• Aucun résultat trouvé

Section I : L’effet sur les droits des parties

C) Absence d’effet sur les droits procéduraux des parties

Les clauses pour solde de tout compte emportent renonciation à un droit matériel et ne concernent pas directement les droits procéduraux (1). Pour être touchés, ceux-ci doivent donc faire l’objet de dispositions particulières des parties (2).

1) Absence d’effet direct des clauses pour solde de tout compte sur les droits procéduraux

Les droits procéduraux sont le pendant des droits matériels, dont ils garantissent la mise en œuvre. Ils comprennent notamment le droit d’introduire une action en justice, de recourir contre des décisions, d’être représenté par avocat ou encore de requérir des mesures d’instruction d’un tribunal1014. Ces droits résultent pour l’essentiel des lois de procédure, tels le Code de procédure civile et le Code de procédure pénale.

La liberté de renoncer aux droits procéduraux, même de manière anticipée, est largement reconnue par la doctrine1015 et la jurisprudence1016, sous réserve d’exceptions. Cette liberté découle – et est conditionnée – par le libre exercice des droits et des actions par les parties1017. Comme elle tend à éviter toute judiciarisation du litige, la renonciation à faire usage de droits procéduraux fonctionne souvent comme modalité de mise en œuvre d’une réglementation pour solde de tout compte.

Les clauses pour solde de tout compte ne concernent toutefois directement que des droits matériels, sans avoir d’effets sur les droits procéduraux des parties1018. Tout au plus, une réglementation pour solde de tout compte conduit à la constatation par la juridiction saisie que le renonçant n’a pas qualité pour agir ou recourir en raison de sa renonciation à des prétentions1019. En tout état, des actes spécifiques des parties sont en principe requis pour, par exemple, mettre un terme à une procédure en cours ou renoncer à une voie d’appel ou de recours. Il n’en va autrement que si l’accord pour solde de tout compte est

1013 BK-WEBER,68-96,CO88N29 :« Eine Saldoquittung biem Tausch von Occasions-Autos bedeutet nicht den Verzicht auf die Geltendmachung von Gewährleistungsansprüchen ».

1014 HOHL, Tome II,N 2173 ; TERCIER/ZUFFEREY, p. 115 ;YUNG, Renonciation, p. 131 s.

1015 HABSCHEID, p. 2370 ; HOHL, Tome II, N 1158, 2175 ; LEUENBERGER/UFFER-TOBLER, N 12.32;

TERCIER/ZUFFEREY,p. 115.

1016 ATF 113 Ia 26 ; ATF 79 II 234, c. 3 ; ATF 48 II 129, c. 3 ; ATF 33 II 205, c. 5 ; TF, 4P.110/2006 du 17 juillet 2006 ; 4C.202/2005 du 17 juillet 2006.

1017 Not. ATF 113 Ia 26.

1018 Pour le contrat de transaction : PLATZ,p. 69.Cf. N 168 ss.

1019 Cf. N 1031 ss.

635

636

637

638

couplé avec un acte propre à mettre un terme à une procédure, comme une transaction judiciaire1020.

2) Nécessité de conventions particulières sur la procédure

Les clauses pour solde de tout compte n’ayant pour elles-mêmes aucun effet direct sur les droits procéduraux des parties, celles-ci doivent prendre des dispositions particulières pour mettre un terme à la procédure (a) ou renoncer à l’usage d’une voie de droit (b).

a) Mise à terme d’une procédure

Dans le contexte d’une procédure civile, l’art. 241 al. 2 CPC prévoit que la transaction, l’acquiescement et le désistement d’action ont les effets d’une décision entrée en force. Il en découle que le procès finit de plein droit et ne devrait en principe pouvoir être recommencé sous peine d’irrecevabilité1021. Dans ces circonstances, le contrat de transaction judiciaire, éventuellement conclu pour solde de tout compte, emporte des conséquences procédurales particulières1022.

Conclu hors la vue du tribunal, le contrat de transaction n’emporte en revanche pas d’effet direct sur la procédure civile qui serait en cours1023. Dans un tel cas, il revient aux parties de prévoir des dispositions particulières dans leur accord, par exemple un désistement d’action (art. 65 CPC a contrario) ou l’engagement de signaler à la juridiction saisie que la procédure, devenue sans objet, peut être rayée du rôle (art. 242 CPC)1024. Le désistement d’action implique la renonciation au procès en cours comme au droit de fond et empêche donc tout nouvel exercice de la même prétention en justice1025, sans que l’existence de la créance s’en trouve toutefois atteinte1026. Dans la mesure où il est irrévocable, il est fortement recommandé aux parties de ne procéder au désistement d’action qu’une fois le reste de l’accord entièrement exécuté1027.

b) Renonciation à faire usage d’une voie de droit i) Renonciation postérieure à la réception de la décision

A réception d’une décision, les parties peuvent renoncer réciproquement à faire usage d’une voie de droit. Le procédé est particulièrement opportun lorsque

1020 Sur le contrat de transaction judiciaire : cf. N 53 ss.

1021 TAPPY,CPC241N5.

1022 Cf. N 53 ss.

1023 TF, 4A_249/2018 du 12 juillet 2018, c. 2.3. PLATZ,p. 69.

1024 TF, 4A_249/2018 du 12 juillet 2018, c. 2.3.

1025 JEANDIN/PEYROT,N150;TAPPY,CPC241N22et 30.

1026 ZK-AEPLI,CO115N 25 ; ENGEL,Traité des obligations, p. 766 ; CR CO I-PIOTET,CO115N 8; SCHWENZER, Obligationenrecht, N 79.07.

1027 MORAND,N333.

639

640

641

642

chacune des parties n’a pas obtenu le plein de ses conclusions et que la décision est susceptible d’appel (art. 308 ss CPC). Les parties écartent ainsi l’incertitude liée au dépôt d’un appel et l’éventualité de devoir déposer un appel joint (art.

313 CPC)1028.

« Both parties validly waive their right to appeal the judgment and consider the judgment n° […] rendered on […] by […] valid, final, binding and immediately enforceable. »

Il n’est pas rare qu’à de telles clauses de non-appel s’ajoute une clause pour solde de tout compte. Cet ajout ne paraît cependant utile que dans la mesure où, par impossible, l’une des parties introduirait un appel ou un recours en violation de la convention. Une clause solde de tout compte facilitera dans ce contexte la démonstration que la transaction couvre également les prétentions objet de l’appel ou du recours.

ii) Restrictions en matière de renonciation anticipée

La renonciation anticipée aux voies de recours intervient « par une convention de renonciation antérieure à la communication du dispositif de la décision, et même antérieure à la survenance du litige »1029. En cas de violation de l’engagement pris, elle conduit à l’irrecevabilité de l’acte accompli1030.

La possibilité de renoncer de manière anticipée à des voies de recours devant les juridictions étatiques a été fortement limitée par le Tribunal fédéral1031. Ce dernier considère que l’organisation et le fonctionnement d’une juridiction étatique « ne peuvent être livrés à l’autonomie des parties »1032. En ce qu’une renonciation anticipée à une voie de recours revient à « écarter tout un pan de la procédure », notamment l’application des lois de procédure (CPC et LTF), elle n’est donc pas admissible.

Ce faisant, le Tribunal fédéral a explicitement déclaré se distancer du raisonnement tenu en matière d’arbitrage sur la base de l’art. 192 LDIP, disposition selon laquelle les parties ne peuvent exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral que si elles n’ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse et qu’elles en font la déclaration expresse dans la convention d’arbitrage elle-même ou dans un écrit ultérieur1033.

1028 Le recours joint est exclu par le CPC, art. 323 CPC.

1029 ATF 141 III 596, c. 1.4.1.

1030 VENTURI/FAVRE, N 10.

1031 ATF 141 III 596.

1032 ATF 141 III 596, c. 1.4.5.

1033 ATF 141 III 596, c. 1.4.5.

643

644

645

646

iii) Restrictions en prévention d’une commercialisation des droits procéduraux

Parmi les concessions réciproques convenues par les parties dans le cadre d’un contrat de transaction, se trouve fréquemment le versement d’une somme d’argent en contrepartie de la renonciation à faire valoir des prétentions, voire le désistement d’une action judiciaire déjà introduite. Or, la rémunération convenue en contrepartie d’une renonciation à l’usage d’une voie de droit ou à son retrait pose la question d’une forme de commercialisation des droits de la défense, dont l’admissibilité est sujette à interrogation sous l’angle de la conformité aux mœurs1034.

En matière d’autorisations de construire, le Tribunal fédéral a posé deux conditions à la validité du contrat prévoyant l’engagement à ne pas déposer d’opposition, respectivement à la retirer. D’une part, la convention doit avoir été conclue dans le cadre d’une procédure qui n’est pas dénuée de chances de succès, à savoir que la renonciation intervient de bonne foi et justifie une rémunération1035. D’autre part, l’indemnité versée doit compenser un avantage matériel qui aurait pu résulter de la procédure pour le renonçant, et non pas seulement un avantage provisoire telle la simple prolongation de la procédure1036.

Au-delà de ce cas particulier, où le risque d’un usage chicanier d’une voie de droit est grand, les conditions précitées ne semblent pas devoir être nécessairement posées.

§ II. L’effet des clauses pour solde de tout compte sur les droits liés à la commission d’une infraction pénale

Dans un contexte relevant tant du droit civil que du droit pénal (A) se pose la question des interactions entre ces domaines, notamment lorsque les parties transigent uniquement sur les prétentions civiles (B) ou sur les aspects pénaux (C).

A) Indemnisation de la personne victime d’une infraction pénale

Documents relatifs