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Situation en cas d’absence de négociation entre les parties Les clauses pour solde de tout compte connaissent souvent une formulation

standardisée sans toujours faire l’objet d’une négociation, ce qui pose la question de leur qualification comme « clauses de style » ou encore de leur soumission au régime des conditions générales (1). Elles ne devraient toutefois correspondre à aucune de ces notions (2).

467 « Release Of All Claims», émis par la compagnie d’assurances « Prudential Financial », Appendice C.

468 Sur les constructions juridiques potentielles : cf. N 228 ss.

469 Cf. N 215 ss.

470 Cf. N 215 ss.

471 ZIRLICK,p. 106.

472 BUCHER, Obligationenrecht, p. 401 ; KELLER/SCHÖBI,p. 118.

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1) Clauses standard, de style et conditions générales a) Notion de clause « standard »

Dans un sens strict, une clause standard est une clause qui n’est pas nécessairement négociée entre les parties, mais qui est traditionnellement intégrée dans un contrat, de type commercial notamment, dans une partie introductive regroupant les éléments « divers »473. Ces clauses, qui présentent le risque d’être qualifiées de clauses de style, sont soumises aux principes généraux d’interprétation474.

Dans un sens plus large, une clause standard n’est rien d’autre qu’une clause contenue usuellement dans un contrat d’un type particulier, sans pour autant être reléguée au titre de « divers ». C’est en ce sens que la doctrine qualifie à l’occasion les clauses pour solde de tout compte de clauses « standard »475. b) Notion de clause de style

Une clause de style est « une formule usuelle dans le type de contrat en cause et insérée dans l'acte sans que les parties aient voulu en adopter son contenu »476. Il s’agit par exemple des clauses d’exclusion de garantie dans une vente immobilière477 ou des clauses mentionnant que le versement d'une gratification à l’employé est facultatif, alors que l'employeur demontre par son comportement qu'il se sent tenu d'en verser une478.

Lorsqu’elles sont insérées sans que les parties ne l’aient voulu, subjectivement ou objectivement, de telles clauses sont dépourvues d'effet479. Une clause usuellement insérée dans un certain type de contrat n'est toutefois pas encore une clause de style et conserve sa portée dans la mesure de la volonté des parties480.

c) Notion de conditions générales

Les conditions générales d’adhésion sont des clauses contractuelles préformulées pour un nombre élevé de contrats, dits « contrats de masse »,

473 CHAPPUIS/MARCHAND/MEAKIN,§ 2 N 0.3, qui donnent pour exemples les clauses d’intégralité, de non-modification ou d’absence d’effets sur les tiers (§ 2 N 0.1).

474 CHAPPUIS/MARCHAND/MEAKIN,§ 2 N 0.3.

475 CHAPPUIS B.,Pluralité de responsables, p.59 ;FAVRE-BULLE/BABEL-CASUTT,N5.1.

476 Formulation employée à l’arrêt TF, 4A_226/2009 du 20 août 2009, c. 3.2.1 en matière de clause exclusive de garantie.

477 TF, 4A_226/2009 du 20 août 2009, c. 3.2.1 ; ATF 107 II 161, JdT 1981 I 582, c. 6c; ATF 83 II 401, JdT 1957 I 582, c. 2.

478 ATF 129 III 276, JdT 2003 I 346, c. 2.3.

479 ATF 107 II 161, JdT 1981 I 582, c. 6a; ATF 83 II 401, JdT 1957 I 582, c. 2.

480 ATF 83 II 401, JdT 1957 I 582, c. 2.

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typiquement dans le domaine de la consommation481. Etablies à l’avance et unilatéralement, elles sont typiquement employées sans la moindre négociation entre les parties482. La partie qui les rédige pourrait donc y prévoir des conditions inéquitables sans que cela donne lieu à une quelconque discussion entre les cocontractants483. Afin d’écarter ce risque, la doctrine et la jurisprudence admettent que les conditions générales sont valablement intégrées à l’accord des parties à certaines conditions.

Les conditions générales s’examinent selon les règles suivantes :

- Les conditions générales, qui sont intégrées « globalement » à l’accord sans même avoir nécessairement été lues484, doivent avoir été mises à la disposition des parties et être raisonnablement accessibles, ce qui implique qu’elles soient compréhensibles et lisibles (« Zugänglichkeitsregel »)485.

- Elles doivent en outre ne pas présenter un caractère insolite, soit qu’elles prennent la partie faible par surprise486, soit que l’accord présente un déséquilibre certain, par exemple en s’écartant sensiblement du cadre légal (« Ungewöhnlichkeitsregel »)487. A tout le moins, la partie censée les accepter doit y être rendue attentive, par exemple par un soulignement ou l’utilisation de caractères gras, et expressément consentir488.

- Enfin, si l’interprétation d’une disposition des conditions générales ne conduit pas à un résultat clair, il y a lieu de retenir l’interprétation favorable au client (« Unklareitenregel »)489.

Au-delà du régime jurisprudentiel des clauses insolites, le législateur a prévu des règles particulières pour les clauses dites « abusives ». L’art. 8 LCD prohibe ainsi l’utilisation de conditions générales de manière contraire à la bonne foi, soit lorsque ces conditions consacrent une « disproportion notable et injustifiée

481 KOLLER,AGB-Recht, p. 279 ; TERCIER/PICHONNAZ,N860et865.Voir encore le message LCD : « Par conditions générales (CG), on entend les dispositions contractuelles formulées à l’avance pour un grand nombre de conclusions de contrat », Message LCD, p. 5579.

482 Message LCD, p. 5565 ; BÜYÜKSAGIS,p. 1398qui se réfère à l’art. 2.1.19 2) des Principes UNIDROIT :

« Sont des clauses-types les dispositions établies à l’avance par l’une des parties pour un usage général et répété et effectivement utilisées sans négociation avec l’autre partie ».

483 TERCIER/PICHONNAZ,N866.

484 ATF 108 II 416, c. 1b ; KOLLER,AGB-Recht, p. 282 s. ; PERRIG,N135 ;TERCIER/PICHONNAZ,N874.

485 KOLLER, AGB-Recht, p. 281 et 287 ; PERRIG, N141ss (compréhensibilité), N 149 ss (lisibilité) ; SCHWENZER,Obligationenrecht, N 45.03.

486 ATF 119 II 443, c. 1a.

487 ATF 135 III 225, c. 1.3 ; KOLLER,AGB-Recht, p. 281 ; TERCIER/PICHONNAZ,N880.

488 KOLLER,AGB-Recht, p. 281 ; TERCIER/PICHONNAZ,N882.

489 KOLLER,AGB-Recht, p. 281.

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entre les droits et les obligations découlant du contrat »490, sous peine de nullité491. Le champ d’application de cet article semble toutefois limité aux contrats conclus à des fins de consommation, ce par quoi il faut entendre l’usage personnel ou familial d’une chose ou d’un service acquis, par opposition à un usage professionnel492.

Dans une liste exemplative de clauses présumées abusives, le droit européen cite l’exclusion ou la limitation de la responsabilité légale du professionnel en cas de mort ou de dommages corporels (let. a)493, liste à laquelle le droit allemand ajoute la forfaitisation du dommage au bénéfice de l’utilisateur de la clause, dans la mesure où le montant convenu dépasse les dommages attendus ou que la preuve de la survenance du dommage ou sa mesure notablement inférieure au forfait convenu est empêchée494.

2) Disqualification des clauses pour solde de tout compte comme clauses de style ou conditions générales

a) Disparité dans les circonstances factuelles

Indéniablement, les clauses pour solde de tout compte sont habituellement insérées dans les actes transactionnels et peuvent paraître reproduire, à l’instar des clauses de style, une phrase qui se trouve dans tous les actes de ce genre.

Aussi, elles peuvent être établies à l’avance par le débiteur et soumises au créancier sans aucune négociation. Elles se distinguent toutefois à plusieurs égards des clauses de style et des conditions générales.

Les clauses pour solde de tout compte peuvent faire l'objet de négociations, ce qui est souvent le cas lorsque les parties sont représentées par avocat. Quoique typiques dans les transactions ou quittances, elles ne figurent d’ailleurs pas nécessairement dans « tous les actes de ce genre », sans volonté correspondante des parties. En outre, elles se greffent sur des rapports préexistants spécifiques, de sorte qu’elles ne présentent pas un caractère général et abstrait comparable à celui d’une clause de style ou de conditions générales.

Par ailleurs, la fréquence des clauses pour solde de tout compte dans les contrats de transaction ne se concilie guère, sous réserve de circonstances particulières,

490 Art. 8 LCD : « Agit de façon déloyale celui qui, notamment, utilise des conditions générales qui, en contradiction avec les règles de la bonne foi prévoient, au détriment du consommateur, une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat. »

491 Message LCD, p. 5568 ; TERCIER/PICHONNAZ,N866c.

492 CHAPPUIS/MARCHAND,RCC,§1N6 ;KOLLER,AGB-Recht,p. 288 s. ; TERCIER/PICHONNAZ,N886.

493 Annexe à la Directive 93/13 du 5 avril 1993.

494 Art. 309 ch. 5 BGB : « […] ist in Allgemeinen Geschäftsbedingungen unwirksam] die Vereinbarung eines pauschalierten Anspruchs des Verwenders auf Schadenersatz oder Ersatz einer Wertminderung, wenn (a) die Pauschale den in den geregelten Fällen nach dem gewöhnlichen Lauf der Dinge zu erwartenden Schaden oder die gewöhnlich eintretende Wertminderung übersteigt oder (b) dem anderen Vertragsteil nicht ausdrücklich der Nachweis gestattet wird, ein Schaden oder eine Wertminderung sei überhaupt nicht entstanden oder wesentlich niedriger als die Pauschale.

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avec un effet de surprise pour la partie faible.Selon HOFMANN,qui raisonnait cependant sous l'angle de l'ancien droit limitant le contrôle du juge au caractère insolite des conditions générales, cette fréquence d’utilisation excluait précisément de tenir lesdites clauses pour insolites495.

Tout au plus, l’analogie avec les clauses de style ou les conditions générales se justifierait-elle pour des formulaires préimprimés intégrant systématiquement une clause pour solde de tout compte, indépendamment des circonstances de l’espèce, soit sans qu’il y ait nécessairement litige ou incertitude ni contre-prestation en l’échange de la renonciation496. Dans ces cas-là, une mise en évidence particulière se justifie497, pour éviter un effet de surprise à la partie créancière.

b) Absence d’utilité d’un rapprochement

Dans une perspective de droit allemand,BORK retientque les clauses s’étendant à des prétentions inconnues des parties au moment de la conclusion du contrat et/ou à tout tiers sont soumises au contrôle de contenu (« Inhaltskontrolle ») instauré par l’art. 307 BGB498, parce qu’elles dérogeraient à la règle selon laquelle le responsable doit réparation de tous les dommages en relation de causalité avec l’événement dommageable499. En d’autres termes, elles contreviendraient à l’obligation de réparer le dommage et représenteraient de ce fait une disproportion notable les rendant nulles500.

Il est vrai que, s’agissant de prétentions inconnues au moment de l’accord, la clause pour solde de tout compte est factuellement proche de la clause restrictive de responsabilité ou de la clause de forfaitisation du dommage qui figurent sur les listes des clauses présumées abusives du droit européen

495 HOFMANN, p. 110 :« In der deutschen Literatur wird zum Teil die Meinung vertreten, bei den gebräuchlichen Ausgleichsquittungen handle es sich trotz ihrer Kürze um Formularverträge, die – obwohl aus dem Bereich des Arbeitsrechts stammend – nach dem AGB-G zu beurteilen seien. Dies habe zwei Konsequenzen : Zum einen sei es gestützt auf § 3 AGB-G eine Ungewöhnlichkeitskontrolle vorzunehmen, könnten doch Saldoklauseln trotz ihrer Häufigkeit ungewöhnlich und überraschend sein. Zum andern seien AGB objektiv auszulegen, so dass besondere Umstände des Einzelfalles keine Berücksichtigung fänden. »

496 Sur les formulaires préimprimés : cf. N 82 s.

497 Cf. 269 ss.

498 L’art. 307 BGB, qui figure dans la section sur les conditions générales (art. 305 à 310 BGB), a remplacé l’art. 9 GBG auquel se réfère BORK dans sa monographie, 305. L’al. 2 de l’art. 307 BGB a la teneur suivante : « Eine unangemessene Benachteiligung ist im Zweifel anzunehmen, wenn eine Bestimmung 1. mit wesentlichen Grundgedanken der gesetzlichen Regelung, von der abgewichen wird, nicht zu vereinbaren ist oder 2. wesentliche Rechte oder Pflichten, die sich aus der Natur des Vertrags ergeben, so einschränkt, dass die Erreichung des Vertragszwecks gefährdet ist. »

499 BORK,p. 305 :« Der generelle formularmässige Verzicht auf die Regulierung bisher nicht erkennbarer Spätfolgen, für den der Geschädigte keinen Gegenwert erhält, verstösst gegen § 9 Abs. 2 AGBG [i.e.

307 al. 2 BGB], da er mit der gesetzlichen (bzw. versicherungsvertraglichen) Pflicht zum umfassenden Schadenersatz unvereinbar ist ».Art. 249 al. 2 BGB (« Art und Umfang des Schadenersatzes ») :

« Wer zum Schadensersatz verpflichtet ist, hat den Zustand herzustellen, der bestehen würde, wenn der zum Ersatz verpflichtende Umstand nicht eingetreten wäre ».

500 BORK,p. 305s.

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respectivement allemand, dans la mesure de l’indétermination des droits auxquels il a été renoncé. Au demeurant, il n’est pas exclu que l’existence de prétentions ultérieures, inconnues au moment de conclure l’accord, conduise à une disproportion notable entre les prestations au sens de l’art. 8 LCD. Enfin, les clauses comportant une renonciation expresse à se prévaloir de prétentions inconnues ne semblent pas usuelles en Suisse, à en croire l’absence de cas dans la jurisprudence, et peuvent donc créer un certain effet de surprise501.

Ce nonobstant, l’analogie avec le régime applicable aux conditions générales ne paraît pas avoir de portée propre. En particulier, à notre avis, la renonciation à des prétentions inconnues se heurte en droit suisse à des principes directement applicables, notamment l’interdiction des engagements excessifs (art. 27 al. 2 CC)502. Une application par analogie des développements entrepris en lien avec les conditions générales paraît donc superflue.

Une application par analogie de ces développements est d’autant moins justifiable que les clauses sont exemptes de référence aux prétentions inconnues.

Certes, BORK retient que les clauses pour solde de tout compte sont présumées abusives en raison de leur proximité factuelle avec les clauses de forfaitisation du dommage503, qui figurent sur la liste des clauses présumées abusives du droit allemand504. Or, conclues alors que l’événement dommageable est déjà survenu et la question de l’indemnisation actualisée, elles se distinguent suffisamment des clauses de forfaitisation du dommage pour nier une présomption d’abus505. En tout état, la prémisse selon laquelle les clauses de forfaitisation du dommage sont présumées abusives n’a pas cours en Suisse506.

§ II. Quelques modalités particulières du mécanisme abdicatif

Aux réflexions générales qui précèdent s’ajoutent celles qui concernent l’adoption d’une réglementation pour solde de tout compte par voie de représentation ou cession des droits (A), ainsi que quelques considérations formelles (B).

501 Cf. N 538 ss. Toutefois : STUCKI, p. 72, qui classe ces clauses dans les clauses courantes (« gebräuchlich »).

502 Cf. N 569 ss.

503 Sur les clauses de forfaitisation du dommage : cf. N 130 ss.

504 BORK,p. 305s ; § 309 BGB ch. 5.

505 Cf. N 137 ss.

506 Le juge suisse n’est pas liée par la liste comprise dans la directive européenne 93/13 du 5 avril 1993, CHAPPUIS/MARCHAND,RCC, § 1 N 6. A fortiori, il l’est encore moins par la liste étendue établie par le législateur allemand.

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