les plus originales de Balthasar à la christologie, [...] constitue en quelque sorte l'aboutissement ultime de sa présentation de la personne et de la mission de Jésus»118. C'est par rapport à elle et par rapport au

principe de en Christo, que se situent les deux notions suivantes : la personne théologique de Marie et de l'Église (élues, appelées et investies d'une mission), et Marie comme le centre personnel de l'Eglise. Aidés par les travaux pertinents d'Achiel Peelman et d'Angelo Scola, nous allons essayer de présenter ces éléments qui vont devenir importants dans notre dialogue avec l'ecclésiologie congarienne.