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Jurisprudence et opinions doctrinales sur l’admissibilité d’une renonciation expresse aux prétentions inconnues

Section II : L’extension expresse de la renonciation à des prétentions inconnues

A) Jurisprudence et opinions doctrinales sur l’admissibilité d’une renonciation expresse aux prétentions inconnues

Le Tribunal fédéral s’est uniquement prononcé sur les formulations abdicatives générales (1), tandis que les auteurs de doctrine adoptent des points de vue contrastés sur la question de l’admissibilité d’une renonciation expresse à des prétentions inconnues (2).

1) Jurisprudence du Tribunal fédéral quant à la renonciation aux prétentions inconnues

a) Jurisprudence sur les formulations générales en matière de clauses pour solde de tout compte

En droit suisse, il n’est pas rare que les clauses soient formulées de manière générale, se référant indistinctement à une renonciation « à toute prétention ultérieure » ou à « toutes les conséquences résultant de l’événement du […] ».

Le Tribunal fédéral limite la portée de ces clauses formulées largement, sans aucune spécification sur les prétentions inconnues, aux prétentions dont l’acquisition était connue ou au moins prévisible pour le créancier839. En l’occurrence, les différentes clauses dont il a eu à connaître dans ce contexte étaient formulées comme suit :

« Der Kläger unterzeichnete für den Betrag eine Quittung mit vorgedrücktem Text, der die Klausel enthält, der Unterzeichner anerkenne die endgültige und vorbehaltlose Erledigung des Schadensfalles, erteilte Quittung für den angeseztzten Entschädigungsbetrag und verzichte auf jede weitere Forderung »840,

« […] expressément renoncer à tout droit de recours concernant l’accident ci-dessus »841.

839 Cf. N 482 ss.

840 ATF 60 II 445, En fait, A.

841 ATF 68 II 186, En fait, A.

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« Le preneur d’assurance étant indemnisé pour une invalidité partielle permanente fixée à 20%, sont désormais exclues les complications relevant des séquelles de l’accident du 24 mars 1966 telles qu’elles sont, dans leur multiplicité et leur variété, décrites dans le rapport du 30 août 1969 du Professeur Eric Zander »842.

« […] Moyennant cet abandon d’actifs, les créanciers renoncent à la part éventuelle de leur créance qui ne serait pas couverte par le produit de liquidation »843.

A l’examen de la jurisprudence, il paraît clair qu’une clause pour solde de tout compte formulée généralement – comme la renonciation à « toute autre prétention », « à tout droit de recours » ou « à la part éventuelle d’une créance » – n’est pas propre à entraîner valablement la renonciation à des prétentions inconnues. Reste à savoir si une renonciation qui se réfère précisément aux prétentions inconnues, dont le Tribunal fédéral n’a encore jamais eu à connaître, est propre à entraîner un tel effet844.

Sans avoir eu à se prononcer sur la question, le Tribunal fédéral donne à penser qu’une référence expresse aux prétentions inconnues échapperait au principe selon lequel la renonciation du créancier est limitée aux prétentions dont l’acquisition était prévisible au moment de la réglementation des rapports pour solde de tout compte845.

Ainsi, dans l’arrêt de principe 60 II 445, le Tribunal fédéral a précisé que rien ne s’opposait à la liquidation de toutes les prétentions, mais qu’une telle convention faisait défaut en l’espèce.

« Freilich steht nichts entgegen, dass die Parteien eines Versicherungsvertrages unter besonderen Verhältnissen die Ablösung sämtlicher Versicherungs-leistungen durch eine Abfindungssumme vereinbaren. Eine solche Vereinbarung liegt aber hier nicht vor, […]. »846

De même, dans un cas où la quittance portait la mention d’une renonciation expresse « à tout droit de recours concernant l’accident ci-dessus », le Tribunal fédéral a retenu qu’« on ne saurait déduire des termes de la quittance une renonciation aux droits issus des faits nouveaux »847.

842 ATF 100 II 42, c. 1

843 ATF 102 III 40, En fait, A.

844 STUCKI,p. 72, classe les clauses par lesquelles le créancier renonce aux prétentions connues et inconnues dans la liste des clauses usuelles.

845 ATF 60 II 445, c. 1.

846 ATF 60 II 445, c. 1.

847 ATF 68 II 186, c. 1.

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A une autre occasion, il est allé jusqu’à affirmer que « si la recourante entendait donner une portée générale à la renonciation de Quennoz, il lui incombait de le faire expressément ressortir »848.

b) Jurisprudence sur les formulations générales dans d’autres domaines

En matière de clauses exclusives de garantie, le Tribunal fédéral a considéré qu’« une clause énoncée en termes généraux peut se révéler inopérante envers un défaut ayant pour effet de contrarier dans une mesure importante le but économique du contrat »849. Sans reconnaître que la clause en question était une

« simple clause de style »850, le Tribunal fédéral a retenu que les risques étaient en l’occurrence difficiles à évaluer, de sorte qu’un vendeur pouvait légitimement s’en exonérer. Il appartenait dès lors à l’acheteur de conclure un contrat différent s’il ne voulait pas supporter ce risque. Au demeurant, la lecture des autres clauses du contrat ne permettait pas une interprétation contraire851. En matière de décharge en droit de la société anonyme852, le Tribunal fédéral a déclaré qu’une décharge formulée généralement s’étend à toute la marche des affaires pendant la période de temps concernée. Indépendamment de sa formulation, elle ne concerne toutefois que les « faits révélés », comme le précise d’ailleurs l’art. 758 al. 1 CO853.

La thématique des formulations inopérantes parce que trop générales n’est pas sans rappeler la renonciation à la reddition de compte dans le cadre d’un contrat de mandat (art. 400 al. 1 CO). Pour certains auteurs, une renonciation générale à la reddition de compte serait nulle parce que contraire aux bonnes mœurs (art.

20 al. 1 CO)854. Le Tribunal fédéral reconnaît toutefois qu’une telle renonciation

848 ATF 100 II 42, c. 1. Tel n’était pas le cas puisque l’accord se référait uniquement aux prétentions d’invalidité, non aux prétentions de décès litigieuses, ATF 100 II 42 : « Le preneur d’assurance étant indemnisé pour une invalidité partielle permanente fixée à 20%, sont désormais exclues les complications relevant des séquelles de l’accident du 24 mars 1966 telles qu’elles sont, dans leur multiplicité et leur variétés, décrites dans le rapport du 30 août 1969 du Professeur Eric Zander ».

849 TF, 4A_492/2012 du 22 novembre 2012, c. 5. Egalement à l’ATF 130 III 686, c. 4.3.1 et dans l’arrêt TF, 4A_444/2017 du 12 avril 2018, c. 5.2.1.

850 La clause était la suivante (TF, 4A_492/2012, du 22 novembre 2012, En fait, A) : « L'immeuble vendu sera transféré sans aucune garantie quant aux éventuels défauts qui pourraient l'affecter actuellement ou se révéler ultérieurement, quelle que soit l'importance de ceux-ci. L'attention de l'acheteur est dès lors attirée sur la portée de la clause ci-dessus, à savoir qu'il sera privé des garanties prévues par la loi. Cette exclusion de garantie ne concerne pas les défauts qui auraient été frauduleusement dissimulés par le vendeur. »

851 TF, 4A_492/2012 du 22 novembre 2012, c. 5.

852 Sur la notion de décharge : cf. N 150 ss.

853 TF, 4A_155/2014 du 5 août 2014 c. 6.3 : « Ein allgemein gefasster Entlastungsbeschluss bezieht sich in sachlicher Hinsicht auf den gesamten Geschäftsgang in der betroffenen Zeitperiode. Art. 758 Abs.

1 OR präzisiert immerhin, dass der Entlastungsbeschluss der Generalversammlung nur für bekannt gegebene Tatsachen wirkt. Der Déchargebeschluss kann auch als bloss spezielle Entlastung für einzelne bestimmte Geschäftsvorfälle ausgestaltet sein. Möglich ist schliesslich eine allgemeine Entlastung unter Vorbehalt bestimmter Geschäftsvorfälle ».

est valable lorsqu’elle comporte tous les éléments permettant au mandant d’évaluer la mesure de sa renonciation855.

2) Opinions doctrinales

a) Auteurs favorables à une renonciation aux prétentions inconnues Plusieurs auteurs semblent admettre la possibilité de renoncer aux prétentions inconnues, notamment par le biais d’une convention expresse sur la question.

En particulier, HÜNERWADEL retient quele créancier qui a accepté de renoncer jusqu’aux prétentions qui lui étaient inconnues ne saurait de bonne foi plaider une interprétation restrictive en se prévalant de ce qu’il n’avait pas envisagé l’acquisition de prétentions inconnues, puisque la réglementation des rapports pour solde de tout compte s’y étend expressément856. En ce sens, le principe selon lequel les prétentions inconnues seraient exclues d’une clause pour solde de tout compte serait trop absolu857. PLATZ soutient d’ailleurs qu’une clause pour solde de tout compte comprend généralement de manière explicite les prétentions inconnues858.

OFTINGER/STARK retiennent que le créancier renonce à toute prétention liée à une évolution défavorable, s’il n’y a aucun doute à ce propos859. En d’autres termes, la renonciation aux prétentions inconnues est admissible pour autant qu’elle soit énoncée de manière claire et univoque. GAUCH semble également admettre qu’une renonciation à des prétentions inconnues est possible si

855 ATF 137 III 393, JdT 2012 II 168 ; ATF 132 III 460, JdT 2008 I 58.

856 HÜNERWADEL, p. 101, n. 492 : « Dann schlägt auch die eigens für Saldoquittungen aus Treu und Glauben entwickelte Regel nicht durch, wonach unvorhersehbare Ansprüche davon nicht erfasst seien.

Treu und Glauben verlangen bei einer umfassenden Saldoquittung, die auch künftige Entwicklungen anspricht, vielmehr, dass auch ein unvorhersehbaren Schadensverlauf darunter falle. »

857 HÜNERWADEL, p. 101 n. 492 : « Aber auch die in BGE 68 II 186 (189) und ohne Not in BGE 100 II 42 (45) wiederholte Formulierung, mit welcher die Abgeltung unvorhersehbarer Spätfolgen in einer Saldoquittung ausgeschlossen wurde, ist zu absolut. […] Vgl. nunmehr auch die Relativierung in BGE 109 II 347 (349) ».

858 PLATZ,p. 107 : « Haben sich unvorsehbare Spätschäden realisiert, so stellt sich die Folgefrage, ob diese mit einer Saldoklausel pauschal abgegolten sind. Sofern aus dem Vergleich eine umfassende Saldoquittung hevorgeht, wird die Erfassung selbst von unvorsehbaren Spätfolgen regelmässig eindeutig aus dem Wortlaut hervorgehen ».

859 OFTINGER, p. 475 : « Die Wirkung des Vergleichs beschränkt sich somit auf die Folgen des schädigenden Ereignisses, die zur Zeit des Vergleichsabschlusses bereits entstanden waren oder deren künftiger Eintritt voraussehbar war, auch wenn die Gegenpartei, gewöhnlich ein Versicherer, die pauschale Abfindung aller Ansprüche bezweckt haben sollte. Das Gegenteil gilt jedoch dann, wenn der Geschädigte ausser jedem Zweifel schlechthin alle später eventuell sich zeigenden ungünstigen Entwicklungen der Schädigung endgültig abgelten lassen wollte. Alsdann erfasst der Vergleich auch die künftigen Ansprüche ; eine Nachforderung ist ausgeschlossen. » ;OFTINGER/STARK, § 12 N 49 :

« Kein zusätzlicher Anspruch ist einzuräumen, wenn der Geschädigte ausser jeder Zweifel alle eventuell sich später zeigenden ungünstigen Entwicklungen der Schädigung endgültig abgelten lassen wollte. Dann erfasst der Vergleich auch die nicht voraussehbaren künftigen Schadensteile ».

OFTINGER/STARK, § 12 N 49, n. 66 et déjà OFTINGER, p. 475, n. 58 : « Wirksamkeit der Saldoquittung, die ohne Vorbehalt der Verschlimmerung der Unfallfolgen ausgestellt wird, obwohl deren Eintritt voraussehbar ist. »

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l’interprétation conduit de manière certaine à ce résultat860. Sans plus d’explications, HOFFMANN admet que les parties peuvent renoncer aux prétentions auxquelles elles n’ont pas pensé, mais précise qu’une telle volonté n’est en principe pas donnée861. En matière de quittance pour solde de tout compte en droit du travail, REHBINDER énonce simplement que savoir si un travailleur a renoncé à des prétentions qui lui étaient inconnues se détermine par voie d’interprétation862.

b) Auteurs défavorables à une renonciation aux prétentions inconnues

BERGER et MARCHAND réfutent que des clauses se référant expressément aux prétentions inconnues soient valables sous l’angle du droit suisse, dans la mesure où les prétentions en cause n’étaient pas prévisibles au moment de la renonciation pour solde de tout compte863. MORAND et STUCKI semblent également se rallier à cette opinion864.

En particulier, MARCHAND est d’avis que pareille renonciation serait contraire aux droits de la personnalité865. Il considère d’ailleurs quede telles clauses ne seraient pas même valables si elles étaient régies par un droit étranger, mais soumises à l’examen d’un juge suisse. Les art. 27 CC et 18 LDIP, lequel réserve l’application des dispositions impératives du droit suisse indépendamment du droit applicable, se heurteraient à leur validité en pareille situation866.

B) Perspective comparative sur la formulation de la renonciation

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