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Carte de l’Afrique : Cameroun en Jaune Carte du Cameroun : Yaoundé en Jaune

Les travaux d’étude sur le terrain se sont déroulés au Cameroun. Situé en Afrique Centrale, ce pays compte 10 régions, 58 départements, 360 arrondissements et 339 communes. Il a connu depuis 1884 une triple colonisation : allemande, anglaise et française (Mveng, 1963; Owona, 1996). Cette période coïncide avec la rencontre de la biomédecine et des médecines africaines. En ce qui concerne l’accessibilité aux soins, le Cameroun a connu une gratuité de soins jusqu’à la fin des années 1970. Mais, l’apparition de la pandémie vih/sida à laquelle le système de santé publique n’avait pas toujours de solutions adéquates a poussé à l’effondrement les structures sanitaires. De plus, l’avènement de la crise économique en 1980 a contraint l’État à renoncer à l’offre de soins gratuite aux populations et, à limiter aussi les effectifs du personnel biomédical (Tsala Tsala, 2004). Par conséquent, les prestations médicales étaient devenues payantes, et les frais médicaux supportés directement par les malades.

Au Cameroun, le document de Stratégie de Santé 2001-2016 indique, comme le montre le tableau ci-dessous, que le système de santé est organisé en trois secteurs Ministère de la Santé Publique, 2011).

Souss-secteurs du système de santé

public privé Médecine

traditionnelle Total Structures sanitaires

Lucratif Confessionnel Laïc

Hôpital District 164 164

Hôpital Central 6 6

Hôpital Général 4 4

Hôpital 6 32 89 34 161

Hôpital Militaire 3 3

Centre Hospitalier Universitaire 1

Cabinet de Soins 484 4 59 547 Cabinet Médical 194 38 20 252 Centre de Santé 9 5 476 13 503 Centre médical 14 14 Clinique 76 8 4 88 Dispensaire 9 1 10 Polyclinique 12 Maisons de soins 13 13 Total 201 812 615 127 13 1735

Tableau des sous-secteurs de la santé au Cameroun

Le premier secteur, public, est constitué de 201 structures sanitaires. Le second, privé, est réparti en trois groupes (Ondoua, 2002, p. 22) : le privé à but lucratif, constitué de 812 structures sanitaires ; le privé confessionnel, composé de 315 ; et le privé laïc de 127. Le troisième est celui des médecines africaines. Pour des raisons opérationnelles liées à la distribution géographique et à la diversité des structures de santé, le document de Stratégie de Santé (2011) a limité la collecte des données de base aux sous-secteurs public et privé. Autrement dit, les données sur les médecines africaines qui apparaissent dans le tableau seraient indicatives et, correspondent, selon le Ministère de la Santé, aux données dont il dispose sur les tradipraticiens. Cela veut dire que ce Ministère ne connaît pas le nombre exact de guérisseurs ou de Maisons de soins qui existe au

Cameroun, alors que le nombre de structures sanitaires publiques et privées est bien maîtrisé. Par ailleurs, le nombre de biomédecins est aussi bien maîtrisé, et les statistiques relatives à ces derniers apparaissent dans les documents de l’OMS chaque année. Mais cette institution internationale et les instances nationales de la santé publique des pays africains n’ont jamais fourni des statistiques objectives concernant le nombre de guérisseurs œuvrant dans le domaine de la santé. Leur nombre est seulement estimé. Pourtant, une étude menée à Yaoundé VI (Akoto et al., 2002), un arrondissement des six que compte la ville de Yaoundé où nous avons recruté quelques mères non consultantes et les certains guérisseurs, estime à plus de 400 le nombre de guérisseurs dans ce seul quartier. Une autre étude menée dans quelques régions du Cameroun estime qu’il y aurait environ 10 000 guérisseurs12 (Lantum et al., 2005, p. 17) ; contre environ 3124

médecins, selon les données statistiques de l’enquête démographique 2011 (EDSC-MICS, 2011). Cette même étude estime partiellement le ratio d’habitants par guérisseur qui est de 1 guérisseur pour 700 habitants (2005, p. 16) ; contre 0,2 médecin pour 1000 habitants (EDSC-MICS, 2011). Comparé au ratio d’habitants par médecin recommandé par l’OMS qui est de 1 médecin pour 1000 habitants, le ratio d’habitants par guérisseur est nettement bien supérieur à celui des médecins. De plus, sur les 3124 médecins, 75% sont généralistes, contre seulement 25% de spécialistes. En ce qui concerne les spécialistes de la pédiatrie, le site de la société camerounaise des pédiatries estime qu’il y aurait environ 85 pédiatres au Cameroun, dont 30 dans la seule ville de Yaoundé. Aussi, on remarque sur le plan national un déséquilibre de répartition des structures de soins et du personnel soignant, avec une forte concentration dans les régions du centre, région où se trouve Yaoundé ; du Littoral – région où se trouve la capitale économoqie : Douala ; et de l’Ouest. Ainsi, Les secteurs public et privé sont concentrés dans les zones urbaines (Douala, Yaoundé, etc.) et utilisés seulement par 5 % de la population. Tandis que les médecines africaines couvrent non seulement l’étendu du territoire national, mais fournissent aussi près de 80% des prestations de services et de soins abordables financièrement, tant en zones rurales qu’urbaines. 15% de celles- ci sont couvertes par les religions thérapeutiques auxquelles aucune référence n’est faite dans l’organisation du système de santé camerounais, alors qu’elles sont sollicitées par toutes les                                                                                                                

12 En Afrique du Sud, le nombre de guérisseurs est supérieur à celui des biomédecins : «Traditional healers in South Africa greatly out-number those who practise modern medicine. In neighboring Mozambique, I believe, there 80 000 such healers and about 350 doctors. Of course, the traditional healers are all in private practice» (Kale, 1995, p. 1183).

catégories des malades et des familles. Par ailleurs, les trois sous-secteurs de santé n’ont pas le même poids dans le système de santé au Cameroun. Les sous-secteurs public et privé relèvent de la biomédecine, la seule médecine reconnue officiellement par l’État. Ses agents de soins sont appelés les agents officiels de la santé. Le sous-secteur des médecines africaines est plutôt toléré et accepté par l’État et les agents biomédicaux de la santé, et son fonctionnement n’est pas encadré par une réglementation et des lois. Ses agents de soins, les guérisseurs, ne sont pas reconnus par les autorités de la santé publique et leurs pratiques sont considérées comme illégitimes. Les guérisseurs apparaissent alors comme des soignants affaiblis institutionnellement, d’où l’usage du concept d’acteurs faibles pour les caractériser (Payet, Giuliani, & Laforgue, 2008).

3.3.1 Lieu d’étude : Maisons de soins et Centre Mère et Enfant

Le recueil des données a eu lieu à Yaoundé : capitale politique du Cameroun et ville cosmopolite. Le choix de cette ville se justifie par le fait qu’elle est le signifiant de la modernité, et exerce un effet d’attraction sur les villes périphériques et les zones rurales. Yaoundé est le lieu où excellent les phénomènes d’hybridations médico-culturelles et religieuses. On y trouve tous les groupes ethniques camerounais du fait des exodes ruraux. Elle a 1 800 000 habitants sur une population totale estimée à environ 21 millions (EDSC-MICS, 2011). De récentes études menées à Yaoundé ont révélé que les guérisseurs ont tendance à se regrouper dans les grandes villes où l’offre biomédicale est importante ; où l’on trouve un grand nombre de clients nantis (Akoto et al., 2002). Les données que nous présentons ici ont été recueillies de mars-décembre 2012 dans deux milieux de soins pédiatriques. Le premier, les Maisons, est le lieu où les guérisseurs accueillent les familles et offrent des prestations de soins de santé infantile et maternelle. Les guérisseurs que nous avons rencontrés se singularisent par la maîtrise des savoirs botaniques, physiologiques, spirituels et psychologiques. Certains disposent d’un réseau de thérapeutes biomédicaux et non biomédicaux, en matière de maladies de l’enfance et de la grossesse. Lors de certaines situations problématiques comme des accouchements difficiles, ce réseau se met en branle très souvent par l’activation d’un biomédecin qui sollicite les services d’un guérisseur dont les compétences sont reconnues en matière de facilitation d’accouchement. Dans ce cas, il est de connivence avec le biomédecin. Parfois, ce sont les familles qui font venir clandestinement le guérisseur à l’hôpital pour faciliter la délivrance. Certaines Maisons présentent de nos jours la structure des cliniques

privées où l’on y rencontre un secrétaire à la réception ; où les produits sont conditionnés et mis dans des flacons exposés sur des présentoirs, comme en pharmacie. D’autres publient sous formes de livre un guide d’utilisation de leurs produits médicinaux. Un exemple est le livre d’un guérisseur (Unkap, 2013) préfacé par un professeur émérite et enseignant à la FMSB, aujourd’hui à la retraite. Nous avons mis en annexe une page de ce document dans laquelle il indique les propriétés anti-bactériennes d’un produit, la «biomicrolyse», traitant le Chlamydiae ou la syphilis. Le second milieu est le Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya [ci-après : Fondation]. C’est un hôpital pédiatrique universitaire de référence à Yaoundé, où l’on rencontre les agents biomédicaux spécialisés : des pédiatres. Crée en 1999, la Fondation est rattachée à la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de Yaoundé [FMSB]. Elle dispose de 205 lits répartis dans 8 services. Les Pédiatries A et B sont dédiées aux services de cardiologie et de nutrition ou de gastroentérologie. Les Pédiatries C, D et E sont consacrées à la néphrologie, à l’hémato-oncologie et à l’infectiologie [méningites, tuberculose, paludisme, etc.] et Neurologie [maladies neurologiques]. Le Moyen Standing, où l’on traite les maladies telles que la drépanocytose ; l’Unité de jour, où a lieu le dépistage, le traitement et la prévention du vih/sida chez les enfants ; la Néonatologie B pour enfants prématurés et enfants à terme. Ces différents services sont tenus par 10 pédiatres, 10 médecins généralistes ; 5 médecins internistes en formation de pédiatrie ; 2 gynécologues obstétriciens ; 72 infirmiers, 53 aides soignantes ; 12 personnels médico-sanitaires. Il convient de souligner que la Fondation n’est pas le seul hôpital pour enfants qui existe dans la ville de Yaoundé. On y trouve aussi L’Hôpital Gynéco-obstétrique de Ngousso qui s’occupe aussi uniquement de la santé de la mère et de l’enfant. À côté de ces deux centres hospitaliers spécialisés – pour enfants, se trouvent bien d’autres hôpitaux13. Nous mentionnonerons ici

seulement certains d’entre eux. On rencense par exemple : l’Hôpital Général de Ngousso dont les murs jouxtent ceux de l’Hôpital Gynéco-Obstétrique de Ngousso ; le Centre Hospitalier Universitaire [CHUY] de la Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales de Yaoundé [FMSB] ; l’Hôpital Central de Yaoundé situé sur le même emplacement que la Fondation [l’hôpital dans lequel nous avons mené nos recherches] ; et l’Hôpital de la Caisse Nationale de Prévoyance                                                                                                                

13 Il convient de noter qu’on rencontre aussi les dispensaires, situés dans les arrondissements de la ville de Yaoundé ; et les hôpitaux de districts qu’on retrouve dans les districts et les zones rurales de cette ville. Les mères s’y adressent aussi pour leurs problèmes de santé ou ceux de leur l’enfant, surtout les mères qui vivent à la périphérie de la ville.

Sociale [ci-après : CNPS ou Caisse]. La particularité de cet hôpital est qu’il est considéré comme l’hôpital «des riches» ou encore des fonctionnaires, en raison du fait qu’il est fréquenté en majorité par les agents de l’État. L’autre particularité est qu’il fonctionne comme une caisse d’Assurance maladie, en raison du fait que les prestations médicales de ces derniers, en particulier, sont prises en charge directement par la CNPS ou la Caisse, comme nous le verrons plus loin dans les résultats de l’étude [cf. chapitre #4]. Il convient de signaler qu’à côté de ces structures hospitalières dites publiques, se touvent aussi de multiples cliniques médiales privées, comme par exemple La Clinique Bastos où sont délivrés les certificats éthiques – Clairance Éthique ; et des hôpitaux confessionnels tenus par les missionnaires. Ces différents hôpitaux possèdent aussi, comme la Fondation, entre autres unités de soins, un pavillon dédié à la santé de la mère, et un autre, à celle de l’enfant. Autrement dit, nous aurions pu mener aussi nos recherches dans l’un ou l’autre de ces différents centres hospitaliers. Mais notre choix s’est porté sur la Fondation.

Nous nous sommes intéressé à la Fondation pour trois raisons. D’abord, parce que c’est un centre hospitalier qui s’occupe de la santé de l’enfant et de la mère. Ensuite, elle se démarque des autres hôpitaux de par l’offre gratuite de certaines prestations de soins, en ce qui concerne les maladies chroniques, comme le vih/sida, cancer, etc.; les maladies graves : la drépanocytose, la méningite ; et des maladies bénignes : paludisme, fièvre, etc. Enfin, elle représente un cadre institutionnel formel de la biomédecine et le lieu où on retrouve presque toutes les couches de la société. La Fondation est fréquentée autant par les familles de villes et de villages que par des familles favorisées et défavorisées sur les plans socioéconomique et intellectuel. On y retrouve tous les groupes ethniques [le Cameroun en a 208 environ], indépendamment de leur appartenance tribale ou de leur niveau d’instruction : universitaires, hommes politiques et paysans y recourent. Par ailleurs, il ne se pose pas d’emblée des difficultés d’accessibilité liées aux difficultés financières, comme c’est le cas par exemple au Centre Hospitalier Universitaire de Yaoundé [CHUY] et à l’Hôpital Central, etc. Ce dernier aspect, à savoir l’accessibilité économique aux soins, est une caractéristique commune que partagent le Centre Mère et Enfant et les Maisons de soins.

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