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2.2 APPROCHES THEORIQUES DE LA RENCONTRE ET DE LA RECONNAISSANCE 51

2.2.4 Pour conclure : reconnaissance comme réciprocité 73

L’approche de la reconnaissance inspirée de la sociologie des épreuves et de l’anthropologie capacitaire peut être résumée autour de deux points principaux. D’abord, autour des notions d’épreuves de grandeurs et de justifications, des ordres de la grandeur et de reconnaissance qui ont une valeur heuristique au regard de l’analyse du concept de reconnaissance. Ces notions sont importantes, car elles ouvrent un espace de promotion sociale à l’intérieur duquel les différences de compétences et de capacités se négocient. Leur mérite est qu’elles permettent de développer

une conception de la reconnaissance transversale qui concilie à la fois les intérêts individuels et les intérêts collectifs ; la dignité rattachée au respect de l’identité statutaire et l’estime de soi résultant du mérite. C’est aussi l’occasion de pouvoir escalader d’un niveau social à un autre, en ce sens que les épreuves de justification donnent la même chance aux individus ayant les mêmes compétences, en termes de biens éducatifs, à gravir de manière identique les échelons sociaux. Ensuite, une conception de la reconnaissance en termes de droits des minorités ou d’identités collectives à reconnaître réduit l’épaisseur même du concept, car elle définit une frontière imaginaire entre majoritaires et minoritaires ; et risque de nuire, selon Appiah (1994) aux identités individuelles et de renforcer les clivages sociaux. Une telle perspective tendrait à neutraliser le caractère dynamique de la reconnaissance ; à exacerber les différences sociales ; et à confiner les individus ou groupes dans des catégories identitaires opposées, voire incompatibles, sans tenir compte de la fluidité du caractère identitaire lui-même (Meintel, 2008, p. 309). Appiah (2007) parle d’identités plurivocales, car les individus appartenant à un groupe peuvent afficher, selon les situations, des identités différentes/variables. L’approche de Appiah suggère de ne plus opposer la reconnaissance individuelle à la reconnaissance collective, car les identités sont perpétuellement soumises à des transformations. Mais il convient de souligner que ces transformations contribuent à créer de nouveaux espaces de rencontre, ainsi qu’une pluralité de formes de reconnaissance. Par ailleurs, la problématique réelle de la reconnaissance renvoie à celle du pouvoir dans la formation de nouvelles modalités de la rencontre au stade où elles n’ont pas encore subi d’institutionnalisation, dont les réaménagements identitaires des néoguérisseurs n’en constituent qu’une forme de contestations politiques et idéologiques. Néanmoins, à force de contester les modalités de la reconnaissance normative, on pourrait aboutir à ce que Appiah (2007) a qualifié de «local agreements», à savoir une sorte d’accommodement entre les différents ordres de la grandeur; cet accommodement pouvant permettre l’élargissement, selon Wallerstein (1996, p. 55), d’un côté, de la base sociale des relations professionnelles, et de l’autre, celui des modalités de la reconnaissance et de la rencontre (Meintel, 2008, p. 318). Une telle perspective pourrait engendrer la transformation des rapports de pouvoir entre acteurs faibles et acteurs forts, à condition que l’élargissement ne soit pas lui-même normatif, c’est-à-dire qu’il ne s’alimente pas aussi, selon les craintes légitimes de Hurbon (1978, p. 63), de l'idéologie coloniale [totalisante] élaborée et

préparée par les penseurs du 19ème siècle. Mais rien n’est certain, car selon Mudimbé (1978, p.

67), le combat contre celle-ci pourrait être une nouvelle ruse que l’occident oppose aux institutions faibles au terme de laquelle il les attend, immobile et ailleurs. Les affaiblis ne doivent pas ignorer ou perdre de vu que l’acteur fort n’est pas dupe, en ce sens que les tactiques/stratégies de renforcement que nous allons présenter dans les résultats de cette étude viennent parfois des penseurs occidentaux. Cela suppose un agir méthodologique spécifique si l’on veut changer les modalités des rapports de forces entre les acteurs affaiblis et les acteurs forts. Pour doter l’agir faible de la puissance qu’on prétend lui reconnaître, il va falloir se doter d’outils méthodologiques forts et compréhensifs, justement en faveur de l’agir faible, mais dans un sens d’équilibration des rapports de force. Si bien que les coups soient donnés et reçus de part et d’autre. Pour finir, nous tenons à préciser que ce n’est pas le besoin de reconnaissance identitaire qui alimente les luttes de places que mènent les néoguérisseurs. Mais plutôt le besoin que les médecines africaines soient institutionnellement reconnues par une loi, au sens juridique du terme. Il s’agit alors des luttes pour la reconnaissance juridique et institutionnelle de leur profession de guérisseur.

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EUXIEME PARTIE

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METHODOLOGIE ET ETHNOGRAPHIE DES MILIEUX PEDIATRIQUES

Nous traitons dans la deuxième partie de la thèse de la méthodologie et de l’ethnographie des Maisons de Soins [Maisons] et du Centre Mère et Enfant de la Fondation Chantal Biya [Fondation]. La deuxième partie comporte 2 chapitres, notamment le chapitre #3, où nous abordons les démarches méthodologiques qui nous ont conduit sur le terrain ; et le chapitre #4, où nous présentons l’ethnographie des Maisons et de la Fondation. Ce dernier chapitre permet une contextualisation des données. Nous y répondons, à un premier niveau, aux questions initiales que nous nous posions au début de l’étude ; et à un second niveau dans la troisième partie de la thèse, nous prenons en compte les thèmes émergents, un matériau que nous n’avons pas prévu recueillir parce qu’il n’était pas pris en considération dans le protocole de recherche de départ. Quantité de données ethnographiques recueillies au premier niveau ont répondu aux questions initiales.

 

3D

EMARCHES METHODOLOGIQUES

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