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Section I : La nature abdicative

A) Instruments de renonciation à la créance

La renonciation à une créance peut intervenir par le biais d’une reconnaissance négative de dette (1) ou une remise de dette (2).

1) Reconnaissance négative de dette

a) Reconnaissance négative de dette au sens strict

Au contraire de sa variante positive (art. 17 CO), la reconnaissance négative de dette n’est pas mentionnée dans la loi. Au sens strict, elle est une déclaration de volonté unilatérale (« Willenserklärung »), à vocation de preuve, par laquelle une personne reconnaît qu’un droit de créance déterminé n’existe pas339. Déclarative, la reconnaissance négative de dette se limite à constater

337 HUGUENIN, N 4045 ; CR CO I-PIOTET,CO115N11.

338 TF, 9C_1051/2012 du 21 mai 2013, c. 3.1 ; FRESARD-FELLAY,HAVE23LPGA,337 ;KIESER, LPGA23N 19.

339 ATF 127 III 444, c. 1a et les réf. citées ; TF, 4D_21/2012 du 3 avril 2012, c. 2.1 ; TF, 4A_97/2007 du 10 octobre 2007, c. 3.2, SJ 2008 I 237, JdT 2009 I 5.BUCHER, Obligationenrecht, p. 399; BaKOR I-GABRIEL, CO 115 N 3 ;CR CO I-PIOTET,CO 115 N 6 ;SCHWENZER, Obligationenrecht,N 79.05.

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l’inexistence de la dette, sans influencer son existence340. En raison de sa composante volitive et en dépit de son caractère unilatéral, elle est susceptible d’invalidation pour vice du consentement (art. 23 ss CO)341.

En déclarant dans le cadre d’une quittance pour solde de tout compte n’avoir pas ou plus de prétentions à faire valoir relativement à une créance, le créancier reconnaît que son droit de créance n’existe pas, ce qui revient à reconnaître négativement la dette342. Avec la décharge du droit des sociétés343, la quittance pour solde de tout compte est d’ailleurs un exemple typique de reconnaissance négative de dette344.

La reconnaissance négative de dette peut également prendre une forme contractuelle, forme que le législateur allemand a par exemple consacrée dans la loi345. Dans l’hypothèse d’un contrat de reconnaissance négative de dette, les règles usuelles en matière de conclusion des contrats, notamment la conclusion par actes concluants, sont applicables346. A l’occasion d’une décision portant sur un compte courant auprès d’un établissement bancaire, le Tribunal fédéral a relevé que le contrat de reconnaissance négative de dette n’était pas aisément qualifiable juridiquement en ce qu’il présentait des éléments de remise éventuelle de dette et de transaction347.

b) Remise de dette éventuelle

Au sens strict, la reconnaissance négative de dette ne peut qu’avoir un effet déclaratif, soit la constatation de l’inexistence de la dette. Il est toutefois admis qu’elle peut avoir un effet constitutif et entraîner l’extinction de la créance. Elle est alors qualifiée de « remise de dette éventuelle ».

« La reconnaissance négative de dette peut porter sur une dette existante ; elle s’analyse alors comme une remise de dette (cf. art. 115 CO). Le plus souvent toutefois, la dette en cause est incertaine, qu’elle soit contestée ou simplement considérée comme possible par les parties ; la reconnaissance négative de dette emporte alors une renonciation matérielle

340 TERCIER/PICHONNAZ,N1468.

341 ATF 127 III 147, c. 2d, SJ 2001 I 469; HUGUENIN,N727;KELLER/SCHÖBI,p. 118 s.; CRCOI-LOERTSCHER, CO 88 N 8;SCHWENZER, Obligationenrecht,N. 76.05.

342 ATF 127 III 444, c. 1a ; TF, 4A_96/2017 du 14 décembre 2017, c. 3.1 ; TF, 4D_21/2012 du 3 avril 2012, c. 2.1.

343 TF, 4A_97/2007 du 10 octobre 2007, c. 3.2, SJ 2008 I 237, JdT 2009 I 5. Cf. N 150 ss.

344 BUCHER, Obligationenrecht, p. 399, n. 4.

345 L’art. 397 al. 2 BGB dispose sous « negatives Schuldannerkenntnis » : « Das Gleiche gilt, wenn der Gläubiger durch Vertrag mit dem Schuldner annerkennt, dass das Schuldverhältnis nicht bestehe ».

346 ATF 127 III 147, SJ 2001 I 469, c. 2d.

347 ATF 127 III 147, SJ 2001 I 469, 472 s., c. 2d: « La qualification juridique de ce contrat, qui relève de la liberté contractuelle, peut paraître délicate puisqu’il présente tout à la fois les aspects de la remise d’une dette éventuelle et ceux d’une transaction ; la doctrine connaît cette figure sous la dénomination de contrat de reconnaissance de dette négative [réf.] ».

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à une prétention, que d’aucuns qualifient de remise de dette éventuelle (« eventueller Erlass ») [réf.] »348

« La qualification juridique de ce contrat, qui relève de la liberté contractuelle, peut paraître délicate puisqu’il présente tout à la fois les aspects de la remise d’une dette éventuelle et ceux d’une transaction ; la doctrine connaît cette figure sous la dénomination de contrat de reconnaissance de dette négative [réf.] »349

L’hypothèse de la remise de dette éventuelle vise les situations dans lesquelles les parties déclarent une créance inexistante, alors qu’elles ignorent si elle existe effectivement (la dette est « éventuelle »), voire la savent exister350. S’il s’avère que la créance n’existe pas, la déclaration n’emporte aucun effet. En revanche, s’il s’avère que la créance existe, la déclaration emporte renonciation à la créance, avec effet matériel et constitutif351. Ainsi définie, la remise de dette éventuelle est une reconnaissance négative de dette qui dissimule la remise d’une dette tenue pour établie, litigieuse ou seulement possible par les parties352. Ne répondant complètement ni à la qualification de reconnaissance négative de dette ni de remise de dette, la remise de dette éventuelle est également dénommée « fausse quittance pour solde de tout compte »353 ou « quittance dénaturée »354. Dans une tentative de qualifier le contrat de reconnaissance négative de dette, le Tribunal fédéral a également mentionné que ce contrat présente des éléments de remise de dette éventuelle et de transaction355. En pratique, la remise de dette éventuelle prend souvent la forme d’une transaction, lorsqu’elle est conclue pour liquider un litige et en contrepartie d’autres prestations. Elle peut également prendre la forme d’une quittance pour solde de tout compte, potentiellement dans le but de tromper les tiers356. La déclaration pour solde de tout compte peut alors être tenue pour une offre de

348 TF, 4A_97/2007 du 10 octobre 2007, SJ 2008 I 237, JdT 2009 I 5, c. 3.2.

349 ATF 127 III 147, SJ 2001 I 469, 472 s., c. 2d.

350 ZK-AEPLI, CO 115 N 22 ; BaKORI-GABRIEL, CO 115 N 3 ; RENZ, p. 148.

351 BaKOR I-GABRIEL, CO115N 3 ;HÜNERWADEL, p. 24; VON TUHR/ESCHER, p. 179 :« Das negative Schuldannerkenntnis ist ein eventueller Erlass und daher eine Zuwendung, deren Rechtsgrund in der Beseitigung des Streites liegt und, wenn der seine Forderung aufgebende Gläubiger eine Abfindung erhält, sich als Vergleich darstellt ».

352 BK-BECKER,CO 88 N 7; BUCHER, Obligationenrecht, p. 399 ; KELLER/SCHÖBI,p. 191 :« Auch hinter einem negativen Schuldbekenntnis verbirgt sich ein Erlass, wenn der Gläubiger im Wissen um eine Forderung erklärt, er habe gegen den Schuldner keine Forderung ».

353 GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, II, N 2410: « "unrichtige" Saldoerklärung ».

354 RENZ,p. 16.

355 ATF 127 III 147, SJ 2001 I 469, c. 2d.

356 GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER,II,N2421:« Dass die Verzichtserklärung der Gläubigerin in die Form einer Quittung gekleidet wird, kann verschiedene Gründe haben, namentlich auch der Täuschung Dritter dienen ».

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conclure une remise de dette éventuelle par le renonçant, avec acceptation, expresse ou tacite, du cocontractant :

« Solche Erklärungen [i.e. « per Saldo aller Ansprüche »], insbesondere die im Beispiel genannte Saldoquittung, stellen daher, wenn der Erklärende auf die Forderung zum Teil oder ganz verzichtet, einen Antrag zu einem Erlassvertrag i.S. von Art. 115 OR dar, der vom Partner des Erklärenden angenommen werden muss. Diese Annahme kann ausdrücklich oder konkludent erfolgen. Schweigt der Schuldner auf den Antrag des Gläubigers hin, so kann gemäss Art. 6 OR nur dann auf Annahme geschlossen werden, wenn der Erlassvertrag dem Schuldner ausschliesslich Vorteile bringt »357.

En tous les cas, lorsque la créance s’avère exister, la reconnaissance négative de dette dissimule une renonciation matérielle justifiant l’application par analogie des règles sur la remise de dette358.

2) Remise de dette

a) Caractéristiques de la remise de dette i) Acception large de la remise de dette

L’ordre juridique permet au titulaire d’un droit subjectif d’en disposer librement, donc d’y renoncer359. A cet égard, la remise de dette constitue un exemple typique de renonciation, à tout le moins en droit des obligations360. A tel point que les termes de remise de dette et de renonciation sont parfois utilisés comme synonymes, dans le jargon juridique comme dans le langage courant361. En outre, d’autres renonciations, par exemple celles des art. 100, 101 et 341 CO, ont à l’occasion été qualifiées comme des remises de dette auxquelles s’appliquent des règles particulières362. La remise de dette est donc une notion à prendre dans un sens large, regroupant différentes situations de renonciation à des créances.

Au demeurant, l’on distingue trois situations en fonction des caractéristiques de la dette à remettre :

357 KELLER/SCHÖBI, p. 118.Dans le même esprit, GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, II, N 2410, 2421 et 3130 et VON TUHR/ESCHER,p. 178s., pour lesquels : « Hinter der simulierte Aussage des Gläubigers verbirgt sich sein ernstgemeinter und vom Schuldner angenommener Erlasswille ».

358 TF, 4A_97/2007 du 10 octobre 2007, SJ 2008 I 237, JdT 2009 I 5, c. 3.2; BUCHER, Obligationenrecht, p. 399; HUGUENIN,N 727: « Besteht eine ungewisse Forderung trotzdem, entfaltet die negative Schuldanerkennung materielle Wirkung wie eine Aufhebung durch Übereinkunft, weshalb die Regeln von Art. 115 OR diesfalls zur Anwendung kommen (sog. "Eventualeralss") ».

359 PETER,p. 169; VON TUHR/ESCHER, p. 173.

360 KUMMER,p. 140;PETER, p. 171; PORTMANN/STÖCKLI,N635; SZÜCS,p. 17;WALSMANN,p. 231 ;YUNG, Renonciation,p. 130.

361 BERGER H., p. 195; RENZ, p. 14; WALSMANN, p. 188.

362 PETER, p. 171.

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- La dette est certaine au moment de la conclusion de l’accord (« remise de dette au sens étroit », art. 115 CO) ;

- La dette ne naît qu’après la conclusion de l’accord (« remise de dette anticipée »).

- La dette est incertaine, contestée ou simplement considérée comme possible par les parties (« remise de dette éventuelle ») au moment de la conclusion de l’accord. Il s’agit d’une institution hybride, entre la reconnaissance négative de dette et la remise de dette363.

ii) Remise de dette au sens étroit

Le Code des obligations ne renseigne guère sur le contenu d’une remise de dette, se contentant d’énoncer que sa forme est libre et qu’il s’agit d’un acte bilatéral (art. 115 CO). Par la remise de dette, créancier et débiteur conviennent de l’annulation ou de la suppression d’une dette et sa créance correspondante, en totalité ou seulement pour partie364. La dette, respectivement la créance, s’éteignent de même que les accessoires (art. 114 CO)365.

Dès lors qu’elle entraîne la diminution directe et définitive des actifs du créancier et l’extinction effective de la dette du débiteur, sans nécessité d’acte d’exécution supplémentaire, la remise de dette est un acte de disposition366. Il en découle que, quoiqu’indépendante du type de contrat en cause, elle ne peut porter que sur des créances367. Afin de la distinguer de la reconnaissance négative de dette et de la remise de dette éventuelle susdécrites, il est précisé que les créances en question sont nécessairement existantes.

iii) Remise de dette anticipée

La remise de dette au sens étroit se limite à agir sur les créances existantes, soit sur celles qui sont déjà nées au moment de la conclusion. En référence à l’admissibilité de la cession de créances futures, il est cependant possible d’éteindre conventionnellement une créance avant même qu’elle n’ait pris naissance368. La créance est alors éteinte immédiatement après sa naissance,

363 N 203 ss.

364 ATF 131 III 586, c. 4.2.3 ; ATF 109 II 327, JdT 1984 158, SJ 1984 350, c. 2b ; ATF 69 II 373, c. 1a;

ATF 44 II 183, c. 2; ZK-AEPLI, CO 115 N 8 ; ENGEL, Traité des obligations, p. 761 s.; BaKORI-GABRIEL, CO115N7;CR CO I-PIOTET, CO 115 N 2;TERCIER/PICHONNAZ, N 1463.

365 SCHWENZER,Obligationenrecht, N79.01.

366 CHAPPUIS B., Pluralité de responsables, p. 132 s.; PETER,p. 170;CR CO I-PIOTET, CO 115 N 13; RENZ, p.14;SCHWENZER,Obligationenrecht,N 79.03; TERCIER/PICHONNAZ, N 208 et 1473.

367 GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, II, N 3113; BaKORI-GABRIEL, CO 115 N 2 et 10.

368 TF, 4A_270/2008 du 1er octobre 2008, c. 2.2; TF, 4C.376/1991 du 20 septembre 1994, c. 2a (tiré de KRAUSKOPF P., p. 457); ATF 117 II 68, c. 3b : « (…) rien n’empêche un créancier de convenir avec un futur cédant qu’il ne le tiendra pas, à certaines conditions, pour responsable solidaire des dettes de celui qui acquerra son entreprise avec actif et passif. » « La libération du cédant résulte alors d’une remise de dette conventionnelle au sens de l’art. 115 CO, laquelle peut intervenir même avant que la créance ait pris naissance. » « (…) remise de dette conventionnelle, stipulée d’avance et soumise à

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n’existant que le temps d’une « seconde juridique »369, voire ne naît pas du tout370, une distinction qui n’emporte aucune conséquence sur la réflexion.

iv) Contrat résolutoire

Le contrat résolutoire (« contrarius actus »), particulièrement fréquent dans les rapports de travail (« convention de cessation des rapports de travail » ; « accord de résiliation »371), est un contrat de disposition ayant pour objet la suppression de l’intégralité d’une relation juridique conclue par le passé372. Il se distingue de la remise de dette au sens strict, qui ne porte que sur une ou plusieurs obligations, mais théoriquement n’emporte pas la suppression de l’entier de la relation juridique373. En tous les cas, l’art. 115 CO est applicable au contrat résolutoire374, de sorte que sa conclusion n’est soumise à aucune exigence de forme, sous réserve de dispositions légales et de situations particulières375. L’institution du contrat résolutoire a parfois été utilisée pour décrire les clauses pour solde de tout compte, qui n’en seraient qu’une forme particulière376. Cela est vrai, dans la mesure où le but liquidatoire des clauses requiert en principe la liquidation de l’intégralité du rapport de droit visé et que celles-ci figurent régulièrement dans les contrats résolutoires377. A cet égard, déterminer si la remise de dette s’étend seulement à une créance ou à l’entier du rapport dont elle est issue est une question d’interprétation378.

b) Nature contractuelle atténuée de la remise de dette

En l’état du droit positif suisse, et selon la conception du Tribunal fédéral, la renonciation à des créances paraît nécessairement être un acte juridique bilatéral, comme l’indique la note marginale de l’art. 115 CO (« remise

une condition. Il est admis, de part et d’autre, que la condition s’est accomplie. »; ZK-AEPLI,CO115 N26;ENGEL, Traité des obligations, p. 763 ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, II, N 3438 ss ; CR CO I-PIOTET, CO 115 N 13; VON TUHR/ESCHER, 176; ZIRLICK, p. 258.

369 ZIRLICK,p. 258.

370 KRAUSKOPF P.,N1713.

371 TF, 4A_376/2010 du 30 septembre 2010 ; ZOBL,N1ss.

372 PETER,p. 170.

373 ZK-AEPLI,CO 115 N 16 ;BUCHER,Obligationenrecht, p. 399;ENGEL, Traité des obligations, p. 762 ; HUGUENIN,N726;KUMMER, p. 145; MÜLLER R.,p. 2;CR CO I-PIOTET,CO 115N 4; SCHWENZER, Obligationenrecht, N 82.01 ; TERCIER/PICHONNAZ,N1467;ZOBL,N 27.

374 TF, 4A_49/2008 du 9 avril 2008, c. 2.1; ATF 95 II 419, c. 2d ; ZK-AEPLI, CO 115 N 16 ; BK-BECKER,CO 115N3;BaKORI-GABRIEL, CO 115 N 2, 8 ; PETER, p. 170. Applicabilité seulement par analogie : ZK-AEPLI,CO115N16 ; BUCHER, Obligationenrecht,p. 390;CR CO I-PIOTET,CO115N4.

375 TF, 4A_103/2010 du 16 mars 2010, c. 2.2; TF, 4A_49/2008 du 9 avril 2008, c. 2 ; TF, 4A_495/2007, 4A_497/2007, 4A_415/2008, 4A_431/2008 du 12 janvier 2009, c. 4.3.1.1; TF, 4C.61/2006 du 24 mai 2006, c. 3.1 ; ZK-AEPLI, CO 115 N 17 ; CRCOI-PIOTET,CO115N 4 ; SCHWENZER,Obligationenrecht, N.

79.02 et 82.02.

376 FARNER, p. 40 : « Die Saldoklausel ist nichts weiter als eine Sonderform des Aufhebungsvertrags ».

377 ZOBL,N25et 600.

378 ENGEL, Traité des obligations, p. 762.

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conventionnelle »)379. Le caractère bilatéral de la remise de dette trouverait son origine dans le droit romain, qui, par respect d’un certain parallélisme des formes, imposait l’application de la forme employée pour la conclusion du contrat à sa suppression380, en exigeant notamment un accord des parties pour décider du sort d’une créance se trouvant dans leur pouvoir de disposition commun381. Le projet CO 2020 ne semble pas se départir de cette conception, l’abandon de l’art. 115 CO qu’il préconise ne se justifiant que parce que « la modification du contrat ne peut guère être distinguée sur un plan dogmatique de la suppression de certaines de ses dispositions »382.

Le caractère bilatéral de la remise de dette ne fait néanmoins pas l’unanimité. Il représenterait une entrave à la liberté du créancier de renoncer à un droit subjectif en exigeant l’acceptation du débiteur, alors que la remise de dette, qui est au seul bénéfice du débiteur, n’influence souvent que la situation juridique du créancier383. La conclusion d’un contrat pour remettre une dette relèverait dès lors de la fiction et plaiderait en faveur d’une renonciation par acte juridique unilatéral à des créances, plus conforme à la situation concrète384. Cette solution a déjà été adoptée dans quelques ordres juridiques européens385, voire y a été proposée de lege ferenda386.

Pour concilier la conception légale avec la réalité, KUMMER retient que la remise de dette est une forme de renonciation unilatérale du créancier nécessitant aux fins de validité l’accord du débiteur, accord qui est présumé donné387. En d’autres termes, le créancier ne doit pas s’attendre à une acceptation expresse du débiteur (art. 6 CO), ce qui vaut d’autant plus que la remise de dette est faite à titre gratuit, puisqu’elle intervient alors dans l’unique intérêt de ce dernier388. Dans cette perspective, le caractère contractuel de la remise de dette est qualifiable d’« atténué ».

Retenir que la remise de dette connaît une nature contractuelle atténuée permet de se conformer au droit positif suisse, qui exige un accord des parties pour la remise d’une dette, tout en tenant compte de la réalité factuelle de la renonciation. L’approche permet également de relativiser le débat sur la

379 ATF 69 II 373; ZK-AEPLI,CO 115 N 5 ; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, II, N 3118 ; KUMMER, p.

144 ; OFTINGER, p. 469 : « Auch der zunächst einseitig vom Geschädigten ausgesprochene Verzicht, den der Haftpflichtige entgegennimmt – ein Erlassvertrag im Sinne des Art. 115 OR – ist ein Vergleich. »; VON TUHR/ESCHER, p. 173 s.

380 BRIESKORN,p. 43 ;HOFMANN, p. 77 s.; KUMMER,p. 140 S ;PETER,p. 169;CRCOI-PIOTET,CO115N3.

381 PETER,p. 185et187.

382 HUGUENIN/HILTY,Intro. ad art. 135 ss CO 2020, N 2.

383 BUCHER,Obligationenrecht, p. 401;CARRON,p. 153;KUMMER,p. 140 ;PETER,p. 171;SZÜCS,p. 17 ; VON BÜREN,p. 357s.

384 WALSMANN, p. 191 s.

385 Not. l’Ecosse, les pays nordiques, la Belgique et l’Italie, comme le citeKLEINSCHMIDT,p. 12.

386 Not. en Allemagne, KLEINSCHMIDT,p. 7s.

387 KUMMER,p. 141 s.

388 ZK-AEPLI, N 30 ss ;KELLER/SCHÖBI,p. 118.

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renonciation à des créances par acte juridique unilatéral ou bilatéral, dont la portée pratique est moindre. Elle aura donc notre préférence dans le cadre de cette étude.

B) Instrument de renonciation au droit d’action

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