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Section I: L’introduction à l’institution

B) Incitation à la résolution amiable des litiges

La résolution amiable des litiges est favorisée de manière générale dans les réglementations modernes (1) et de manière spécifique par l’instauration de certaines procédures (2).

176 Cela dit, la résolution extrajudicaire ne saurait avoir force de « loi », ni de « jugement », en dépit de ce que prévoit l’art 1134 al. 1 CCfr : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

177 HAYDOCK/HERR/STEMPEL, p. 665 : « The law favors settlements ».

178 Cf. N 929 ss.

179 MIRIMANOFF, p. 12.

180 BÉNABENT, N 1421;FISS,p.1076 s.

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1) Incitation générale à la résolution amiable des litiges

La résolution amiable et ses avantages sont reconnus de longue date, quoique l’alternative judiciaire leur ait souvent été préférée181. Depuis quelques décennies, ils ont ainsi pris une importance considérable, au point de susciter l’intérêt des milieux politiques et législatifs, étrangers et suisses182.

En Suisse, le Code de procédure civile reflète l’attachement du législateur à la résolution amiable des litiges, notamment par la consécration des institutions de la conciliation, de la médiation et de la transaction. Le Conseil fédéral a d’ailleurs énoncé que « [l]’action judiciaire doit être l’ultime moyen de pacifier une solution litigieuse » et que « [l]e règlement à l’amiable a la priorité »183. A l’échelle internationale, les Principes ALI/UNIDROIT de procédure transnationale enjoignent aux tribunaux de favoriser à tout stade de la procédure la transaction et les modes alternatifs de résolution des litiges (art. 24 ALI).

La favorisation de la réglementation amiable fait également partie des règles déontologiques applicables à la profession d’avocat. Le Code suisse de déontologie de la Fédération suisse des avocats dispose ainsi que « l’avocat s’efforce de régler à l’amiable les litiges, dans la mesure où l’intérêt du client ne s’y oppose pas » (art. 9 al. 1). La règle entend écarter le conflit d’intérêts de l’avocat, dont les honoraires pâtissent en principe d’une résolution rapide du différend.

Au-delà du cadre volontaire susdécrit, certains pays sanctionnent les refus injustifiés de propositions transactionnelles formulées par la partie adverse.

Ainsi, les dispositions 36.20 et 36.21 des règles de procédure civile anglaise prévoient la condamnation à des frais additionnels de la partie qui décline une offre de transaction définitive et n’obtient pas au terme de la procédure un résultat plus avantageux que l’offre qui avait été faite184.

Une telle sanction est pour l’heure exclue en Suisse, dans la mesure où le CPC prévoit la confidentialité des procédures de conciliation (art. 205 al. 1 CPC) et de médiation (art. 216 al. 1 CPC) et, en corollaire, l’impossibilité de se prévaloir des dépositions des parties dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure (art.

205 al. 1, 216 al. 2 CPC). En cas d’échec des négociations, la propension d’une

181 Pour une historique du consensualisme en cas de litige: MIRIMANOFF,p. 6 ss.

182 « Discourage litigation. Persuade your neighbors to compromise whenever they can. Point out to them how the nominal winner is often a real loser in fees, expenses, and waste of time », Abraham Lincoln cité parHAYDOCK/HERR/STEMPEL, p. 665.

183 Message CPC, FF 2006 6841.

184 The Civil Procedure Rules 1998, p. ex. : 36.20, « Costs consequences where claimant fails to do better than a Part 36 offer or a Part 36 payment » : « (1) This rule applies where at trial a claimant (a) fails to better a Part 36 payment; or (b) fails to obtain a judgment which is more advantageous than a Part 36 offer. (2) Unless it considers it unjust to do so, the court will order the claimant to pay any costs incurred by the defendant after the latest date on which the payment or offer could have been accepted without needing the permission of the court ».

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partie aux concessions et la mesure de ces dernières ne sauraient donc être retenues en sa défaveur185.

2) Instauration de procédures particulières incitant à la résolution amiable des litiges

a) Code de procédure civile suisse i) Conciliation

Sous réserve d’exceptions liées à la nature de la procédure ou de l’action (art.

198 CPC) ou de possibilités d’y renoncer (art. 199 CPC), le Code de procédure civile prévoit une procédure de conciliation préalable à l’introduction d’une action judiciaire (art. 197 ss CPC). Le but de cette procédure préalable est de permettre aux parties de trouver un accord, avec l’aide de l’autorité de conciliation (art. 201 al. 1 a.i. CPC) et en toute confidentialité, aucune déposition des parties ne pouvant figurer au procès-verbal de l’audience de conciliation, ni être utilisée durant la procédure au fond (art. 205 al. 1 CPC). A cet égard, le pouvoir d’examen du juge se limite au strict nécessaire.

S’il y a conciliation entre les parties, la transaction, l’acquiescement ou le désistement d’action inconditionnel qui en résultent figurent au procès-verbal signé par les parties (art. 208 al. 1 CPC) et valent décision entrée en force (art.

208 al. 2 CPC). Au demeurant, afin de permettre une solution globale du litige qui oppose les parties, « une transaction peut porter sur des questions litigieuses qui ne sont pas comprises dans l’objet du litige dans la mesure où cela contribue à sa résolution » (art. 201 al. 1 i.f. CPC).

Dans ce cadre, la transaction consignée dans le procès-verbal concluant une procédure de conciliation intègre typiquement une clause pour solde de tout compte :

« Im Verfahren [klagende Partei] / [beklagte Partei] betreffend [Streitsache] haben sich die Parteien in der heutigen Schlichtungsverhandlung wie folgt geeinigt »

[…]

Nach Vollzug dieses Vergleich erklären sich die Parteien per Saldo aller Ansprüche aus dem gegenseitigen Vertragsverhältnis auseinandergesetzt. »186

185 GAUCH, Circulation routière, p. 9 ; MEIER-HAYOZ, Transaction,p.6. Contra : The Civil Procedure Rules 1998, 36.20.

186 DOLGE/INFANGER,Annexe1.9,179.

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ii) Médiation

Les parties peuvent convenir d’une médiation avant l’introduction de toute action judiciaire, à titre de remplacement de la procédure de conciliation (art.

213 al. 1 CPC) ou pendant la procédure au fond, sur conseil du tribunal (art. 214 al. 1 CPC) ou sur requête commune (art. 214 al. 2 CPC).

A la différence de la conciliation, la médiation évolue hors du cadre judiciaire et, plus que la résolution d’un litige, s’assimile à un processus de gestion de la communication187. Les parties se chargent de son organisation et de son déroulement (art. 215 CPC), de sorte que la médiation est purement conventionnelle, même lorsqu’elle est initiée alors qu’une action judiciaire a été introduite (« médiation judiciaire »)188.

En termes d’effets, la médiation entreprise dans le cadre d’une procédure judiciaire crée la litispendance (art. 62 et 213 CPC) et interrompt la prescription (art. 138 et 213 CPC). A l’inverse, la médiation initiée en dehors ou avant toute saisine n’emporte pas de tels effets, de sorte que les parties doivent faire diligence en procédant à un acte interruptif de prescription189. L’accord final résultant d’une médiation prend généralement la forme d’une convention conclue sous seing privé. Si elles entendent le renforcer, les parties peuvent faire le choix de l’homologuer (art. 217 CPC) ou de le revêtir de la forme d’un titre authentique exécutoire (art. 347 CPC), de sorte que l’accord de médiation vaut titre exécutoire et emporte autorité de chose jugée190.

Au stade de l’homologation, conformément au caractère par essence conventionnel de la médiation, le juge requis d’homologuer l’accord final limite son examen au respect du droit impératif, incompétence ou contenu illicite, et à la volonté des parties, particulièrement si l’une d’entre elles procède en personne191. Pour le reste, le juge n’est pas fondé à vérifier l’équilibre de l’accord, sauf s’il a été conclu dans le cadre d’un divorce (art. 279 CPC)192.

b) Mise en place de procédures d’indemnisation particulières La réglementation des litiges est ponctuellement développée à grande échelle, dans le but de solder de manière efficiente des litiges qui touchent un nombre très important de personnes. En particulier, il arrive que les entités amenées à indemniser des personnes lésées en masse, essentiellement les assureurs, établissent des procédures spécifiques. Des formulaires types, comprenant éventuellement des clauses pour solde de tout compte, sont régulièrement

187 MIRIMANOFF, p. 67 s ; VIGNERON-MAGGIO-APRILE,p. 54.

188 MIRIMANOFF, p. 74 ; VIGNERON-MAGGIO-APRILE,p.54.

189 MIRIMANOFF, p. 75 s.

190 MIRIMANOFF, p. 95 ;PLATZ,p. 259 ; VIGNERON-MAGGIO-APRILE,p.58.

191 MIRIMANOFF, p. 105 ;VIGNERON-MAGGIO-APRILE,p. 59.

192 MIRIMANOFF, p. 68 et 105.

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employés dans ce contexte, quoique cela tende à s’amenuiser au profit de transactions négociées193.

Aux Etats-Unis, le gouvernement met occasionnellement en place des fonds de compensation (« compensation funds ») ensuite d’événements majeurs causant un nombre important de victimes. De tels fonds ont par exemple vu le jour après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York et après l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique. Ces procédures d’indemnisation tendent non seulement à préserver la viabilité économique des débiteurs mais également à indemniser de manière efficiente les victimes, en leur épargnant les incertitudes, les longueurs et les coûts d’une procédure traditionnelle194. Elles offrent un exemple de règlement des litiges pour solde de tout compte, puisque la participation aux programmes d’indemnisation implique nécessairement la renonciation à se prévaloir de prétentions ultérieures195.

Au-delà de ces initiatives gouvernementales, les particuliers peuvent également mettre en place des systèmes d’indemnisation à large échelle. Cela permet d’indemniser rapidement et efficacement les personnes qui seraient autrement légitimées à participer à une class action. Un tel processus a par exemple été mis en place par Volkswagen aux Etats-Unis, ensuite du scandale des moteurs truqués révélé en 2015196.

En Suisse, la Confédération a légiféré en vue de l’indemnisation forfaitaire des propriétaires de forêt ensuite du passage de l’ouragan Lothar en décembre 2010197. Le processus n’a toutefois pas fait l’objet d’une gestion centralisée et systématisée, la compétence de recueillir les demandes d’indemnisation ayant été déléguée aux cantons (art. 4).

Il existe par ailleurs des initiatives privées pour indemniser un grand nombre de victimes, comme celle mise en place par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (EFA). Ce fonds, créé le 28 mars 2017 par des associations et des entreprises, offre des prestations de conseil et un soutien financier aux victimes de l’amiante et à leurs proches. Dans les informations fournies aux victimes, il est précisé que « celui ou celle qui obtient un soutien financier de la part de la fondation EFA renonce, en contrepartie, à toute autre demande d’indemnités auprès d’entreprises ou d’assurances »198.

193 Cf. N 82 s.

194 FEINBERG, Final Report, p.325 s.

195 P. ex. : « Gulf Coast Claims Facility, Sample Release and Covenant not to sue », Appendice B.

196 Processus qui donne lieu à des formulaires: « Volkswagen, Individual Release of Claims », Appendice A.

197 Loi fédérale sur les mesures destinées à couvrir les dommages causés aux arbres fruitiers par l’ouragan Lothar dans l’agriculture du 6 octobre 2000, RS 916.130, FF 2000 1070.

198 Source : https://www.stiftung-efa.ch/fr/prestations/soutien-financier/ (consulté en juillet 2018).

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