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La population de l’étude est constituée de trois groupes de participants. Les guérisseurs, les biomédecins et les mères d’enfants. Pour ce dernier groupe, deux catégories ont été considérées :

les mères venues en consultation à la Fondation et celles rencontrées en Maisons au moment de la recherche ; et les mères non consultantes rencontrées dans les quartiers. Ces dernières n’étaient pas en consultation au moment de l’étude, mais se sont adressées aux guérisseurs ou à un hôpital durant les 12 derniers mois précédant le début de la recherche qui a commencé en mars 2012. Nous les considérons comme des facteurs médiateurs de la rencontre et de la reconnaissance, car celles-ci se font grâce à elles, par elles et avec elles. Cela est vrai d’autant plus que, comme le souligne Bibeau14 et Charland (1994, p. 374), «les malades circulent

constamment entre les différents univers de soins, contribuant à établir entre eux une communication factuelle, une mise en contact des différentes ressources thérapeutiques qui sont successivement ou parallèlement mobilisées dans la quête de guérison par les malades». Si bien que sans elles, on pourrait passer complètement à côté de la plaque. On aurait pu partir de cette circulation naturelle des malades pour proposer un balisage des formes de rencontres et des modalités de la reconnaissance. Malheureusement, ils n’ont pas été impliqués dans le processus de reconnaissance, alors qu’ils en sont les premiers concernés. Malgré l’effort du gouvernement de les réduire au silence, il semble qu’ils aient toujours consulté les «guérisseurs, avant, pendant et après la colonisation, soit clandestinement ou ouvertement, quelle qu’ait été la position à leur égard des différentes administrations» (de Rosny, 1992, pp. 27–28). Les agents biomédicaux que nous avons rencontrés sont des biomédecins camerounais, dont les pratiques s’inscrivent dans l’axe du dépassement et du questionnement du cadre d’analyse biomédical habituel qu’ils jugent désormais incapable, à lui seul, de répondre aux attentes des mères ou des usagers de soins, en général. Ils présentent la particularité de dépasser le cadre des nosologies apprises à l’école ou à la faculté de médecine ; et sont intéressés et ouverts aux pratiques des néo-guérisseurs. À partir de ces critères, nous avons inclus 50 participants dans l’échantillon, dont 10 mères consultantes en Maisons [Mère-Maisons#], 10 mères consultantes à la Fondation [Mère-Fondation#], 10 mères non consultantes [Mère-Quartier#], 10 guérisseurs [Tradi#], et 10 biomédecins [Biomed#].

3.4.1 Méthode de recrutement et d’inclusion des participants à l’étude

La technique utilisée pour recruter les participants est la méthode d’échantillonnage intentionnel [par choix raisonné]. C’est une technique de sélection qui accroît les chances de retenir les                                                                                                                

14 Comme le souligne Bibeau et Charland (1994, p. 374), «Du point de vue des populations, les guérisseurs herboristes et les devins ritualistes font partie des recours possibles au même titre que les agents de santé primaires, les infirmiers des dispensaires ou les médecins spécialistes des hôpitaux».

participants dont le profil cadre avec les objectifs de la recherche (Smith & Morrow, 1991). Il s’agissait de privilégier les acteurs de soins «typiques» (Dubé, Rinfret-Raynor, & Drouin, 2005). Ce type de recrutement s’assimile à l’échantillonnage théorique (Barbour, 2001; Mays & Pope, 1995), car il ne recherche pas la représentativité statistique, mais vise à refléter la diversité des thérapeutes [guérisseurs, biomédecins] et des usagers de soins. Plusieurs critères d’inclusion ont guidé le recrutement des enquêtés. Dans le cas des guérisseurs, bien qu’ils soient aujourd’hui organisés en associations, certaines études menées au Zaïre (Bibeau, 1982b, p. 1845), au Sénégal (Fassin, 2000b, p. 102) et au Cameroun (de Rosny, 1992, p. 45) ont montré que les membres de celles-ci rejoignent difficilement les critères d’identification d’un vrai et bon guérisseur. Le risque est grand de ne retenir que des faux guérisseurs en s’adressant à ces associations. C’est pourquoi, nous nous sommes fié aux critères anthropologiques à partir desquels les populations qui ont recours à eux les identifient. Pour Rosny (1981, p. 164), ces critères sont au nombre de quatre. Le vrai guérisseur se reconnaît par : sa stabilité dans la communauté où il est né ; l’origine de son pouvoir de guérison : les habitants de son village doivent pouvoir témoigner de la réalité de sa vocation ; la durée des guérisons opérées ; la bonne connaissance des plantes médicinales et le bon usage des rites thérapeutiques. Ces critères rejoignent ceux décrits par Bibeau (1982b, p. 1847) au Zaïre : «Accurate information on training15 […] ; Information on the

patients treated by the healer […] ; Information on the type and effectiveness of the treatments administered […] ; information on the healer’s reputation […] ». Pour les mères, deux catégories ont été concernées par le recrutement. D’une part, les mères qui consultaient les thérapeutes dans les points de consultations au moment de la recherche, c’est-à-dire celles qui se sont adressées aux guérisseurs et biomédecins inclus dans l’échantillon des thérapeutes. D’autre part, celles qui ne consultaient pas au moment de la recherche. Quant aux biomédecins, ils devraient exercer à la Fondation ; manifester de l’intérêt pour d’autres modèles d’approche de la santé ; être persévérants. Ce dernier critère était capital et concernait tous les participants, car l’étude devait s’étendre sur une période de près de 9 mois et exigeait la participation à toutes les étapes : aux observations et entretiens individuels, et y compris, à la phase de l’implication des enquêtés à l’(auto)analyse – par le biais de la technique de l’analyse en autoconfrontation – des données qu’ils ont eux-mêmes contribué à produire. Les deux groupes de soignants et de mères des zones                                                                                                                

15 [Based on reliable testimony as to the healer’s apprenticeship in the art of healing, whether the art was transmitted through family tradition or through a well-knowm personality in the region and, when necessary, addional information

urbaine et ruale ont fait l’objet de recrutement et, 50 sujets ont été inclus dans l’échantillon. Ce nombre a été arrêté selon le critère de saturation empirique (Pirès, 1997, p.157). Notre échantillon n’est pas représentatif. Mais ce qu’on perd sur le plan de la non représentativité, on le gagne sur celui de la diversification de l’échantillon, des échelles d’observations et d’analyses des données.

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